Qu’est-ce qui ressemble plus et moins à un groupe de Heavy Metal de L.A qu’un autre groupe de Heavy Metal de L.A ? Rien, en effet, tant la Californie s’évertue depuis les années 80 à nous dispenser des leçons de versatilité, ayant tout connu de l’aventure depuis son orée. Néanmoins, et puisqu’il faut bien admettre que le Thrash est plus ou moins né là-bas (même si San Francisco est pointé avec moins de dédain sur la carte), autant dire que cet état fut le berceau du Metal moderne tel que nous l’avons toujours connu, et que parfois, le temps s’y arrête, l’histoire s’y répète, au point de transformer les acteurs d’aujourd’hui en sosies des héros d’hier. C’est plus ou moins le sentiment qui m’a étreint en écoutant le second album des locaux d’OBSIDIAN, qui en plus d’une occasion, m’ont rappelé à la mémoire d’une autre assemblée de chevaliers, tout aussi portés qu’eux sur la nuance et la violence en ambivalence. Si vos souvenirs ne vous font pas trop défaut, le nom d’ARMORED SAINT devrait vous évoquer quelque chose de plutôt palpable et probant, l’armée de John Bush ayant traversé les années 80 en étant un peu chahutée, mais en intrigant un public assez perceptif à leurs fugues en Heavy majeur qui parfois se frottait à l’agressivité du Thrash sans pour autant en revendiquer la brutalité, et sans se départir de son sens mélodique prononcé. Alors dites-vous que les californiens d’OBSIDIAN en sont presque les héritiers logiques, tout en admettant quelques nuances importantes. Car loin de se contenter de singer les recettes de leurs aînés, ces trois musiciens au potentiel plutôt marqué (Carlos Calavera - chant/basse, Frank Bera - guitare/chœurs, et Mike Lopez - batterie) les font fructifier pour surfer sur la vague nostalgique en vogue, et nous offrent donc un second LP très frais, catchy comme il faut, mordant mais costaud, et surtout, suffisamment harmonique pour attirer dans ses filets les plus réfractaires à la cause Thrash trop appuyée.
Ils s’en revendiquent pourtant, alors autant leur accorder cette affiliation qui leur sied. Mais en précisant quand même que leur approche est sévèrement modulée et plus réceptive des optiques originelles, celles que les METALLICA et MEGADETH avançaient à l’orée de leur carrière, le tout atténué d’une réelle volonté d’aplanir les aspérités pour se rapprocher d’un Heavy vraiment énergique et juvénile. C’est ainsi que Killshot, malgré une pochette choc qui pourrait laisser présager d’une overdose de bestialité, se présente sous la forme d’un sept titres suffisamment varié pour intéresser un public large, mais aussi précis qu’un petit bréviaire Heavy. La caution ARMORED SAINT étant la plus prononcée, spécialement dans les accents vocaux de Carlos Calavera, plus proche de John que des frangins de SEPULTURA, et dont le timbre rauque et granuleux est policé par une acceptation des harmonies assez marquée. Beaucoup de talent chez ce chanteur qui n’a pas oublié la noblesse d’un gosier typiquement Heavy, et qui nous ramène aux grandes heures de l’explosion eighties, mais aussi beaucoup d’assurance chez Frank Bera, qui manipule avec beaucoup de dextérité le riff Heavy et la saccade Thrash, trouvant des jonctions entre les deux pour assurer la cohérence de l’ensemble. L’homme troussant en outre des soli parfaitement remarquables, et souvent légèrement enflammés de la démesure baroque d’Yngwie et Ritchie (« Valhalla », si avec une partition comme celle-là vous ne l’atteignez pas, c’est que vous ne le méritez pas), sa participation à l’œuvre se veut donc d’une importance aussi capitale. Et finalement, le nom encore assez méconnu d’OBSIDIAN s’écrit lui-aussi en lettres capitales, tant le talent du groupe éclate sur chaque composition, qui ont le mérite d’offrir un panel assez large d’influences.
En restant raisonnable, le trio parvient à signer des structures ambitieuses, mais surtout, accrocheuses. Jamais plus de cinq minutes, mais beaucoup d’idées, de breaks bien amenés, de transitions fluides développées, pour un second LP qui affine la direction entamée à l’occasion d’Army Of Darkness, leur premier effort, encore un peu vague et généraliste. Ici, on sent que l’affaire est celle de spécialistes, de véritables amoureux d’un Metal intrépide mais agencé, compréhensible et ciselé, mais épidermique et spontané. Si les références déjà énoncées peuvent largement suffire à comprendre le jeu pratiqué (l’empreinte de MEGADETH est tellement probante sur « Nightmare » qu’on pourrait penser à un leftover de Countdown To Extinction repris à leur compte par les californiens), il convient d’en ajouter quelques-unes pour appréhender la réalité des faits. Celle de l’ANNIHILATOR post Never, Neverland, plus modulé, celles des RAVEN et de pas mal de pionniers sur un « One Punch » bien sautillant et trépidant, ce qui nous amène à un bilan plus que satisfaisant. Et si les OBSIDIAN ont délibérément choisi de placer en éclaireur leur morceau le plus bref mais le plus chaud (« Killshot », Kill ‘Em All revu et corrigé par les ARMORED SAINT ? C’est une éventualité), dès « Blind The Masses », les masques tombent, le rythme s’accélère, et le trio abat enfin ses cartes dans un déluge de Heavy, de Thrash et de plomb en fusion, pour nous offrir un hymne imparable au Heavy Metal le plus malléable, s’accordant de modulations, de diversions, mais aussi de mélodies, d’harmonies, de pulsions, et de soudaines crises de possession. Tour de force de quatre minutes à peine, ce morceau est en quelque sorte une synthèse parfaite de l’art des californiens pour leur propre sens du résumé, qui permet quelques simplifications accrocheuses (« Involuntary Commitment », le genre de headbanging estampillé 84/85, mais adapté au talent du Jeff Waters de 89/90), mais aussi quelques progressions plus aventureuses (« Palace of Tyranny », beat élastique pour chant saccadé et riff englué).
En à peine une demi-heure, Killshot nous séduit de sa facilité à enjamber les querelles de style, et à ne s’accrocher qu’au sien, ce Heavy tendance Thrash très musical, mais parfois brutal. Un joli flashback vers la Californie des années 80, celle qui voyait ses glammers attendre des heures sur le trottoir et ses thrasheurs se regrouper dans le noir. L’histoire d’une ville, l’histoire d’un état, l’histoire d’une musique, mais surtout l’histoire d’un groupe, OBSIDIAN qui prône avec panache certains principes de passion. Auxquels on adhère sans hésitation !
Titres de l'album:
1. Killshot
2. Blind the Masses
3. Involuntary Commitment
4. Palace of Tyranny
5. One Punch
6. Valhalla
7. Nightmare
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