J’ai renoncé il y a longtemps à étiqueter les sorties estampillées I, Voidhanger Records. Il est en effet impossible la plupart du temps de leur trouver un créneau, tant les groupes de l’écurie se jouent des genres et des styles pour mieux brouiller les pistes. Mais ce que j’aime particulièrement chez les artistes de ce label, c’est qu’il ne cherche jamais l’originalité pour l’originalité. Ils sonnent naturels, et leur créativité leur permet simplement de prendre leurs distances avec la normalité, et les conventions d’usage.
LABYRINTHINE HEIRS fait évidemment partie de ces concepts complexes qu’on ne sait où situer. Assemblé à partir de figures de l’underground texan, ce nouveau projet ne fait pas grand mystère de ses origines métissées. D’ailleurs, l’argument promotionnel repose en partie sur cette dispersion. Je cite :
Tous les membres du groupe viennent de différentes tribus Metal d’Austin. De fait, notre musique n’est pas facilement catégorisable.
C’est une affirmation signée et assumée par Evan Sadler, chanteur de son état, qui en rajoute une couche en tentant de cerner la démarche de son propre orchestre :
Dès le début, l’objectif était de combiner le son des artistes Touch and Go Records comme THE JESUS LIZARD et SHELLAC avec celui de CELTIC FROST ou VIRUS.
En toute objectivité, on pourrait nuancer cet enthousiasme en se référant à la réalité des faits, mais justement, les faits parlent d’eux-mêmes. Ce premier album correspond exactement à la vision que ses auteurs en avaient. En combinant la lourdeur noire du FROST, les dissonances de VIRUS, et la raideur des vieux poulains Touch & Go, le quatuor (Anthony Brownlow - batterie, Samuel Kang - guitare, Bryan Camphire - basse et donc Evan Sadler - chant) produit une sorte de charbon rare, de ceux que l’on retrouve au fond des mines, un casque vissé sur la tête. Et on imagine bien les musiciens sortir de leur cave, le visage masqué par le carbone, sans dire un mot. Ce qui d’ailleurs ne nous en apprendrait pas beaucoup plus sur leur personnalité.
La liste des FFO est assez hétéroclite. VED BUENS ENDE, THE JESUS LIZARD, CELTIC FROST, HOWLS OF EBB, STARGAZER, largement de quoi se gratter la tête, avant de placer l’aiguille sur l’entame « Brick Refusers Quartered ». On est immédiatement happé par ce pessimisme musical, ce statisme rythmique qui le confine à la frappe mécanique et sans fioritures, et cette ambiance anxiogène qui prend aux tripes comme un bootleg de CELTIC FROST mixé par les mecs de BEHERIT.
Black par essence, indépendant par puissance, Noisy par aisance, Labyrinthine Heirs confie à ses héritiers sa formule non-magique pour qu’ils puissent la reproduire dans un futur plus ou moins lointain. Avec un travail exceptionnel fourni par les cordes, graves et médium, ce premier long peut se reposer sur des lauriers de guitare qui s’époumone avec une pertinence remarquable. On se remémore évidemment les déviances sadiques de JESUS LIZARD, et cette manière bien à elle des travaillistes new-yorkais de déformer la mélodie pour la rendre aussi vicieuse qu’un rêve de John Waters.
« The Conceited Determination of Nimrod » sonne même comme un inédit de Tom Warrior repris à sa sauce par un groupe alternatif passionné de Metal et de Punk. Pendant dix longues minutes, LABYRINTHINE HEIRS traîne sa misère, tel un groupe de Doom un peu perdu dans le paysage moderne, et qui privilégie un mid tempo résigné à un down tempo égratigné. Ou comme un sale VIRUS qui s’insinue dans l’organisme pour le contaminer d’une sinistrose panique. C’est long, c’est insistant, redondant et hypnotique, comme un journal télévisé consacré aux faits divers les plus sordides.
Inutile donc de sortir vos lunettes de soleil pour écouter ce disque qui vit dans l’ombre comme une armée de rats, ou une légion de sans-abri prêts à se sacrifier pour une vie meilleure. Ou moins pourrie, à minima. L’observateur accompli remarquera la similitude des discours, et les points communs évidents de ces cinq morceaux liés entre eux par un fil noir et déprimant. En décalquant sa propre inspiration d’un titre à l’autre, LABYRINTHINE HEIRS s’offre une cohérence béton, comme une rime très riche et un peu facile, mais faites attention. Les arrangements occupent une place très importante, et l’écoute de « Satan's Domain is the Liver » donne mal au foie. Sa basse désabusée mais en plein traquenard, sa guitare une fois encore ouverte et striée, et ce chant rauque et grave qui donne la nausée à huit heures du matin.
Lever de soleil blafard en plein Texas, Labyrinthine Heirs est une éclipse très moche qui brûle les rétines et taquine le mal-être avec beaucoup de plaisir. En bons masochistes, nous acceptons la correction qui s’apparente plus à de la cire bouillante nous tombant sur la chair qu’à une série de coups de fouet dans le dos, et nous nous sevrons de ces incantations malfaisantes qui réveillent en nous le souvenir d’années 2000 très portées sur les dissonances et le feedback gratuit.
LABYRINTHINE HEIRS a beau se répéter, son discours n’en est pas moins important. Laid, repoussant, mais important. Et qui aurait pu, à posteriori, transformer Touch & Go en label spécialisé en Black tordu et encore plus malsain. Mais on ne réécrit pas l’histoire. On la traduit comme bon nous semble.
Titres de l’album:
01. Brick Refusers Quartered
02. The Loop of Human Flesh Told in Perpetuity
03. The Conceited Determination of Nimrod
04. Satan's Domain is the Liver
05. Yaldabaoth Gored to Blindness
Merci pour ce report, qui rend très bien compte de ce moment hors du temps. J’avoue qu’une setlist uniquement composée de titres d’argus ne m’aurait pas déplu (comme au courts of chaos de l’an passé si je ne me trompe pas) mais c’est(...)
18/03/2025, 21:35
On a connu des ruptures plus violentes... J'ai l'impression qu'il faut comprendre qu'il va lancer sa propre formation pour reprendre de vieux titres de Kakatonia (pardon, c'était trop tentant et je ne le pense pas vraiment) voire approfondir leur style. Ce se(...)
18/03/2025, 20:21
C'est le groupe du chanteur de feu Paean. Il faut que j'essaie l'album de 2022.
15/03/2025, 15:41
Franchement Alcest mérite mieux qu'un de ces énièmes groupes de post-rock ou post-metal à la con ou tout est recraché.
15/03/2025, 11:50
Très bon groupe de Death grind,que je viens de découvrir moi qui aime la musique extrême je ne suis pas déçu !Je le conseille à tous
12/03/2025, 10:09
Va vraiment falloir arrêter ces commentaires politiques systématiques, c'est d'un redondant, même si, je conviens que pour le présent groupe ce soit peu évitable. Mais un peu de sérieux, le capitalisme honni se réjouit justement des luttes (...)
12/03/2025, 08:01
Oui il y avait des tensions je pense. Hinds voulait clairement une orientation moins "Metal" depuis quelques temps pour Masto... Et dernièrement il était très critique sur le concert d'adieu de Black Sab' auquel Masto va participer. Il avait po(...)
11/03/2025, 20:35
Du tout bon ça !!!PS : L'intro de la chro c'est pour de vrai mortne2001 ou juste pour la beauté du texte ???
11/03/2025, 19:29
Apparemment Hinds était moins impliqué dans le groupe ces derniers temps mais c'est vraiment dommage cette séparation.
11/03/2025, 07:47
Perso, à part leurs deux premiers albums qui sont vraiment géniaux, le reste est quelconque et prétentieux.
08/03/2025, 16:08
Tout comme Gargan, bien plus ADIPOCERE que HOLY à l'époque.HOLY étant bien trop atmo-avant-garde-mélo-musique-du-monde pour moi.Pout autant, GLOOMY GRIM et TRISTITIA ont été de très grandes révélations au mili(...)
08/03/2025, 10:09
Le catalogue était culte avec ses descriptions d'albums !!! ("la batterie va à 1000 km/h", "l'album de la maturité",...) Ma discothèque s'est constituée au début en grande partie grâce à eux.
07/03/2025, 16:48