La pochette invite à la contemplation, fait immanquablement penser au Grand Bleu de Besson avec cette gigantesque étendue d’eau qui rejoint horizon en un unisson bleuté. Contemplation donc, perdition, réflexion, zen, méditation, le ressac berçant les rêves et la mer entraînant dans ses fonds les voyageurs perdus si bien chantés par Nick Drake. Nick Drake dont la musique était admise comme la transposition des vagues, la nuit, éclairées à la lumière des phares. Mais celle de CAÏNAN DAWN, bien qu’emprunte de nostalgie reste d’une violence rare, annonçant des tempêtes énormes à venir, que nous essuierons tant bien que mal.
CAÏNAN DAWN a désormais une carrière bien établie et un parcours exemplaire. De débuts un peu hésitants à chercher sa propre identité jusqu’à cet album charnière il y a cinq ans, le quatuor n’a eu de cesse d’explorer, d’expérimenter, de moduler son inspiration, pour proposer aujourd’hui un crossover imperfective balisé par les tombes du Black Metal. Mais un BM riche, aventureux, risqué, à la limite du Post parfois, aux accents Doom, qui justement épousent parfaitement le contour de cet océan qui nous défie de sa grandeur.
Keithan (basse), Heruforod (chant/guitare), Avgruun (guitare) et Kloct (batterie) reviennent donc après un long silence consécutif à la sortie de F.O.H.A.T. en 2017, et nous montrent quelques clichés musicaux pris dans cette tourmente créative qu’est l’accouchement d’un nouvel album. Lagu, de sa sublime pochette, accroche immédiatement l’œil. Ce bleu profond, capté d’un regard nocturne évoque la grandeur de la nature et la petitesse de l’homme face à elle, mais aussi le désir de dérive, d’affronter le géant des géant, et non d’apprivoiser l’océan, mais de se laisser happer par lui. Mort en naissance inversée, pour un disque aussi grand que son concept, qui repousse encore une fois les limites de l’imagination.
Contemple - les vagues infinies de ton âme qui se laisseront rattraper, un voyage où le ciel n’est plus qu’un souvenir. Plonge dans cette immensité et immerge-toi. Alors, il se révèlera, cet être de conscience des fonds. Bienvenue à la noyade, un glissement éternel où les profondeurs abyssales t’attendent pour l’éternité.
Tout ceci n’invite évidemment pas à la rêverie rassurante, mais bien à l’admission de notre caractère futile sur cette terre, noyée par les eaux, et qui un jour en sera recouverte. Pour parvenir à construire un décor idoine, les français n’ont pas regardé à la démesure, et ont convoqué EMPEROR et THE OCEAN aux agapes de l’océan, pour cinquante minutes de contemplation en apnée d’un univers liquide. La musique du quatuor n’a pas vraiment changé, mais s’est adaptée aux nouvelles exigences de perfection. Chaque riff semble être à sa place, chaque break parfaitement inséré, chaque ligne de chant porteuse de sens. Lagu, lagune onirique qui cache en fait une renonciation, une plongée dans les profondeurs de l’âme est en quelque sorte la bande-son d’un dernier voyage, pour que l’éternité ressurgisse des flots.
Impeccablement produit, truffé d’effets divers, ce quatrième album est un exemple d’équilibre entre puissance et nuance. Le plus parfait point équidistant du BM et du Post BM, et en convergence de tous les courants extrêmes noirs que l’on puisse connaitre. Il faut certes s’armer de patience pour en venir à bout, tout en sachant que ses secrets ne seront pas percés entièrement ou alors par pur hasard.
Il faut aussi être capable de contempler la mer et son cortège de vagues, et de comprendre leur message. Un message ambivalent, entre cruauté et générosité, comme le démontre « Atlantis », parfait déroulé qui synthétise tous les sentiments éprouvés : peur, attirance, pulsion de mort et envie de vivre une dernière fois avant de disparaître sous l’écume des jours.
Violent mais mélodique, CAÏNAN DAWN a désormais trouvé sa vitesse de croisière, en alternant le surplace contemplatif et l’avancée aveugle et désespérée. La rythmique, cassée et mouvante s’adapte aux thèmes développés et aux riffs plaqués ou saccadés, et le chant, toujours aussi âpre et cru de nous bercer de ses litanies pour nous faire accepter le roulis qui transporte nos pauvres carcasses vers leur dernière demeure (« Septima »).
Le voyage est donc difficile, parfois immobile, mais gratifiant. « Apnea » traduit avec beaucoup de maîtrise ce manque d’oxygène qui comprime nos poumons, tandis que le chaotique et orchestral « Profundum » se propose de nous guider vers les fonds marins, pour nous asseoir et accepter notre humble sort. Arrangements électroniques, ambiances multiples, couleurs de son, toutes dans des tons bleutés évidemment, Lagu est un cimetière caché sous les eaux, et un magnifique désespoir mélancolique.
Entre Post-Wave, Cold Wave, Doom et Black, CAÏNAN DAWN louvoie comme un requin, et finit par mordre la jambe de l’auditeur. Pas pour la croquer, mais pour l’attirer à lui, dans le silence sombre des vagues les plus profondes.
Titres de l’album :
01. Nun
02. Myctophidae
03. Y'ha-Nthlei
04. Okeanos
05. Atlantis
06. Septima
07. Apnea
08. Lagu
09. Profundum
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