Avec une pochette qui recréé l’ambiance du mythique Diabolical Fullmoon Mysticism, un gros vilain crachant le feu dans une forêt en pleine nuit, un logo chiadé flanqué d’un énorme 666, des photos promo qui ne lésinent pas sur la neige et le corpsepaint, des pseudos tous plus rigolos les uns que les autres, les finlandais de BLACK BEAST n’ont pas économisé leurs efforts ni joué sur la finesse pour nous tromper sur la marchandise. Et pour cause, il leur fallait frapper un grand coup pour fêter ce premier LP, et pas seulement parce que tout premier LP est important. Dans leur cas très précis, il est même crucial puisque le groupe existe depuis 2002, et a attendu dix-sept ans pour enfin proposer un format digne de son nom. Durant leur carrière, les trois suppôts de Satan ne se sont pas montrés particulièrement prolixes, puisqu‘à part un EP éponyme en 2005 et un split en compagnie des BLOODHAMMER l’année suivante, rien n’est venu chatouiller les oreilles des fans, ce qui fait de cette discrétion un sérieux handicap à combler. C’est ainsi qu’hébergés sur un label national, les trois musiciens s’en reviennent enfin nous conter fleurette, sur fond de nostalgie outrancière et d’atmosphère gentiment délétère. Alors, corpsepaint, clous, neige, feu, nuit, tous les éléments sont finement choisis, et évidemment - malgré un baptême pouvant aiguiller sur la piste d’un Death/Thrash ou Black/Death ou Power Metal – BLACK BEAST est une créature entièrement dédiée à propager la bonne parole d’un Raw Black/War Metal à travers un monde dévasté, ce qu’ils s’échinent à faire à chacun de leurs gestes/poses/hurlements. Mais entre l’intention et le résultat, il y a toujours un gros travail à effectuer pour ne pas passer pour de jolis poseurs à deux sous aimant les slips de peau et les bâtons cloutés bon marché. Après tout, n’importe quel clampin peut se donner l’air de, entre deux commissions à l’épicerie pour maman coincée dans son fauteuil devant son feuilleton préféré, et prétendre qu’il a été élevé dans les bois et soudainement converti à la cause par l’apparition d’un démon entre deux chênes centenaires. Sauf que ces trois finlandais-là sont evil. Mais clairement evil, du moindre cheveu au dernier ongle de pied, et que Nocturnal Bloodlust empeste le Black primitif et guerrier par tous les pores. Et ça, c’est assez miraculeux.
Je le disais, pour jouer du bon BM primitif et combatif, il faut en avoir sous la semelle. Le genre demande un investissement total, et une densité énorme pour ne pas retomber comme un soufflet. Mais il doit aussi s’éloigner des gimmicks les plus lénifiants, conchier les mélodies faciles, tout en reniant les figures de style les plus complexes. L’équilibre est donc assez difficile à trouver, mais faites confiance à ces trois-là pour savoir exactement ce qu’ils font, après tout, on ne choisit pas des pseudonymes pareils sans avoir des atouts dans sa manche (Ruumisruhtinas – guitare/basse, Infernal Tormentor Necrocorpse von Demonblood – chant et Lord Sipilä – batterie). L’approche de BLACK BEAST est donc simple, et pourrait se résumer à un seul leitmotiv : tout à fond, et tout le temps. Sorte de démarcation intéressante sur le Panzer Division de MARDUK, d’hommage ultime à la scène norvégienne expurgée de toutes ses prétentions les plus musicales, de salut appuyé à la mouvance Black Punk des IMPALED NAZARENE, et de génuflexion face à la majesté des VENOM/HELLHAMMER/BATHORY, Nocturnal Bloodlust est une gigantesque partouze musicale qui vomit sur la lumière du jour et la technique instrumentale, donnant autant de plaisir qu’elle n’en retire, et nous laissant exsangue, le cul à l’air dans la neige, et les orifices dégoulinant de stupre de violence. Plus qu’un album, c’est une guerre sans merci engagée contre toute forme de compromission, et après la courte intro « Prelude », le couperet tombe sur la nuque : tout ça va être éminemment violent, cru, sale, pourri, rapide, et sans pitié. Et c’est justement ce qu’on aime dans ce style qui ne supporte pas la médiocrité ni la timidité.
Et les trois marsouins ne sont pas du genre timoré. Ils avancent en courant, décapitent tout ce qui dépasse, piétinant la bienséance de leurs riffs primaires et gauches, et cramant tout aux alentours de leurs rythmiques atomiques et radioactives. Ils ont en outre la franchise d’exposer leur vilénie telle quelle sur le fantastique et explosif « Black Seremony » (sorte de Pet Semetary pour les enfants un peu psychopathes qui aiment enterrer leurs parents dans un ancien cimetière Mic-Mac), qui ne ménage pas les effets et autres chœurs émanant d’abysses infernaux béants. Ces « Lucifer, Lucifer ! », scandés d’une voix de maniaque damné sont d’une efficacité énorme, qui plus est soutenus par une guitare concentrique répétant le même motif ad nauseam. Et histoire de bien enfoncer le clou, le groupe a choisi une production bien crade, avec une voix imposée et surmixée en avant-plan, qui relègue tous les autres instruments au fond de la forêt. Mais ces instruments s’expriment quand même, et lâchent des motifs catchy, ne tombant jamais dans la vulgarité crasse du Black Thrash, acceptant les cassures minimales, et autres faux moments d’accalmie plus inquiétants que reposants. Cathédrale profane sonore, ce premier LP est d’une intensité rare, ne tolérant aucune baisse de régime, avec des blasts qui canardent tous azimuts, et un chanteur qui vocifère comme un diable enfermé dans une vieille boite scellée. Chaque titre est un véritable modèle du genre, avec passages remplis de haine, astuces vocales vicieuses, et minimalisme de composition (« Riding on Wings of Death »). C’est vilain mais efficace, sale mais pertinent, accrocheur mais pas putassier, et surtout, adepte d’un blasphème artistique jouissif. En refusant de se compromettre dans des riffs joyeux et séduisants, le trio a opté pour une formule pure, empreinte de Punk, de Raw Black et de Thrash souillé à mort, sonnant parfois comme un coït fugace entre IMMORTAL et BATHORY (« Your Cold Grave »).
Toute cette affaire est donc une question de pulsions et d’impulsions, celles animant les BLACK BEAST étant bassement bestiales, mais terriblement intelligentes. En maintenant la pression pendant une demi-heure, avec force breaks et autres coups de rein fatals (« Words of Leviathan »), morceaux entièrement débités à la main (« Nocturnal Bloodlust », l’un des plus effrayants du lot), Nocturnal Bloodlust se pose en orgasme sans complexe, maculant la neige d’un rouge sperme qui en dit long sur la douleur accompagnant le plaisir. Comme une épée qui vous transperce soudain par l’anus, ce premier album est un poème défroqué vantant les mérites de la luxure après la bataille. Et après tout, une mort rapide et lubrique dans la neige, ça a de la gueule. Surtout le lendemain matin, au travers du regard incrédule d’un garde-forestier à deux ans de la retraite.
Titres de l'album :
01. Prelude
02. Black Seremony
03. Riding on Wings of Death
04. Your Cold Grave
05. Words of Leviathan
06. Unholy One
07. Nocturnal Bloodlust
08. Fist of the Devil
09. Symbol for My Devotion
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