Allez, viens je t’emmène. Je t’emmène faire une ballade au Texas, non à El Paso, mais du côté de San Antonio. C’est joli San Antonio, et puis, y’a Fort Alamo si vous souhaitez jouer les touristes. Avec une toque de belette sur la tête et une vieille pétoire, vous pouvez rejouer la scène histoire de voir si l’issue sera différente.
Bon, peu de chances, mais ça ne coûte rien d’essayer.
Mais San Antonio, c’est aussi une cité militaire, une grosse agglomération, plus d’un million et quelques d’habitants, donc une chance certaine de tomber sur un regroupement de musiciens qui n’aiment pas jouer la même musique que les autres.
Du Texas, on retient évidemment le Blues Rock, le Stoner/Sludge, les ZZ TOP, et puis quelques autres trucs bien dans la tendance du coin. Mais le Texas, c’est aussi – et oui – un genre de Hardcore un peu Noisy, joué sans complexes et sans illusions de rendement.
Des représentants du coin viennent juste de sortir leur deuxième LP d’ailleurs. Un truc qui sonne un peu acide, très abrasif, et pas désagréable pour les oreilles.
Parait même qu’ils font partie d’une police fantôme, ou d’une police de fantômes, je n’en sais rien, ça dépend de la traduction.
GHOST POLICE, c’est un quatuor né en 2011, formé aujourd’hui de quatre maniaques Hardcore pas vraiment tendre avec vos oreilles.
James Cameron Taylor (guitare), Ethan Campa (batterie), Steven Remigio (chant, cris) et Enrique Bonilla (grosse basse distordue), un EP, Dead Soul Noise et un premier LP, Ghost Police, tous deux publiés par Trends Die records, et puis ce petit dernier, Keep It To Yourself, que vous ne devriez justement pas garder pour vous mais plutôt passer le mot à vos potes, parce que dans le créneau du Hardcore sale, rouillé et subtilement Noisy, il bat le pavé de San Antonio comme personne, un peu désabusé, bruyant mais pas renfermé, hanté de dissonances et de stridences, mais surtout, créatif et avec ce petit temps de latence qui est la marque des meilleurs combos.
Enregistré et mixé par Evan Kleinecke et masterisé par Chris Cline, ce quatorze titres propose des vues assez intéressantes sur le Hardcore Noisy à tendance atonique, qui place l’exercice rythmique en avant, et qui oppose une guitare sadique et une basse pachydermique à un chant dramatique, en construisant des structures semblant aléatoires, mais répondant à une logique de liberté de ton assez pertinente en l’état.
Des choses très entraînantes parfois, et au doux parfum casher des origines du Core local, mais aussi des allusions très appuyées au Street Noise New-yorkais, ainsi que de fréquents clins d’œil à une forme de Powerviolence pas vraiment avouée ni assumée, mais qui garantit quelques envolées bien Speed qui vous décollent de votre plancher. En substance, un genre de disque bricolé avec les tripes, un truc bien viscéral comme on les aime, qui ne se contente pas d’appliquer des recettes maintes fois éprouvées, mais qui pousse les choses un peu plus loin, et un peu plus dissonantes.
Du FUGAZI, du JESUS LIZARD, un peu de BLACK FLAG période bizarre, pas vraiment UNSANE parce que pas assez malsain, mais une belle collection de morceaux très malins qui retiennent l’attention, et parfois par l’entremise de mélodies qui ne sonnent pas vraiment comme telles, mais plutôt des harmonies fausses triturées par un Thurston Moore local.
Tout ça vous aiguise l’appétit, et je comprends. C’est bien fait, libre, affranchi, mais pourtant cohérent et pas vraiment frais, mais entraînant. Tiens par exemple, essayez de ne pas dodeliner de la tête et des pieds sur « Head Butt », pour sortir votre tête de votre fondement. Et bien ça marche.
Une pincée de Post-Punk un peu rigide, mais sincèrement catchy, avec quelques petites approximations rythmiques, comme ce « Blind, Deaf and Dumb », qui tente de communiquer LIZARD et FUGAZI sans avoir recours à la langue des signes, mais plutôt à un up tempo bien soutenu, et des idées de basse bien velues, en accords discordants, qui retiennent l’oreille et ne la lâchent plus. Phrasé implacable et arythmique, contretemps, accords plaqués, c’est du bon, vous pouvez y aller.
De temps à autres, la machine s’emballe pour se rapprocher d’un Core de Venice, joué façon RAMONES qui découvrent les STUPIDS (« Couch Leper »), voire d’un Fastcore au blasts sympathiques et ludiques (« Nails For Your Coffin », du DRI trempé dans l’acide de la batterie des UNSANE), ou au contraire descendre dans les tours pour tisser une toile de menaces pas vraiment fantômes d’une gravité presque atone (« Trenches », qui fait franchement mal aux tympans avec sa guitare qui semble s’accorder toute seule dans son coin, pendant que la basse pèse de tout son poids sur le chant assez malsain).
Une fois par ci par là, ça ne ressemble à rien, et ça joue le bordel qui part dans tous les sens (« Hot Death », rapide, strident, mal aux dents.), ou à un Mathcore sous acides qui mord (« My Hell », un enfer en effet très personnel avec une guitare qui renonce à toute forme de musicalité et qui fait passer les mains de Ben Weinman pour des gants de sage-femme qui ne vous veut que du bien), ou à un Powerviolence/Fastcore qui dégénère en Jazzcore, avec progression d’accords louches et chant qui se mouche (« Mind Lapse »).
Enfin bref, rien de casual, plutôt un truc de malades qui n’ont vraiment pas envie de jouer les guides pour touristes en mal de mélodies sudistes.
Keep It To Yourself n’est pas le genre d’album qu’on va caler dans son autoradio pour mettre l’ambiance en avalant des kilomètres, plutôt le truc qu’on va jouer sur un vieux radiocassette un peu fatigué, histoire d’éloigner les curieux et tétaniser les peureux.
Mais si vous passez du côté de San Antonio, saluez-les, et faites un tour à Fort Alamo. Avec un son pareil planant dans l’air, peu de chances que quelqu’un s’approche.
Et vous pourrez alors vous amuser, le fusil ou la canette à la main. Malin.
Titres de l'album:
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