On n’a pas tous les jours envie de sourire. On ne voit pas quotidiennement le monde en couleurs. Les soirées ne sont pas forcément paisibles. Les weekends ne sont pas non plus des havres de paix. La vie, et son déroulement peut être d’une noirceur insondable, d’un ennui incomparable, générant une souffrance souvent insupportable, ou au contraire, délectable pour tous les masochistes et dépressifs chroniques. Il n’y a aucun mal à se sentir mal, et à aimer se rouler dans la fange de son existence morne et détestable. Et dans ce cas précis, il convient de trouver la bande son idéale pour idées noires et gestes fatals.
RÅTTEN vous propose justement de voir les semaines, les mois et les années en noir et blanc, et plutôt noir que blanc. Le trio (Kozlák - basse/chant, Sid Negativv - batterie/samples, Zero - guitare/chant), présent depuis 2019 a développé un art certain pour souiller tout ce qu’il touche et raconte, et ce deuxième album agit comme une piqure de rappel, alors même que l’introductif Roi-de-rats accuse aujourd’hui trois ans d’existence.
RÅTTEN n’est toutefois pas qu’un énième combo estampillé BM. Le trio s’autorise des déviations intéressantes, et prône des valeurs de métissage noir assez convaincantes. Tâtant du Sludge, du Crust, les trois musiciens s’ouvrent donc des perspectives plus larges, et leur musique s’en ressent d’un point de vue créatif. Inutile donc de craindre une sempiternelle litanie insistante ou une cavalcade stérile, puisque les sept morceaux de ce nouveau long format sont aussi différents que liés, par un habile jeu de riffs, de chant exhorté et de rythmique énervée.
A vrai dire, la pochette est sans doute l’indicateur le plus fiable quant à ce qui vous attend sur ce nouveau cri de haine et de rage. Cette créature étrange qu’on croirait sortie de l’imaginaire de Giger et qui rampe sur une terre désolée n’est pas non plus sans évoquer l’au-delà promis par Lucio Fulci dans son film éponyme. Rien de bien rassurant donc, mais une certitude : l’enfer décrit par RÅTTEN est sale, immonde, et froid comme la mort.
L’enfer, selon Sartre, c’est les autres. Et tous les autres. Ce qui dans le cas de notre trio devient une évidence. On sent une misanthropie certaine émaner des égouts de leur inspiration, et une façon de rejeter les conventions pour jouer ce qui leur chante. Ainsi, les plans ultrarapides succèdent aux itérations les plus éprouvantes, et « Danse Macabre » de se servir des hésitations d’HELLHAMMER pour paver une voie infâme vers un centre de retraitement des espoirs usés.
L’affaire est donc trouble, et les intentions fielleuses. Rien n’est évident ici, rien ne coule de source, et les efforts mis en place donnent le sentiment d’un exercice physique pénible, comme si notre conscience devait se mouvoir avec une enclume sur le dos. Le ressenti est donc palpable, les fulgurances diaboliques, mais l’ensemble, malgré sa véhémence, dégage une rigidité presque cadavérique, comme le souligne la mélodie morbide de « La Longue Marche ». Avec une production moins ambitieuse, et moins de changements, La Longue Marche pourrait sonner comme du Raw Black vraiment immonde, mais la générosité dans le négatif des trois larrons nous extirpe du marasme bruitiste pour nous entraîner sur la piste d’un mixage en petits morceaux BURZUM/DARKTHRONE, avec évidemment une personnalité propre à mettre en avant.
Le moral en prend un coup, tout comme les tympans. Quelques chœurs bien appuyés, des stances plus harmonieuses (légèrement, n’attendez pas un miracle), une inspiration qui vient tout autant du Proto-Black des eighties que du BM nordique des nineties, pour un résultat maculé de boue. On comprendra rapidement le cheminement de la pensée, et on saisira sans effort la logique d’agencement. Cependant, quelques surprises viennent nous cueillir à froid, comme cette intro étrange sur le lancinant « Entre Deux Fosses » qui débouche sur un Sludge/Black poisseux et collant, ou cette basse à l’économie mais profonde comme le désespoir sur les premières mesures de « Les Heures Sombres ».
Ce qui est d’ailleurs un titre judicieusement choisi. La lumière peine à se faire une petite place dans les interstices de ce cabanon qu’on imagine abandonné quelque part dans un paysage crépusculaire, toujours dénué de toute teinte colorée. Le propos n’étant pas de nous apaiser, mais bien de nous faire ressentir tout le mal d’une époque vouée aux gémonies de la communication superficielle et des rapports unilatéraux, la justesse du ton de La Longue Marche est tout à fait évidente.
Si la marche est longue, l’écoute est éprouvante. Extrême mais pertinent, RÅTTEN se pare de dissonances et de mélodies bancales pour nous mettre en apnée sur le final dantesque « Faiseuses D’Anges », qui se plaît à nous remémorer les aiguilles à tricoter chauffées à blanc, et les cadavres de ces pauvres femmes ayant eu recours à un avortement clandestin.
On peut presque sentir l’aiguille nous percer les chairs, et entendre les hurlements de douleur, tout au long des neuf minutes de ce dernier titre évolutif, toujours entre deux ou trois eaux, comme un embryon ayant muté pour compléter son système de quelques chromosomes douteux.
Lourdeur, suffocation, lucidité et poison, la musique de RÅTTEN est toujours aussi sombre et difforme. On se régale de ces notes sentencieuses et de ces cris perçants, et on se scarifie avec le sourire pour être finalement en phase avec un avenir qui se dessine au fusain. Et dont les traits grossiers nous regardent avec malice, sachant pertinemment que l’enfer nous attend. Nous, et les autres.
Titres de l’album:
01. Les Cris De La Meute
02. La Mort Et L’Absolu
03. Danse Macabre
04. La Longue Marche
05. Entre Deux Fosses
06. Les Heures Sombres
07. Faiseuses D’Anges
Enorme !
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