En 1991, un trio new-yorkais du nom d'UNSANE sortait son premier long éponyme. Le 3 décembre 2001, un groupe de suédois enragés, BREACH, publiait son manifeste Kollapse. Le 19 octobre 2018, Ali, Holger, Mathew, Marco, quatre allemands en colère contre le monde actuel publiaient leur nouvel album, le premier en cinq ans, Kollaps. Quelle relation entre ces trois faits, et surtout, quel lien unissant les UNSANE, BREACH et MALM ? Une saine volonté de faire bouger les choses évidemment, une passion pour le Hardcore Noisy bien sûr, mais aussi cet acharnement à faire sonner le bruit blanc comme émergeant d'un haut-parleur d'urgence, prévenant la planète qu'elle va mal, et la société qu'elle court à sa perte. Depuis leur création en 1998, les originaires de Würzburg n'ont eu de cesse de propager la bonne parole d'un rejet total des extrêmes, jouant partout où ils le pouvaient, transformant presque leurs concerts en happenings destinés à ouvrir les yeux, les oreilles et le cœur de leur public, afin que la jeunesse d'aujourd'hui ne commette pas les mêmes erreurs que ses aînés d'hier. Et de fait, ce nouveau longue-durée ne déroge à aucune tradition, qu'elle soit musicale ou conceptuelle, puisqu'une fois encore, on y trouve ce son si rauque et mat, ces pulsions graves et ces élans de haine envers un fascisme qui recommence encore une fois à gangrener l'Europe, à la mémoire trop courte...D'aucuns commencent à dire, au sein du cercle de fidèles que les MALM ont enfin réussi à sonner en studio comme en concert, travestissant ce Kollaps en faux live de salon, à la réputation qui ne devrait pas tarder à se répandre comme une traînée de poudre. Et sans avoir eu la chance de voir le quatuor in situ, je ne peux pourtant qu'acquiescer à cette assertion, l'album en question sentant bon la distorsion excessive, les échos rebondissant sur les murs, et cette atmosphère de communion dans la violence dont les meilleurs albums de Hardcore noisy ont besoin pour exister...
Pour autant, le parallèle avec les deux références UNSANE et BREACH paraîtra sans doute un peu osé pour les puristes. Et sans oser placer ce nouvel effort au rang des icônes majeures dont Unsane et Venom font partie depuis longtemps, le rapprochement n'est pas sans fondement, puisqu'à l'image de sa pochette, Kollaps est un gigantesque crash frontal, de ceux qui font des victimes, des centaines de victimes. L'auditeur pourra lui donner le sens qu'il souhaite, l'écrasement des civilisations modernes, la perte d'humanité, la confrontation improbable entre l'empathie et le racisme, tout ça ne changera rien, ni au message littéraire, ni à son pendant musical. En piochant dans leurs propres influences, les allemands viennent de sonner l'alarme, qui va sans aucun doute réveiller un bon nombre de combos dans le monde, ayant cédé à la facilité depuis longtemps au point de perdre prise avec les impératifs du Hardcore le plus viscéral, et joué à l'européenne et l'américaine. Jouer brut mais construit, jouer fort mais avec raison, jouer violent mais avec passion, et ne pas craquer en utilisant des arrangements de facilité. Ici, rien n'est facile, et les morceaux développés écrasent la conscience avec la puissance des militants, ceux-là même qui brandissent des slogans en en comprenant le sens et la portée. Et l'analogie avec les premiers travaux impitoyables d'UNSANE se valide d'elle-même une fois encaissé le choc de “Schwarze Liste », qui malgré une entame presque positive et joyeuse, nous plonge dans le bain d'acide du marasme, avec un riff ultra-percussif, quelques dissonances discrètes, et toujours ce chant vociféré comme un appel à la révolte d'ambitions mondiales. Son compact, abrasif, sans ornements et autres astuces de studio, pour un rendu organique au possible, qui n'a pas oublié ses influences, celles déjà utilisées évidemment, mais aussi l'ombre des FETISH 69, de HELMET, et tous les autres pourfendeurs de facilité et de gimmicks qui n'impressionnent plus personne, à part quelques âmes perdues et égarées dans le monde du Downbeat.
Des analogies, qui occulteraient presque l'individualité MALM. Pourtant, et à l'opposé de nombre de leurs confrères qui frappent et partent en vitesse, les allemands n'hésitent pas à jouer le jeu vicieux du tortionnaire qui s'invite dans les murs, et ne s'en va qu'une fois sa tâche accomplie et les dégâts constatés. Ainsi, bon nombre de leurs morceaux jouent sur la durée, fricotant même de temps à autres avec les six minutes, pour instaurer un climat d'insécurité grouillant de peur, comme le démontre avec emphase et horreur « LLL », sorte d'union non consacrée entre les BOTCH et UNSANE pour un ballet atroce de gravité et de gorge raclée. Mais loin de se plier sur un thème répété jusqu'à la nausée, le quartet oppose le silence au chaos, et impose des arpèges acides en mode traumatique, qu'une basse décidément trop épaisse comble de ses cordes. Il est d'ailleurs très important de noter que Kollaps redonne ses lettres de noblesse à cet instrument essentiel, qui ici ne se contente pas de cimenter les guitares à la batterie, mais qui joue de ses nuances avant de cogner comme un malade sur un mur, pour détruire la société sur ses propres fondations. On retrouve le principe du chronomètre tournant fou sur “ Erwachsen », cette fois plus proche d'un déhanché maladif, témoignage que l'héritage de New-York trouve encore un écho palpable de nos jours. Contretemps en haut-le-cœur, guitare concentrique, insistance de lignes vocales qui haranguent au-delà de toute humanité, pour un uppercut direct au foie et au cœur, usant de la méthodologie des MELVINS pour une opération à cœur ouvert à la CONVERGE. Mais si ce nom est d'importance ici, spécialement lors des passages les plus rythmiquement heurtés, nous sommes loin d'une production avalisée par Kurt Ballou, et à des kilomètres des standards actuels de la production Hardcore. En dépit d'un mixage parfait, on sent que l'enregistrement a respecté des principes de communion, et de jeu en direct pour obtenir l'effet voulu, sensation palpable lorsque les breaks permettent enfin à l'espace sonore de respirer un peu. On pense alors à la scène Sub-Pop, cette volonté de noyer la mélodie dans un bourbier de méchanceté distordue, et l'ombre des MINUTEMEN, de HUSKER DU plane bas au-dessus des nuages noirs de Würzburg. Et on se rend alors compte que si les MALM citent les BLACK FLAG dans leur bio, la référence n'est pas indifférente.
Mais sans jouer les poupées gigognes de l'extrême, les MALM savent aussi verser dans les fulgurances radicales, en témoigne le surpuissant « Ins Nirwana » qui ridiculise la concurrence de sa puissance effarante, ou « Enge », qui nous balade de coup de caisse claire en claquage de basse sans considération médicale. On tangue, porté par un ferry peinant à garder le cap, entre éclairs stridents et houle rythmique, pour un voyage au fin fond de la décadence sociétale...Et puis quoi d'autre ? Beaucoup d'arguments, dont « Stopp ! », et ses fausses temporisations presque Jazzy retombant vite dans la pourriture urbaine si chère à Chris Spencer, « Captain », aussi soudain qu'une mort annoncée, au chant clair exhorté et au crescendo atomisé, ou le terminal « Wolf », faisant fi d'une quelconque musicalité pour laisser la guitare poinçonner des notes éparses qui se moquent bien d'une gamme quelconque...Sans être certain de vous avoir convaincu de la pertinence de la chose, je suis sûr que les images et comparaisons utilisées auront titillé votre curiosité...Et si le temps seul jugera de la pérennité de l'expérience, et si les fans seuls sauront si Kollaps mérite sa place aux côtés des deux œuvres citées en préambule, MALM n'en frappe pas moins un énorme coup d'épée dans la normalité de pensée Core contemporaine, jouant de l'extrême pour les conchier politiquement. Un album qui ne rendra pas le monde meilleur, mais qui l'aidera peut-être à prendre conscience de sa déchéance.
Titres de l'album :
1.Schwarze Liste
2.Tanz auf dem Vulkan
3.Enge
4.Captain
5.LLL
6.Ins Nirwana
7.Kollaps
8.Stopp!
9.Interlude
10.Treibsand
11.Erwachsen
12.Wolf
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