Le Tyran et l’Esthète

Les Chants De Nihil

22/01/2021

Les Acteurs De L'ombre Productions

Les Acteurs de l’Ombre nous attaquent de front en ce début d’année 2021 avec une nouvelle signature qui ne passera pas inaperçue. Non content de nous avoir bombardé en 2020 par des sorties régulières de qualité, Gérald aborde ces douze nouveaux mois avec une confiance renouvelée, et une tête de gondole appartenant au patrimoine BM français le plus ancré dans la tradition. C’est ainsi que le label présente le dernier né de son nouveau protégé, LES CHANTS DE NIHIL, trois ans après son dernier et long cri Dix Ans et Demi de Lutte Contre le Mensonge, la Stupidité et la Sobriété, limité à cinq-cents copies sur Dernier Bastion, la maison de disque historique du combo. C’est donc soutenu par le plus gros indépendant BM du pays que le groupe revient nous narrer ses mésaventures et ses vues sur la société, via cet énorme pavé qu’est Le Tyran et l’Esthète. Comme d’habitude avec les Acteurs, le packaging est soigné, présenté sous la forme d’un splendide digipack trois volets, enrichi d’un superbe livret aux traits fins et distingués. Ce qui l’est moins, c’est cette musique qui a gardé son approche abrasive, et qui ne trahit en rien les précédents dogmes du quatuor. Pour rappel, souvenons-nous que le groupe n’était au départ qu’une simple association entre Mist (guitare/chœurs) et Jerry (chant, guitares), concept en dualité ayant pris une sacrée ampleur avec les années.

Et aujourd’hui, c’est un line-up complet que nous retrouvons encore, avec les deux pivots soutenus par Thomas, batteur depuis 2015 et Youenn (basse) depuis l’année dernière. Trois ans d’absence, le temps a paru long aux fans, mais il faut savoir que cette période n’a pas été perdue en vain, puisqu’elle a été utilisée pour mener à bien le projet Le Tyran et l’Esthète dont les textes et la musique ont muri pendant trente-six mois dans la tête de Jerry. L’homme est comme d’habitude attaché à ses racines musicales et textuelles, et nous a pondu une œuvre encore ambitieuse, peut-être encore plus que les précédentes, sans dévier de sa ligne de conduite brutale et viscérale.

Enregistré pendant l’été 2020, l’album ne respire toutefois pas l’iode des plages, ni l’air de la côte bretonne en juillet, mais exhale un parfum d’oppression moite qui ravira tous les amateurs de Black Metal foncièrement traditionnel et puissant. Décomposé en quatre actes, « la confrontation », « l’exil », « l’ultimatum » et « l’assaut », Le Tyran et l’Esthète se présente donc comme une gigantesque bataille menée contre la fusion du Black, et l’acharnement de ces soldats de l’authentique contre la braderie de leur musique sur le marché de l’ouverture sonore. Ici, pas question de sons synthétiques, ni de claviers, juste un axe traditionnel guitare/basse/batterie/chant, et tout juste quelques chœurs brièvement Folk sur l’un des morceaux. D’ailleurs, si vous aviez l’inattention de débuter l’écoute de ce cinquième longue-durée par « Ma Doctrine, ta Vanité », ne vous inquiétez pas de ces arrangements vocaux folkloriques, puisqu’ils ne sont qu’une astuce pour détourner l’attention quelques secondes du propos ultraviolent. Le répertoire est heureusement calqué sur la froideur nordique en la matière, évidemment traduite dans un idiome français, le groupe était toujours aussi décidé à s’exprimer dans sa langue natale. De fait, cet album se suit comme on suit une aventure épique, puisque les mots de détachent très bien de la musique, le phrasé de Jerry étant largement compréhensible.

« Nous pensions acquise et gravée dans le marbre, le prix du sacrifice et un trésor fertile, la victoire si chère et pourtant si fragile, mais rêvant dans les cieux, allongés sous les arbres, nous, conquérants d’hier, contemplatifs séniles, détournâmes les yeux sans penser au péril ».

Tels sont écrits les premiers vers de « Entropie des Conquêtes Ephémères », vers qui pourraient d’ailleurs s’accorder de l’attitude du groupe, qui depuis ses débuts mène une quête contre la demi-mesure et les concessions. Cette musique emphatique et lourde est la trademark d’un musicien/auteur/compositeur qui sait exactement ce qu’il veut, et qui l’obtient tout autant par la qualité de sa plume que par cette production gigantesque et claire. Rarement album n’aura sonné aussi net dans la violence, et chaque intervention de guitare se distingue nettement, ce qui permet aux morceaux de s’enrichir de mélodies sans paraitre trop indigestes. Et si la vitesse prédomine encore une fois les débats, le quatuor n’hésite pas à ralentir le rythme pour instaurer une sorte de malaise hypnotique sur « L'adoration de la Terre » qui n’est pas sans évoquer un Post Black très convaincant et dissonant. Ce titre a d’ailleurs bénéficié d’un soin particulier en s’intéressant de très près au ballet Le Sacre du Printemps d'Igor Stravinsky, dont il utilise deux thèmes musicaux.

Références, assurance, tout est en place pour que ce nouvel album représente le pic de créativité et de brutalité d’un groupe qui n’a plus depuis longtemps à se sentir concerné par une quelconque défense de sa crédibilité. Si musicalement, les pistes sont toutes liées par un fil conducteur très clair, elles n’en disposent pas moins individuellement d’une approche différente, ce qui permet au groupe de dégager des inspirations plus travaillées, comme sur le long et envoutant « Le Tyran et l'Esthète », title-track de plus de huit minutes. Entame martiale à la MARDUK, guitare qui tournoie et virevolte sur fond de riff classique, l’optique est formelle, mais le résultat dantesque. Et c’est sous un déluge de blasts que LES CHANTS DE NIHIL nous entraine, sans protection, avec toujours cette dualité vocale cruelle et abyssale.

De fait, ne soyez pas effrayés par la durée des morceaux qui prennent le temps de s’imposer. Car entre les déliés de la basse de Youenn et les prouesses rythmique de Thomas, le tout reste très digeste et s’apparente à une tornade passant au-dessus des têtes pour raser les idées des plus hérétiques. Ici, le genre est traité avec respect, honoré d’un jeu élitiste, et flatté d’un verbe peaufiné. Les mots, les notes, tout s’entrechoque très rapidement, mais l’effet produit est loin d’assommer l’auditeur, le plongeant plutôt dans une transe historique et onirique, comme un rêve guerrier qui vous transporte dans le temps. Pourtant, le traitement est contemporain, et le résultat proche de la perfection.

Une attitude noble et fière, un artwork de toute beauté (signé Jerry, évidemment), Le Tyran et l’Esthète réussit à combiner les deux termes de son titre pour entamer 2021 sous des auspices violents et poétiques.


               

Titres de l’album:

01. Ouverture

02. Entropie des Conquêtes Ephémères

03. Ma Doctrine, ta Vanité

04. L'adoration de la Terre

05. Danse des Mort-Nés

06. Le Tyran et l'Esthète

07. Ode aux Résignés

08. Lubie Hystérie

09. Sabordage du Songeur - Final


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par mortne2001 le 18/01/2021 à 18:00
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