Je ne cesse de m’ébaubir face à la qualité de notre scène Black Metal. Depuis trente ans, nos musiciens n’ont eu de cesse que de repousser les limites de l’imagination et de créativité, au point (peut-être, en toute subjectivité) de devenir la référence internationale en la matière. De labels spécialisés en autoproductions de qualité, de micro-maisons de disques en concept albums précieux, le BM français dépasse de loin ses concurrents, et ne semble pas prêt à lâcher la bride. Le cheval noir galope donc à bon train, et laisse derrière lui le carrosse des parvenus qui n’ont pas su protéger leur couronne.
Une nouvelle preuve de ce postulat nous est donnée par le mystérieux Julien Hovelaque (NUIT MACABRE, WINTERMOON, ex-AVE TENEBRAE, ex-MATER TENEBRARUM, ex-MALEFICENTIA) via le troisième album de son projet L'ECLAT DU DECLIN. Un nom fort à propos pour décrire une époque qui glisse sur sa propre pente de suffisance et qui s’approche dangereusement de l’échéance finale. Et pourquoi ne pas sombrer au rythme de ces six nouveaux morceaux ? Car en effet, ils sont la bande-son idéale à un suicide collectif d’ampleur mondiale.
L'ECLAT DU DECLIN a le pouvoir d’une secte dont le gourou partage vos conceptions sur l’existence. Mais ce gourou n’impose guère sa vision. Il la propose, et à chacun de se sentir concerné, ou pas. La porte reste ouverte, et le choix vous appartient. Mais une fois la prise de conscience effectuée, la réalité apparaît sans fard : l’apocalypse sera grandiose, et digne d’une superproduction américaine des années 60.
Le Hurlement des Sphères est un album grandiose, dans tous les sens du terme. Il est imaginatif, figuratif, concentrique, mélodique, fouillé, malin, sophistiqué et sauvage. Enregistré entre septembre 2023 et février 2024 au studio Sentinelle, il bénéficie d’un soin particulier apporté à sa production, qui mute selon les ambiances souhaitées. Le son peut donc se faire âpre et acre, sec et rachitique, comme théâtral et profond. Les deux premiers morceaux en sont l’illustration parfaite. Dans un désir d’exploiter ses capacités, Julien empile les plans acrobatiques, et construit une cathédrale défroquée dans laquelle viennent se réfugier les païens. Entre symphonique humble et progressif cohérent, « Oracle Enthropique » décrit avec une acuité phénoménale les sensations que l’homme peut éprouver face au néant, mais aussi face à sa propre suffisance. Avec un bouquet d’arrangements pertinents et de nombreuses cassures étudiées, ce premier morceau place les débats à une hauteur philosophique qui donne le vertige, alors même que ces neuf minutes ne sont justement que les premières.
Ce troisième tome est de ceux qui ont besoin de grandir en vous, et donc d’être écoutés de nombreuses fois afin que vous puissiez en saisir toutes les finesses. Un titre résume à merveille ces options multiples que Julien manipule à loisir. « L'appel des Mânes », qui après une entame rude et décharnée se transforme en nuit de culte, avec synthés imposants, guitare crépusculaire, et tension progressive. Ce n’est pourtant pas le plus long du lot, mais c’est celui qui contient à n’en point douter le plus grand nombre d’idées. Avec ses passages orientés Metal classique, cette voix qui détache les mots en les prononçant d’un ton sardonique, et ces envolées rythmiques impromptues, il est le pinacle d’une approche plurielle, mais toujours fondamentalement classique.
Mais chacun de ces six titres sont autant de creusets d’influences. On sent l’héritage de la scène française nihiliste des années 90, la grandeur d’un EMPEROR, les ambitions d’un ARCTURUS, mais aussi la beauté gracile et fragile d’un OPETH des grands jours. Mais ne comptez pas sur Julien pour assumer ces références. L’homme est attaché à ses propres valeurs et ne doit rien à personne. Et ces noms ne sont utilisés que pour vous donner quelques repères avant de vous immerger.
Dans « Anamoia » par exemple.
C’est la plus longue suite de l’album, et aussi la plus dense, la plus agressive, mais aussi la plus contrastée. Si la trame reste collée à des principes traditionnels, si le chant soudainement hurlé rappelle les grandes heures des Acteurs de l’Ombre, la forme est quant à elle débarrassée de tout complexe, et s’envole vers les enfers les plus romantiques et poétiques. Une sorte d’Edgar Allan Poe des temps modernes, avec corbeaux, oripeaux, et fables gothiques relookées 2024.
Tout est possible, rien n’est proscrit. Interludes électroniques, humeurs Ambient, décollage supersonique et pause onirique. L'ECLAT DU DECLIN peut même avec un peu d’imagination passer pour le cousin Black Metal d’IRON MAIDEN et de MERCYFUL FATE, eu égard à ces mêmes réflexes d’orchestration et de modulation des thèmes.
Le Hurlement des Sphères ne cherche pas à prouver quoi que ce soit. Ni l’omnipotence de son auteur, ni l’importance de son ampleur. Mais avec quelques guitares en son clair qui évoquent la scène progressive des années 80, une pincée d’arpèges fielleux, et des coupures nettes et tranchantes (tout ça dans les deux premières minutes de « Silhouette Errante »), cet album s’impose sans pause, et ne regarde surtout pas derrière lui.
Pourtant, Julien le pourrait, vu l’importance de son travail passé. Mais comme Le Hurlement des Sphères le recycle avec beaucoup de finesse, nul besoin de s’éterniser sur ce qui a été fait. Seul compte le présent, puisque l’avenir est encore en suspens. Ou déjà écrit en noir dans un vieux grimoire.
Très proche de la perfection L'ECLAT DU DECLIN se perd parfois sur les chemins du Folk, avec des sons de flûte en arrière-plan. Mais recenser toutes les audaces de cet album serait une entreprise vaine. D’une indéniable qualité, d’une superbe assumée, Le Hurlement des Sphères est une métonymie, et un détail qui représente le tout. Cette fameuse scène française que le monde nous envie.
A juste titre.
Titres de l’album :
01. Oracle Enthropique
02. Au Sein des Panthéons
03. L'appel des Mânes
04. Anamoia
05. Silhouette Errante
06. Lux Occulta
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03/03/2025, 13:09
Pour moi Holy, c'était principalement Elend, groupe qui m'est toujours resté cher. Mise à part ça je n'étais pas un holy maniac hehe. Pour la distro, j'étais plus Adipo, même si je me souviens avoir passé des heures sur le(...)
03/03/2025, 10:45
Yep, c'était le war volume III de chez SOM. De mémoire les deux autres étaient ceux de Bloodthorn/And Oceans et Bethzaida/Anata. Un peu comme à la même époque le Thorns/Emperor mais c'était chez Moonfog :)
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27/02/2025, 20:00
Autant ils nous ont habitué à quelques pochettes bien merdiques, autant es deux dernières dont celle-ci sont magnifiques !
27/02/2025, 10:50
Merci beaucoup pour ce compte-rendu sur le vif. Je reviendrai avec plaisir à Rochefort !
24/02/2025, 13:32
C'est pas mal du tout, assez Marduk dans la période blast à tout va en effet. Je regrette juste toujours que sa musique ne soit pas aussi audacieuse que ses provocations, comme s'il s'arrêtait à mi-chemin, c'est plus un choix esthétique qu&apo(...)
24/02/2025, 13:31
Il y a un clin d'oeil à David Martin dans la chronique, on peut même aller jusqu'à "Enjoy The Violence" :-) les " vétérans" comprendront....
24/02/2025, 13:04
Complètement fan Merci holy records.J ai découvert bon nombre de groupe de metal à grâce à vous et ce catalogue que j epluchais à quête de la nouvelle pépite... que de nostalgie etque d heure de lecture.Et just(...)
24/02/2025, 11:28
Superbe Label en effet . J'ai justement decouvert le Metal Extrème avec ces groupes cités et inconnus jusque là
24/02/2025, 10:26