Je ne vais pas m’en cacher, j’ai toujours aimé les choses un peu mystérieuses et absconses. Je passe mon temps sur Youtube et la toile à traquer les vidéos bizarres, les phénomènes inexpliqués, les images étranges, les casse-tête sans solution.
En musique, la donne est la même. Plus l’œuvre est étrange et semble impénétrable, et plus je suis client. Mais parfois, je tombe sur des choses tellement cryptiques que mes mots ne sont d’aucune utilité pour les décrire, encore moins pour les comprendre.
A compter qu’il y ait quelque chose à comprendre, et pas juste à assimiler comme tel.
Ainsi, en écoutant le dernier album du projet Biélorusse d’ARS DE ER, une multitude d’interrogations ont affleuré à la surface de mon inconscient. D’où sort ce musicien solitaire qu’on ne connaît pas et qui prend un malin plaisir à en révéler le moins possible sur son art.
Je n’en sais rien, et c’est très bien comme ça.
Au départ, méprise. Je croyais que l’auteur faisait allusion à Ars-en-Ré, petit village cocasse de l’Île de Ré, dans ma région presque natale. Et finalement, l’analogie fausse ne l’est pas tant que ça, puisque La Vie est Belle nous isole tels des Robinsons de l’extrême sur un îlot de solitude artistique, à force de mélanger les genres, et d’éloigner les bateaux passant au loin de ses sonorités qui empêchent toute opération de récupération.
Concrètement, dans la mesure du possible, ARS DE ER semble être un one-man-band, tout du moins si l’on en croit les crédits affichés sur ses pages officielles.
Selon la plus probante, l’homme aurait déjà sorti une kyrielle d’albums, E.M.P.T.Y. (2010), Dans la Résistance (2011), Somnambule (2011), Deux (2012), Incognito (2012), Voyage (2014), La Crise (I) (2015), Camp d'extermination (2015), tous énoncés dans la langue de Molière, ce qui nous inspire quelques doutes sur sa réelle nationalité.
La Vie Est Belle est donc son dernier effort en date, et après une écoute distante des précédents, on peut constater que l’ouverture stylistique est toujours de mise, le musicien se réclamant d’une Avant-Garde progressive assez biscornue, et salement envoutante.
Malgré son titre, La Vie Est Belle ne doit rien à Capra ni à Roberto Benigni. Il emprunte plutôt les codes abstraits du Free-Jazz, du Progressif occulte des années 70, de l’Avant-Garde des années 80 et cette myriade d’artistes publiant leurs œuvres souvent uniques sur cassette, mais aussi du Metal libre de toutes les époques, celui des PRIMUS, des DEATH SS, pour aboutir à un mélange qui tient autant de la BO onirique d’un film de Lynch ou de Resnais, que de l’illustration sonore d’un ouvrage du Nouveau Roman de Robbe-Grillet ou mieux, une incarnation du fameux Le Temps Incertain de Michel Jeury. Car ici, tout est romancé, magnifié, décalé, et semble se faire l’écho d’une abstraction temporelle, lien entre des civilisations externes et culture humaine et humaniste, le tout soumis au libre arbitre d’une créativité biscornue qui pourtant aboutit à un travail concis et logique.
Car de l’avant-garde, ARS DE ER n’a retenu que la liberté de ton, et non l’excuse implicite pour pouvoir faire n’importe quoi, sans lien concret ni réel entre les idées.
Difficile à décrire, La Vie Est Belle se ressent, et malgré ses itérations et stridences répétées, passe comme dans un cauchemar éveillé, au point que lorsque la fin pointe le bout de son nez, on serait tenté de s’exclamer d’un « déjà ?? » assez révélateur.
Creuset de fertilité musicale, cet album s’avère constitué d’un subtil mélange des JACULA, de KING CRIMSON, d’un VIRUS plus dérangé qu’à l’habitude (celui de Carl-Michael Eide), le tout adapté à l’imagination débordante d’un artiste qui visiblement, à plus d’une influence dans son sac, à tel point qu’il est capable de nous servir un instrumental digne d’un soap des années 80 sans que sa présence ne semble incongrue (« Dans La Nuit (Intermedia »)
Constitué de chapitres plus que de chansons, La Vie Est Belle n’est rien de moins qu’une superbe progression évolutive plaçant au même niveau la rythmique et les mélodies, et qui semble trouver son apogée dans une homérique suite de plus de dix-sept minutes, d’une beauté troublante, qui résulte des efforts de nombreux morceaux placés plus en amont.
Cordes synthétiques, ambiance dramatique, « Scènes du Passé (Avant son Exécution) » est l’acmé de ce sentiment onirique et perturbant, qui transforme un « simple » album en illustration disharmonique ou pas d’un univers complètement en marge, qui n’a cure des us et coutumes de la musique dite « traditionnelle » qui supprime l’essentiel pour se concentrer sur le futile.
A la rigueur, ce long morceau pourrait se concevoir comme une adaptation conjointe des travaux des GOBLIN et de Howard Shore, incarnant un giallo dramatique de l’esprit, ou tout du moins une errance illogique dans un univers qui ne l’est pas moins. Les respirations, les arrangements soignés, cette basse frappée qui sort de nulle part et qui brille comme une étoile dans la nuit, ces cuivres joués sur un synthé, tout contribue à créer une épaisse couche de brume qui nous enveloppe de ses secrets et ses non-dits.
Le final « Clochard », suit cette même philosophie, et ose même intégrer un saxo intime qui répand ses volutes sur des couches de clavier d’une sobriété exemplaire, nous transportant dans le passé d’un Dario Argento à la créativité pas encore ternie par les années.
Il est à ce moment-là de plus en plus difficile d’affilier le concept ARS DE ER à une quelconque forme de Metal, voire de Rock tout court, encore plus avec ce shunt qui nous propulse dans un épilogue empruntant les vocables de Georgio Moroder et RUSH…
La première partie de l’album, moins contemplative et harmonique, propose des segments clairement liés entre eux, avec notamment « La Grève », qui se décline en quatre invectives, et qui navigue dans les eaux troubles de ZAPPA, de Brian ENO, de VIRUS, de Boulez parfois, offrant à un cadre Free-Rock teinté de Jazz la palette de couleurs du progressif d’avant-garde.
« La Grève (La Finale) » pourrait même symboliser une certaine forme de Post Black, si sa subtilité ne nous tirait pas de force sur les chemins d’un Dark Metal marqué par la scène Italienne des années 80.
La Vie Est Belle…Quel titre étrange pour un disque qui rassemble les figures classiques de la Commedia Dell’arte et les armes blanches des gialli qui pénètrent les chairs, comme un tueur/musicien masqué qui passe dans les rues de Venise tel un fantôme.
Quoiqu’il en soit, ARS DE ER poursuit sa route avec ce nouvel album qui ne trahit en rien son crédo, qui finalement, reste aussi impénétrable que son imagination.
Une musique unique, un style personnel, et un voyage aux confins du réel qui laisse dans un état cotonneux, mais qui éveille l’esprit à des sons qu’on ne pensait pas connaître un jour.
De son vivant en tout cas.
Titres de l'album:
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21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
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Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
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NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
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