Kenoma

Sons Of A Wanted Man

07/02/2020

Les Acteurs De L'ombre Productions

Vent de fraîcheur dans l’écurie des Acteurs de l’Ombre, avec une double surprise. D’abord, la signature d’un groupe belge, la plupart de leur cheptel provenant de nos frontières, ensuite, un pari artistique audacieux, s’éloignant un peu des coutumes traditionnelles du Black Ambient, expérimental, ou du Post Black contemplatif. Ceci étant posé, il n’y a rien de surprenant à prendre acte de ce partenariat entre l’un de nos labels fétiches et les SONS OF A WANTED MAN. La musique de ces derniers respecte en effet les désirs d’affranchissement des contraintes des Acteurs, qui ont toujours refusé la facilité artistique et la surproduction à des fins de saturation du marché. L’esthétisme est donc encore une fois à l’ordre du jour, puisque ce premier LP est d’une haute qualité musicale, bien que pas forcément très facile d’approche au prime abord. Fondé fin 2014 à Béringue, près des Pays-Bas, SONS OF A WANTED MAN est le type même de groupe pluriel, à l’inspiration étendue, qui ne compte pas se faire enfermer dans une petite case. Si l’on admet le postulat BM de base, fil d’Ariane des productions LADLO, la mystique des belges est un peu plus profonde et opaque qu’un simple essai Post traditionnel ou qu’une litanie Raw un peu trop facile. Après avoir franchi les étapes à leur rythme, imposant une sortie courte après l’autre (deux EP, Black Days Black Dust en octobre 2016 et Awakening en mars 2018), les musiciens ont donc décidé de passer le cap du premier longue-durée, avec sept longs titres pour quarante-sept petites minutes. Première précision, Kenoma n’est pas totalement inédit, et si vous avez plus ou moins suivi la carrière des flamands, vous reconnaîtrez dans le tracklisting deux morceaux déjà connus pour avoir cohabité sur un même format, « Serpentine » et « Amor Fati ». Mais pas d’inquiétude, loin de refourguer des anciens morceaux, les instrumentistes en ont profité pour leur donner un nouvel éclairage en les enregistrant de nouveau. Ce qui n’est somme toute pas un mauvais choix, Kenoma prenant alors des airs de best-of déguisé, allusif envers le passé, mais prospectif en ce qui concerne l’avenir.

Si les flamandes dansent sans rien dire au dimanche sonnant, les flamands eux, hurlent pour dire quelque chose n’importe quel nuit trébuchante de la semaine. Et en parlant de leur avenir, il semble briller d’un soleil noir à l’écoute de ces morceaux aussi complexes que directs, et aussi puissants qu’ils ne sont ambiancés. Présenté par son label comme un groupe aux inspirations multiples, SONS OF A WANTED MAN se plaît en effet à combiner l’efficience d’un BM vraiment puissant, les modulations d’un Post tout sauf bêtement contemplatif, sans renoncer à une optique proche du Hardcore dans le maniement des instruments. Et pour bien mettre les choses au point, le quintet se la joue MACHINE HEAD de The Blackening, et nous assomme d’un morceau de plus de dix minutes en entame des hostilités. « Kenoma », morceau éponyme présente donc une grande partie du visage global du groupe, et développe pendant plus de six-cents secondes un argumentaire logique, agencé, mais aussi épidermique qu’une saine réaction face à l’immobilisme musical ambiant. Pas question ici de nostalgie opportuniste, ni de projection vers un avenir incertain. Kenoma a plutôt des airs d’état des lieux du BM d’aujourd’hui, celui se sevrant des flots haineux d’origine, mais acceptant les sinuosités su Blackgaze, du Post et de l’atmosphérique. On se retrouve donc plongé dans un chaudron en feu, bouillonnant de références tacites, mais loin de tout révéler sur les belges, cette entame sert plutôt de présentation exhaustive. En arrière-plan, on reconnaît sans tendre l’oreille des accointances avec le reste de la production des Acteurs, notamment pour cette versatilité qui ne néglige pas la cohésion, mais d’autres noms viennent évidemment à l’esprit, et citons-les pour l’exemple, ALCEST, DARKTHRONE, NEUROSIS, CULT OF LUNA parfois, NIGHT, et bien d’autres servant plus de garde-fou que de référence pointue. Mais en choisissant de ne pas choisir, les belges ont tenté le pari de la diversité à tout prix, pari qu’ils remportent globalement, malgré une sensation de « j’en suis capable donc je le fais », qui plane un peu parfois.

Cette sensation est celle d’un auditeur confronté à un groupe excellent, au potentiel indéniable, qui sort sa carte de visite et n’hésite pas à mettre en avant toutes ses options. C’est ainsi qu’on passe d’une ambiance mortifère digne d’un BM lo-fi boosté par une production pro (mastering par Magnus Lindberg aux Redmount Studios), à un Post Black presque éthéré et rehaussé de nappes vocales féminines sur « Canine Devotion » (assurées par Isa Holliday). Mais même lorsque le Post à volutes féminines se fait une place, les hurlements et timbres assourdissants ne cèdent pas un pouce de terrain ce qui permet de ne pas sombrer dans la mélancolie pénible du Blackgaze le plus convenu. Conscients de jouer une carte très importante, les belges n’hésitent pas à se faire remarquer par des inserts Heavy du plus bel effet, osant parfois des vocaux dignes du Metalcore ou du Death, créant ainsi un décalage intéressant entre un désir d’accrocher l’oreille et de la heurter en même temps. L’exemple le plus probant en reste « Under A Lightless Sky », l’un des hauts-faits de l’album, qui tente le coup d’un refrain (si tant est que le terme puisse être employé) en juxtaposition, avec hurlements acides et chœurs planants en arrière-plan. Sans vouloir jouer le jeu d’un track-by-track qui n’aurait aucun intérêt, il convient de préciser que chaque titre possède son identité propre et son style particulier. Et cette mention est d’importance, car l’album dans son ensemble risque de décevoir ceux qui préfèrent l’unité à la diversité, les segments étant d’égale qualité mais s’orientant dans des directions différentes. Ainsi, les très ludiques allusions TENGIL/CRADLE de « Absent » pourront choquer les puristes, déstabilisés par ce mid-tempo diablement catchy et ce riff redondant, et ces mélodies presque Indie en filigrane, tandis que les amateurs de culot salueront celui des SONS OF A WANTED MAN qui décidément, ne se laissent pas dompter facilement.

Je l’avoue, malgré quelques imperfections (minimes, dans le trop grand décalage des genres parfois), Kenoma me sied. J’aime sa fougue, j’aime sa créativité, j’aime son absence de limites et son envie de fédérer un peu tout le monde. Loin d’être consensuel, ce LP est au contraire un manifeste d’indépendance, une revendication d’un choix très personnel, et la somme de parcours individuels mis en commun. Nous avons même droit à un épilogue de toute beauté, évanescent, qui offre une fermeture en opposition avec l’ouverture pantagruélique de « Kenoma ». C’est une bien belle façon de boucler la boucle, et de ne pas rentrer dans le rang, osant presque une œuvre miroir dans lequel chacun verra un reflet différent de lui-même. En acceptant l’idée que les années à venir permettront aux SONS OF A WANTED MAN de peaufiner et équilibrer leur approche, on peut s’attendre à l’émergence d’un futur grand.

                                                                                                      

Titres de l’album :

                    01. Kenoma

                    02. Serpentine

                    03. Canine Devotion

                    04. Under A Lightless Sky

                    05. Absent

                    06. Amor Fati

                    07. Pleroma

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par mortne2001 le 17/04/2020 à 18:21
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