Souvent, dès le départ, on a un apriori ridicule. Une sensation étrange, l’impression de devoir faire beaucoup d’efforts pour accoucher d’un papier. Et on se demande si le jeu en vaut vraiment la chandelle, et s’il ne vaut mieux pas laisser l’auditeur se faire un avis par lui-même en lui refilant le lien de l’album en question. Il y a de la fainéantise là-dedans, de la facilité, mais lorsqu’on tombe sur un album d’une heure de jeu et d’un style assez difficile à décrire, on hésite à jeter les gants par complaisance. Mais le premier album des brésiliens de KOCYTUS est si intéressant et fascinant que j’ai finalement décidé d’agiter mes petits doigts boudinés sur le clavier. Par respect, par admiration, et par fascination pour ce contenu progressif que les esthètes vont apprécier du début à la fin.
Il faut dire que Kocytus, l’album, pose problème dès le départ. Première œuvre, morceaux étirés au maximum, tracklisting généreux et opacité de fond, il y a de quoi se gratter la tête en essayant d’en deviner le contenu. Mais la seule solution étant de le jouer, on appuie sur la touche play et là…la magie opère immédiatement.
Fondé en 2022 à Sao Paulo, ce quintet décalé (Heitor Mariotto & João Pedro Oliveira - guitares, Matheus Javali - chant, Caio Micheletti - basse et Rodrigo Moraes Drums - batterie) s’est plongé corps et âme dans un univers abstrait, exigent, complexe, en embrassant la technique la plus pure d’un Death Metal abrupt et souple à la fois. Difficile de prêcher pour cette chapelle, tant ses cérémonies sont pointues, mais après une ou deux écoutes attentives, on comprend que la messe va être dite en latin, et sur un ton vraiment dramatique. Les brésiliens n’ont pas fait les choses à moitié, et nous font grâce d’un Death technique roboratif et redondant, pour vraiment s’intéresser au côté évolutif de leur musique.
Si les instrumentistes connaissent leur solfège, ils n’en font pas étalage. Les idées sont concises et souvent directes, et le résultat est parfaitement emballant. La voix gravissime de Matheus Javali passe par différentes inflexions, sonne théâtrale, rappelle KING DIAMOND, mais aussi Attila Gábor Csihar, alors que la bande-son suggère une belle connaissance des années 80 comme des accroches brutales des années 90. « Funeral of the Living » est un excellent exemple de cette pantomime noire et agressive, avec ses changements d’humeur, sa belle collection de riffs, et ses cassures aussi imprévisibles que bien amenées. Le quintet ose autre chose qu’une simple relecture des travaux les plus pointus, et s’éloigne de la scène Technical Death avec une belle humilité, mais de réelles ambitions.
Ces ambitions sont pourtant assez simples : ne pas se laisser aveugler par le mirage de l’accumulation, et laisser les idées et les harmoniques évoluer et se transformer d’elles-mêmes. On en prend note en découvrant la beauté diaphane de « Echoes of My Own Despair » qui change complètement de direction, et qui juxtapose les strates d’un chant éthéré à un piano à l’économie, pour proposer une nostalgie de circonstance à la GATHERING/KATATONIA. Et cette alternance fait la valeur d’un album vraiment fouillé et pensé, dont chaque chapitre nous rapproche d’une illumination divine : le Death Metal a encore beaucoup de choses à proposer, et n’a pas dit son dernier cri. Loin de là.
Mais plus que de Death Metal, progressif ou pas, Kocytus est un disque de Metal extrême qui s’autorise à inclure des éléments disparates à sa structure. Ainsi, « Azmodesochism » ose le rap vocal, avec mesure évidemment, ce qui achève de consacrer le talent incroyable de conteur de Matheus Javali. Frontman comme on en rencontre peu dans une année/décennie, ce chanteur de l’impossible vit son rôle comme un acteur dramatique, grotesque, effrayant et condescendant, maniant l’ironie comme la séduction, et se pose comme l’atout majeur d’une entreprise de démolition des poncifs.
Incroyablement bien composé, ce premier long est déjà un achèvement de carrière en soi. Il est ouvert, venteux, balayé par des vents mélodiques, bousculé par des envies d’ailleurs, et parfois, cinématographique, comme le souligne la magnifique transition « Virgil » qui évoque les embruns, la solitude d’un automne interminable, et ces plages abandonnées après l’été. En utilisant des instruments hors contexte, mais sans chercher l’originalité à tout prix, KOCYTUS parvient à tisser un ouvrage complexe et limpide à la fois. Il faut faire appel à son ressenti plus qu’à son esprit critique, bien que la technique et la dextérité soient irréfutables.
Cette transition magique est posée là, à terre, avant d’entamer la dernière ligne brisée d’un album ambiancé. Et « Titans of Creation » annonce rapidement la couleur.
Cette suite logique se met au diapason d’une pochette monochrome, dont les crânes évoquent nos vies futiles à la recherche d’un Styx introuvable. Les forces se déchainent alors, et le quintet brésilien jette toutes les siennes dans la bataille. Violence, saccades, syncopes, chœurs grandiloquents, guitares en Metal inoxydable, tout y passe et le trip est bluffant. On se croirait presque catapultés dans un monde parallèle, dans lequel la mort dispose d’un porte-parole chafouin et malin, braillant ses incantations comme un chanteur d’opéra son aria.
Pour rester dans la même exigence de qualité, il fallait ouvrir une dernière porte massive. On n’en attendait pas moins d’un groupe de ce calibre, qui avec « Slave Knight » enfonce le clou dans le dernier coin du cercueil. Toujours cette volonté de tamiser par des arpèges en son clair, de frapper sans prévenir, et de confier au chanteur le difficile rôle de maître de cérémonie.
KOCYTUS est une révélation avant d’être une découverte. La fin de l’année approchant à grands pas, le choix des disques à mettre en avant va être encore plus ardu. Mais je garde une place au chaud pour ce Kocytus qui cite Dante et le Death progressif des plus grands philosophes musicaux. Très proche de la perfection. Vraiment.
Titres de l’album:
01. Kocytus
02. Chronicles: Voyage Through the Great Void of Cosmic Famine
03. Heretic
04. Funeral of the Living
05. Echoes of My Own Despair
06. Azmodesochism
07. Virgil
08. Titans of Creation
09. Slave Knight
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