Vingt ans d’existence…pour un seul album, disponible depuis le mois de juin 2023. SEEK mérite bien son nom, puisqu’il faut aller le chercher pour faire sa connaissance, les allusions sur le net étant plus que chiches. Formé à Osaka en 2002, ce concept énigmatique s’est répandu (modérément évidemment) en formats courts, entre EP et split, avant d’enfin tenter le coup du longue-durée cette année, avec succès. Il faut dire que l’approche du groupe est assez singulière, et à la croisée de plusieurs chemins.
Parrainé par le label new-yorkais Silent Pendulum Records, SEEK nous offre aujourd’hui le fruit de ses longues réflexions, sous la forme d’un album long comme un jour de pluie sans pain de mie. Dans un registre qui combine Post-Hardcore, Black Metal, Doom et Sludge, Kokyou De Shinu Otoko gronde, tempête, s’agite et remue la terre, au point de déclencher des alertes sismiques assez inquiétantes. Et pour tenter de visualiser la scène, imaginez un NEUROSIS encore plus déprimé reprenant à son compte un vieil album inédit de CROWBAR, sous la supervision artistique d’ISIS. Lourd n’est-ce pas ?
Pour le moins.
La gravité et l’oppression sont les deux mamelles de ce premier jet qui n’exprime aucune empathie, ni aucune pitié envers nos tympans et notre psyché. Aussi éprouvant qu’un marathon couru dans la chaleur moite d’un pays d’Asie du sud, aussi effrayant qu’une fuite en avant la nuit sans savoir où l’on met les pieds, Kokyou De Shinu Otoko s’empare de codes connus pour les détourner façon seppuku solitaire un soir de lune absente. La guitare, déprimée au possible, plaque ses riffs sombres sur une rythmique parfois tribale, mais la plupart du temps coincée sur des noires et des blanches insistantes, et le tout se veut aussi hypnotique qu’un regard perçant dans la nuit. Pas de quoi avoir le sourire, mais largement de quoi être admiratif de cette méthode de composition qui utilise les ficelles du Progressif pour les appliquer à un contexte Post-Hardcore.
Il serait même possible de voir en ces huit morceaux le pendant moderne d’un album comme Through Silver in Blood. Même propension à la violence sourde, mêmes progressions amples, même cheminement lent mais logique, pour un résultat assourdissant qui évite toutefois l’abus de feedback pour parfois dévier vers un Blackened Hardcore venimeux et létal.
Pour pouvoir encaisser le choc, il faut être rompu aux constructions en gigogne qui s’étalent sur de longues minutes. Car même si SEEK propose quelques segments plus brefs, l’essentiel du tracklisting fricote avec les six, sept et huit minutes, au grand plaisir de tous les masochistes qui n’ont jamais assez mal aux tympans. A titre d’exemple, frottez-vous au nihiliste « Kuroi Ame ». Cette pluie noire qui bat le pavé pendant sept minutes et vingt secondes est probablement l’épreuve Noise la plus difficile que vous aurez à relever en cet été déjà caniculaire, et dont les températures grimperont encore plus sous la pression de l’anticyclone SEEK.
Alors, bien sûr, dans un désir de ne pas survendre, je soulignerai que tout a déjà été entendu. Cette façon d’aborder le Post-Hardcore sous sa forme la plus compacte est d’usage, mais l’excès constant dont fait preuve le groupe japonais a quelque chose d’inédit, d’absolu, et de franchement admirable. Loin d’une redondance qui fait mal à la diversité, Kokyou De Shinu Otoko se lâche parfois et change son pas, l’accélérant à loisir pour mieux lui faire retrouver un rythme de vieillard arthritique, dont la canne menace de céder à chaque mètre parcouru.
« Tonari De Onaji Hi Wo », le gros pavé judicieusement placé en médiane va jusqu’au bout de la démarche, convoque encore plus de décibels aux agapes de la brutalité sombre, et nous plonge dans un marasme contemporain qu’on imagine illustré par les plus grandes villes japonaises. Des villes déshumanisées, des relations sociales qui le confinent au virtuel, du célibat à gogo, et une solitude profonde dans les villes dortoirs qui abritent les laissés pour compte de l’amour et de l’espoir. De quoi devenir un hikikomori pour le reste de sa triste vie.
Mais la lumière parvient parfois à se frayer une place dans les interstices de ces persiennes serrées. Alors, une petite accalmie intervient, une mélodie passée se fraie un chemin, mais l’optimisme n’étant pas de rigueur, le processus reste rare. Et surtout, contrebalancé par des poussées de brutalité d’un niveau rarement atteint par d’autres groupes que CONVERGE, NAILS ou PRIMITIVE MAN (« Ikyouto »).
Inutile donc de vous faire un dessin. Si SEEK a attendu aussi longtemps pour se faire une place aux rayons des nouveautés indispensables, c’est qu’il a pesé le pour et le contre, et qu’il a trouvé un équilibre entre les deux. Impitoyable, assourdissant, ce premier album est d’une haute teneur en colère, colère qui s’exprime sans filtre sur l’infâme et hurlé « Yotsuyu Ni Utsuru », mais aussi de façon plus pondérée et vicieuse sur le final « Kokyou De Shinu Otoko ».
Et cet homme qui meurt dans sa ville natale, pourrait être n’importe lequel d’entre nous. Un pauvre hère oublié par les autres, qui parcourt les rues à la recherche d’un passé, d’une raison de vivre, ou d’une oreille compréhensive pour écouter ses malheurs. Un homme qui tourne en rond, et qui finit par rentrer chez lui, dans cette maison qui sent le renfermé et les souvenirs bradés.
Un homme qui à l’image de millions d’autres, n’a plus rien à perdre ni à gagner. Un constat pas forcément estival, mais qui devient pertinent une fois septembre annoncé.
Titres de l’album:
01. Meijitsu (Dawn)
02. Shinkai (Deep Sea)
03. Kuroi Ame (Black Rain)
04. Tonari De Onaji Hi Wo (I’m Still With You)
05. Ikyouto (Heathen)
06. Yotsuyu Ni Utsuru (Reflected in the Night Dew)
07. Ichiaku No Zanka (Slight Embers)
08. Kokyou De Shinu Otoko (The Man Dies in His Hometown)
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