Pas sûr que le Peter Weir du Cercle des Poètes Disparus apprécie cette Société Satanique des Poètes Morts. Après tout, ses poètes à lui étaient de jeunes étudiants bien vivants d’une institution sacrée et très rigide sur ses principes, alors que cette société-là prône visiblement l’hédonisme et le blasphème par le verbe et le geste.
A première vue, on penserait d’ailleurs cette société basée en France, eu égard à l’emploi de la langue de Molière, mais il n’en est rien. Elle a été fondée en 2016 à Rio de Janeiro, et a déjà dispensé quelques cours via un premier enseignement long format en 2017, Ars Arcanvm Vodvm. Etrange de constater que des brésiliens dont la langue natale est le portugais optent pour un chant en français, mais cette incongruité ne fait qu’épaissir les limbes de brouillard qui entourent ce projet et l’opacifient. Aujourd’hui promu par le label mexicain Personal Records, LE CHANT NOIR continue sa route sur les chemins escarpés de la montagne Black Metal la plus imprenable, celle qui offre des crevasses avant-gardistes et des goulées expérimentales. Pour autant, la musique de ce quatuor étrange n’a rien de bancale ni d’imbuvable. Le BM développé par ces brésiliens est tout à fait digeste, et combine passage classiques et narration féminine sentencieuse, pour créer un climat d’oppression et de ténèbres tout à fait délicieux pour les initiés.
Le label mexicain chargé de la promotion de cette seconde œuvre ne tarit pas d’éloges sur ses poulains sataniques. Comparant les musiciens à des ensembles historiques comme ROTTING CHRIST, BETHLEHEM, ou ARCTURUS, Personal Records allèche le chaland qui se pourlèche déjà les tympans de ce massacre symphonique avant-gardiste. Et les éventuels acquéreurs de l’objet en question se féliciteront de leur choix : ce second album des brésiliens est parfait de bout en bout, suffisamment aventureux pour nécessiter de nombreuses écoutes, et largement assez riche pour être disséqué sur la table d’autopsie de la qualité.
Entre BM des nineties réactualisé, Dark Metal d’obédience underground, et Black Symphonique aux proportions modestes, La Société Satanique des Poètes Morts combine des riffs résignés et des lignes de chant théâtrales, et parvient à dégager un consensus autour de son hétérogénéité. On y trouve donc des éléments de Dark Metal, du BM plus middle of the road à la CRADLE, mais aussi des ambitions dignes d’EMPEROR, pour un mélange homogène mais surprenant dans les faits. Quelques notes de claviers intervenant à intervalles irréguliers, des clins d’œil appuyés au Doom des années 80, quelques accessit Heavy du plus bel effet, et une belle déviance des canons habituels de la production la plus prévisible.
Découpé en longs titres entrecoupés d’interludes essentiels, La Société Satanique des Poètes Morts ressuscite la poésie macabre du Black le plus perméable au romantisme français du siècle des lumières, et nous offre un regard neuf sur notre propre histoire, humblement évidemment. On pourra tout au plus déplorer quelques systématismes encore un peu flagrants dans les progressions, des riffs un peu similaires parfois, mais le côté dramatique et violent de l’entreprise lui garantit une attention optimale de la part des plus ouverts d’entre vous. J’en tiens pour preuve le majestueux et ample « Le Vampire », ouverture dantesque qui fait entrer en collision les mondes de NOTRE DAME et de Jean Rollin, et qui en plus de six minutes intrigue, fascine, et donne envie de s’enfoncer encore plus haut sur cette montagne sacrée à la Jodorowsky.
Bien conçu, aéré de nombreux breaks et autres évolutions moins confinées, ce second chapitre de la saga LE CHANT NOIR rappelle parfois quelques héros de l’écurie des Acteurs de l’Ombre, tout en gardant prise sur une efficacité mélodique non négligeable. Le côté avant-gardiste s’exprime plus dans le mélange des genres que dans des structures aventureuses et équilibristes, et les moins à même de digérer un pamphlet complexe au solfège inextricable se sentiront en sécurité dans ce monde certes abscons, mais livrant ses clés au fur et à mesure de l’aventure.
On aime particulièrement ces transitions harmonieuses et stressantes (« Marche Infernale »), ces reprises au clavier qui annoncent le pire en caressant le meilleur (« Les Métamorphoses du Vampire »), ces soudains déferlements de violence qui annihilent les nuages pour laisser passer le soleil noir de la nuit, et cette versatilité qui nous renvoie à l’école Peaceville des nineties, tout comme au BM plus orchestral du nouveau siècle.
Pour mieux apprécier cet album, oubliez donc son étiquette d’avant-garde, et concentrez-vous plutôt sur son pouvoir de narration musicale. Chaque morceau est doté d’une âme propre, et si quelques arrangements d’arrière-plan sonnent parfois un peu cheap, si le chant tombe dans la grandiloquence du théâtre Shakespearien, le tout tient debout, prend parfois des airs du MAYHEM le plus martial (« La Danse Macabre »), mais se démarque du reste de la production de son culot.
Un album à découvrir comme on écoute une vieille légende racontée par un grand-père au regard fané, et qui laisse une impression durable de mystère dans la mémoire. Belle réussite pour LE CHANT NOIR qui mérite une distribution à plus grande échelle, pour une reconnaissance plus vaste.
Titres de l’album:
01. Messe Noir
02. Le Vampire
03. Prière à Satan
04. Nuit de l'ENFER
05. Le Baron Sanglant
06. Marche Infernale
07. Les Métamorphoses du Vampire
08. La Danse Macabre
09. Eloa, Le Bel Ange
10. La Morte Vivante
Merci @mortne2001 pour la découverte !
J'aime pas particulièrement le Black Metal mais dès que ça pue l'occulte, ça titille ma curiosité et au début, j'ai écouté Le Chant Noir par pure curiosité justement.
Ce qui attire, ce sont les paroles en français sur certains passages. Ca apporte quelque chose en plus à l'ambiance macabre qui enveloppe l'album.
Bref, on écoute au début par curiosité, puis ça a un gout de reviens-y alors on y retourne et on apprécie de plus en plus à chaque écoute.
J'adore !
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