Double coup de pub pour tonton Serafino, avec la signature des MANIC SINNERS. Double coup de pub, puisque King Of The Badlands est leur premier album, et surtout, parce que ce nouveau groupe nous vient de Roumanie, ce que les arguments promotionnels ne manquent pas de souligner. Bien que je n’ai jamais réellement compris l’intérêt d‘une nationalité dans l’intérêt que peut susciter un groupe, autant avouer que la musique des roumains, sous des atours classiques, cache une réelle volonté de s’éloigner des canons en vogue dans le rooster transalpin. Pour autant le folklore local se taille-t-il une part intéressante dans cette œuvre assez attendue ? Pas vraiment, puisque les morceaux e ce trio sonnent clairement européens, avec cette petite touche rugueuse qui fait la différence.
Mais laissez-moi vous présenter Ovidiu Anton (chant), Adrian Igrisan (batterie, claviers et basse), et Toni Dijmarescu (guitare et basse), trois nouveaux venus sur la scène internationale, qui avec ces douze morceaux ont un beau coup à jouer pour imposer leurs noms. Noms qui sont déjà connus nationalement pour certains, puisque Adrian Igrisan est aussi le guitariste/chanteur du groupe CARGO, une référence en Roumanie, pour avoir été régulièrement disque d’or et avoir accompagné sur scène des pointures de l’envergure d’IRON MAIDEN, URIAH HEEP, ou encore GILLAN. Adrian a d’ailleurs été élevé au rang de chevalier (l’équivalent des arts et des lettres chez nous) par son président pour sa contribution culturelle, ce qui en fait l’un des musiciens les plus respectés, qui pour l’occasion s’est écarté de son chemin pur mettre sur pied ce nouveau projet.
MANIC SINNERS sur Frontiers, c’est donc un minimum de charges à respecter, une certaine approche de la mélodie, une crédibilité technique, et une capacité à pondre des hits comme s’il en pleuvait. Et même avec le support au mix de l’increvable des mille-bornes Alessandro Del Vecchio, King Of The Badlands sonne agressif, frais, et différent des produits usuels distribués par le label italien.
Avec à sa tête un ancien compétiteur de l’Eurovision, ce groupe a donc des atouts individuels dans la manche, mais surtout, une cohésion collective assez remarquable. Ce qui l’est aussi, c’est cette capacité à retranscrire un langage musical dans un idiome plus personnel, comme si le trio souhaitait naturellement s’éloigner des références les plus évidentes. On en prend note dès le morceau d’ouverture « Drifters Union », sorte d’hymne de grève très musclé et reposant sur un up-tempo vraiment diabolique, le tout saupoudré de chœurs vaillants et d’harmonies musclées. L’énergie est donc palpable, le Hard joué subtilement Heavy, avec une rythmique mise en avant et un organe de tête rauque et lyrique à la fois. En un seul titre, le trio nous met dans sa poche et nous fait rejoindre ses rangs, affirmant ses différences avec le reste de l’écurie dont ils font désormais partie.
Autre qualité intrinsèque d’un album décidément très attachant, cette variété de ton et d’ambiances, entre Hard mélodique, AOR gonflé et Heavy Metal charnu, ce qui confère une aura particulière à l’œuvre, nageant entre trois eaux sans prendre l’eau. Les tubes ne font pas semblant de l’être, et entre « Anastasia » et sa mélodie entêtante, et « Ball And Chain » et son émotion claire palpable comme l’eau fraiche d’un ruisseau, l’ensemble est d’une qualité rare, et résulte d’une réelle volonté de montrer des capacités de composition notables.
Production assez rêche et virile, riffs capables et persuasifs, formalisme de surface pour placer des pions Heavy plus classiques (« Under The Gun »), intermèdes instrumentaux assez inopinés (« Out For Blood », « Crimson Queen ») pour aérer la pièce, la fraîcheur est donc de mise, et la singularité s’affirme dans avoir à forcer le talent. Nous sommes donc loin de la standardisation à outrance des sorties Frontiers les plus génériques, nivelées par Alessandro, et plus proche d’un talent individuel fondu dans une masse qui doit accepter la différence.
Je n’affirme évidemment pas là que les MANIC SINNERS sont les sauveurs tant attendus de la scène mélodique européenne, mais ils en présentent en tout cas un visage différent, plus brut, sans oublier les recettes américaines les plus efficaces du style (« Carousel »).
L’écoute est en tout cas agréable, les surprises éparses mais délicieuses, la variété de mise, et si quelques morceaux semblent encore un peu naïfs de leur traditionalisme, on comprend que King Of The Badlands est l’œuvre de musiciens confirmés qui ont suffisamment roulé leur bosse pour savoir ce qu’ils veulent, et ce que leur public souhaite entendre.
Faites-donc fi de cette histoire de nationalité roumaine pour apprécier un excellent album, encore un peu rigide par moments, mais qui témoigne d’un professionnalisme qui a su rester frais.
Titres de l’album:
01. Drifters Union
02. King Of The Badlands
03. Anastasia
04. Ball And Chain
05. Under The Gun
06. Out For Blood (Instrumental)
07. Carousel
08. Nobody Moves
09. Play To Lose
10. Crimson Queen (Instrumental)
11. A Million Miles
12. Down In Flames
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