On dit souvent que les blagues les plus courtes sont les meilleures. Ça dépend. Ça dépend surtout du contenu de la blague, du narrateur, et de sa façon de la raconter. Parfois, un gag étalé sur plusieurs années, tenant même du running-gag peut toujours faire rire, pour peu que le talent soit inné. Mais pas sûr que les abrutis qui ont monté ce projet il y a plus de dix ans se doutaient à l’époque de leur présence active aujourd’hui. Sans doute est-ce ça en partie qui fait la beauté de la chose. Outra sa gratuité de ton, c’est surtout sa qualité de fond qui a transformé le side-project CANNABIS CORPSE en entité viable, et salement concurrentielle en termes de Death barbare et tartare. Au départ, tout était affaire de fun pour Phil “LandPhil” Hall (IRON REAGAN, MUNICIPAL WASTE) et Josh “Hallhammer” Hall (le frère jumeau et compagnon de boutade depuis les débuts), qui désiraient simplement s’adonner aux joies du barouf saignant, tout en rendant hommage à deux de leurs idoles. CANNIBAL CORPSE d’un côté, et la plante qui fait rire de l’autre. En combinant les deux, ils étaient certains de provoquer headbanging et hilarité, ce qui est exactement ce qui s’est passé. Sauf que depuis, les deux frangins ont insisté. Et ce qui aurait dû rester une private joke éphémère est devenu un groupe bien concret, qui depuis 2006 nous implique dans ses délires avec force rythmiques aplatissantes et riffs dégraissants.
De simple pastiche herbu de CANNIBAL C. les CANNABIS CORPSE sont devenus une véritable encyclopédie médicinale du Death de tradition, de celui que les ENTOMBED, GRAVE, NILE, MORBID ANGEL et SUFFOCATION ont outrageusement popularisé, avant de le faire évoluer. Et le quatuor de Richmond, Virginia a évolué aussi, au point d’atteindre une symbiose parfaite entre brutalité et blague de pilier, pour nous livrer avec Left Hand Pass l’un des LP les plus solides de leur carrière.
A tel point qu’il pourrait même se comparer aux chefs d’œuvre auxquels il fait allusion. Inutile de vous expliquer la provenance mythique de son titre, et si les clins d’œil appuyés aux suédois de ENTOMBED sont remarqués, la diversité règne pourtant en chute bien torchée. Si en studio, le groupe n’a pas l’impact désopilant de ses interventions live, les anglophones perméables phonétiquement aux grognements s’abrutiront de textes écrits à la gloire de la marie-jeanne, qui se voit aujourd’hui quasiment légalisée dans les Etats plus si unis, et qu’on peut se procurer sur ordonnance, ou pas d’ailleurs. Il serait de bon ton que les praticiens américains recommandent à leurs patients atteints de sinistrose une bonne surdose de ce cinquième album, qui risque de les dérider, pour peu que le Death le plus primesautier leur permette de s’extirper d’une dépression carabinée. Left Hand Pass reprend pourtant peu ou prou les choses là où les rires de From Wisdom To Baked les avaient laissés, mais ajoute une touche de folie à l’ensemble certainement imputable à l’adjonction à la formation des fabuleux Brandon Ellis (THE BLACK DAHLIA MURDER) et Ray Suhy (SIX FEET UNDER) aux guitares. Celles-ci sont affamées, pour le moins, et tranchent dans les plants de quoi rouler un gros riff de joint, ou l’inverse, dans un déluge de motifs qui fument la moquette et nous rendent fracasse.
Bon sinon, je vous fournis les feuilles ou les vôtres sont assez résistantes pour supporter la marchandise ? Inutile de tergiverser, ce cinquième roulé est aussi chargé que les précédents, sinon plus. On y retrouve tout ce qui a fait la réputation de dealers d’excellente came Death des frangins Hall, des allusions plus que poussées aux cadors qu’ils savent de mieux en mieux imiter, en passant par les successions brutales bien amenées, qui bouchent les trous d’air de couplets et de breaks qu’on prend vraiment plaisir à s’envoyer. On pense à un voyage mental bien allumé entre les USA et la Suède, avec toujours cette puissance matinée de nuances, qui évite au projet de sombrer dans l’auto-parodie. Il faut dire qu’en plus d’être hilarants, les mecs sont techniquement déments, ce qui permet à des blagounettes comme « Grass Oblit » de passer la rampe sans attendre que l’assemblée soit trop défoncée. La production est bien sûr éminemment chargée, comme le dosage, mais la faim justifie les moyens, et la fumée chatouille vos naseaux d’une délicieuse odeur de tabac brûlé. Ce qui le sera aussi, c’est votre paire d’oreilles qui va encaisser un choc bien tassé, puisqu’en trente-sept petites minutes, les CANNABIS CORPSE font le tour de la question Death contemporaine, tout en gardant des recettes de semis dignes des années 90 bénies.
Alors, ça tourne, on fait tourner, et on aimerait bien y rester. Le goût est ferme en bouche, et dès la première taffe « The 420th Crusade » et son exhalation BOLT THROWER, la perception est altérée, mais le cœur emballé.
Si « Left Hand Pass » ne renie en rien l’effort presque homonyme de Lars Goran & co, il louche plutôt du côté NILE ou il va tomber. Entre la basse de Landphil qui parcourt tout le manche en de splendides arabesques hallucinées et la frappe du frère Josh qui n’a rien perdu de son acuité affolée, le ballet est complet, et nous fait virevolter de ses changements de rythme inhalés. Le chant est grognon comme un cochon, mais partagé entre des expirations caverneuses et des inspirations mystérieuses, tandis que les parties de guitares jouent du médiator comme un hippie de sa langue pour bien sceller l’objet. Dès lors, pas de surprise, on se retrouve vite hébété, mais pas assez pour ne pas comprendre qu’on a affaire à des revendeurs éclairés. Les mecs connaissent la marchandise, et la refourguent à tarifs référencés, pour une production que Season of Mist ne soit pas regretter. Certes, les déroulements sont classiques, et la tabagie très active, mais comment ne pas succomber à des hymnes fumés comme « In Battle There Is No Pot », qui se rapproche d’un Death presque mystique aux lourdes avancées brisées, ou « Effigy of The Forgetful », dont les SUFFOCATION sont certainement déjà étouffés. Côté titres, on n’a pas renoncé à l’accumulation pour exagérer, comme le démontre les très chargés en verbe « Papyrus Containing the Spell to Protect Its Possessor Against Attacks from He who is in the Bong Water », qui lui aussi, lorgne du côté du Nil de NILE voir si les barracudas de l’Oriental Death ont bouffé les restes de Claude François, ou le final « The Fiends that Come to Steal the Weed of the Deceased » qu’un CARCASS sevré de MORBID ANGEL ne devrait certes pas renier.
La blague continue, et autant dire qu’elle est de plus en plus drôle, tout autant qu’elle ne garde son sérieux. L’humour death in cheek des frangins Hall n’a pas pris une ride, tout comme leur précision instrumentale et leur inspiration ont progressé au même rythme que la dépénalisation de la plante en question. Mais il est tout à fait possible d’apprécier Left Hand Pass sans rien piger niveau textes débridés, puisque musicalement, les CANNABIS CORPSE sont toujours aussi à cheval sur une perfection de brutalité qu’ils maîtrisent dans une ambiance enfumée.
Vous faites passer ?
Titres de l'album:
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