Il est toujours difficile de considérer comme « premier album », un disque qui intervient après un certain nombre d’années de carrière. Généralement, les premiers pas discographiques d’un artiste/collectif ont lieu peu de temps après sa naissance, qu’ils soient guidés par une envie personnelle, ou soutenus par une structure plus élaborée. Mais les chiliens de DECEM MALEFICIUM ont préféré attendre le bon moment pour accoucher de leur grand œuvre, et c’est donc presque vingt ans après leur création qu’ils nous proposent ce La Fin de Satan, et après un hiatus de presque dix ans. Que s’est-il donc passé pour que ces originaires de Santiago jettent l’éponge après des débuts plus que prometteurs ? Nous n’en saurons pas plus, toujours est-il qu’après une démo initiale, publiée en 2002 (Nox Decima), et un EP en 2005 (Motivatio Intrinseca), le sextet a préféré mettre sa carrière entre parenthèses pendant une décennie, avant de revenir par la petite porte via une compilation regroupant ses deux premiers essais. Il était alors évident que leur comeback ne pouvait se borner à une répétition de leurs premiers instants, et c’est en mai de cette année qu’ils ont enfin regroupé leurs forces pour nous offrir ce premier longue-durée, manifestement le résultat d’une concertation sérieuse et d’une période de composition renforcée. De fait, ils ont fini par croiser le label de Gérald, qui alléché par le son dispensé leur a immédiatement proposé une réédition CD de ce La Fin de Satan jusqu’à lors uniquement disponible en numérique, qui méritait bien un pressage digne de ses qualités. C’est donc sous le classique digipack trois volets que nous le retrouvons aujourd’hui, la marque de fabrique de luxe du label, qui soigne toujours autant ses produits. Et après écoute des sept morceaux proposés par ce premier vrai chapitre, pas étonnant de réaliser que ce format sied admirablement bien à la classe folle d’un album qui peut se targuer de tutoyer les plus grandes références. Et si le Chili n’est pas la terre de prédilection d’un label qui se concentre souvent sur son propre pays, admettons quand même qu’on trouve à Santiago des musiciens à la culture aussi affinée que la nôtre.
Daniel Araya (chant/synthés), Magus Umbra Nox (growls), Christian Rojas (batterie), Pedro Fontecilla (guitare), David Zambrano (guitare) et Rodrigo Díaz (basse), peuvent donc enfin exposer leur vues de façon plus étendue, et avec une production adéquate. Si l’argumentaire de leur label appuie sur le côté avant-gardiste de leur musique, ne soyez pas dupe. Il s’agit là d’un gimmick promotionnel qui ne doit surtout pas faire oublier le classicisme d’un groupe qui se retrouve pleinement dans le BM des années 90. Ce BM grandiloquent que les EMPEROR, ARCTURUS, DIABOLICAL MASQUERADE et BORKNAGAR ont popularisé, puis intronisé, plus que celui des exactions 2K des DODECAHEDRON ou DEATHSPELL OMEGA. Peu d’expérimentation donc, pas vraiment de pensée décalée, mais une efficacité dans la démesure qui nous rappelle la seconde vague Black d’il y a plus de vingt ans, soit la période de création du groupe. On y retrouve ce son si ample et majestueux, cet équilibre entre six musiciens parfaitement en osmose, ces synthés qui rivalisent d’audace avec les guitares, cette alternance de chant clair et de growls, en somme, toutes les caractéristiques d’un Black symphonique et dramatique, qui n’hésite jamais à en faire trop. Certains penseront même à un version beaucoup moins cheap des CRADLE OF FILTH, spécialement lorsque le clavier se fait une place aux avant-postes, mais la vulgarisation à outrance n’est pas le but premier des DECEM MALEFICIUM. La preuve, leur ouverture d’esprit, qui les entraîne à insérer des passages beaucoup plus mélodiques que la moyenne, emprunts de Folk, mais aussi de Heavy Metal traditionnel. Et tout en restant purement BM, les chiliens osent le crossover, sans dénaturer leur sauvagerie de base. Une belle gageure relevée avec panache, pour un résultat opératique et maléfique qui leur permet de se distinguer des autres sorties de leur label, sans chercher le démarcage à tout prix.
Et il est certain qu’avec son formalisme, DECEM MALEFICIUM détonne plus ou moins sur le catalogue des Acteurs de l’Ombre, plus habitués à héberger des groupes excentrés, aventureux, et chaotiques. En sept morceaux seulement, le groupe se fixe sur une formule qui a fait ses preuves, bien loin de leurs premières exactions Doom/Black. Le Doom ici s’est transformé en pesanteur presque romantique, et malgré le climat macabre et poisseux de l’ensemble de l’œuvre, on ne peut s’empêcher d’y voir quelques interstices d’amour vénéneux, comme l’adaptation d’un Bram Stoker ou d’une Anne Rice en version chilienne. Ils ont d’ailleurs fait le choix d’une entrée en matière ample pour bien fixer leurs objectifs, et prouver que s’ils n’ont pas choisi la voix de l’expérimentation, ils n’en restent pas moins créatifs pour autant. On sent dès les premières secondes le mélange entre les riffs apocalyptiques et les nappes de synthés qui loin d’alléger l’atmosphère, la rendent encore plus éprouvante, le tout souligné par des chœurs typiques d’un Folk Metal qu’on se plairait presque à croire nordique. Mais c’est bien d’Amérique du Sud que ces musiciens-là viennent, même si leurs racines ne s’épanouissent pas vraiment dans ce magma chaotique digne d’une coulée de lave. Avec des titres qui jouent sur la longueur mais jamais en étirant les idées au-delà du raisonnable, La Fin de Satan réserve son lot de surprises et de singularité, fait dont on prend acte dès le majestueux « Instinct ». A la lisière d’un Viking Metal évitant tous les clichés du genre, ce second titre met en place les méthodes et optiques, à grand renfort de breaks, de cassures, d’accélérations soudaines, au point de faire penser à une union contre nature entre MAYHEM, IMMORTAL et BORKNAGAR. Utilisant toujours les fondements les plus symptomatiques du Heavy Metal pour planter leur décor (« Before the Chaos » ), le sextet construit par petites touches son propre monde, bien en marge des tendances actuelles, et se plait à donner une leçon d’efficacité à bien des références plus établies, incapables de retrouver leur grandeur. Et celle de DECEM MALEFICIUM parait exponentielle.
Car parvenir à enregistrer un album fascinant sans vraiment puiser dans les coffres de l’avant-garde n’est pas donné à tout le monde. Or, avec un segment comme « Denial Tragedy », la richesse de la musique éclate aux oreilles, avec cette alternance très intelligente de chant hurlé et grogné, mais surtout, cette bande instrumentale mouvante en arrière-plan qui donne l’impression d’une mutation permanente. C’est donc un album très vivant que les chiliens nous offrent, un album qui utilise le passé pour transcender le présent, d’une violence indéniable mais d’un parti-pris mélodique tout sauf incongru. Et après vingt années de carrière interrompues par un silence de dix ans, La Fin de Satan contredit son titre même, et nous prouve que le Malin a encore plus d’un tour dans son sac, pour peu qu’il confie ses vices les moins avouables aux oracles les plus doués.
Titres de l’album :
01. The Ceremony
02. Instinct
03. La fin de Satán
04. After the Chaos
05. The Birth of the Cursed Book
06. Denial Tragedy
07. Before the Chaos
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