Je suis conscient qu’en période de fêtes, le quidam moyen n’a qu’une seule envie. S’amuser, oublier le quotidien, emballer ses cadeaux, afficher un sourire de circonstance, sincère ou pas, penser aux repas qui l’attendent, et offrir, parce qu’offrir, c’est le plaisir. Dès lors, la bande-son idéale d’une fin d’année s’articulera surtout autour de chants de Noël, de chansons à boire, éventuellement d’un petit tour à la messe de minuit, ou du ronronnement des rires enregistrés dans un bêtisier quelconque diffusé en prime time. C’est ainsi que la majorité des gens conçoivent cette période où les sapins perdent leurs aiguilles, admirant le ballet stroboscopique des guirlandes nous éclairant l’épilepsie de leur métronomie implacable, et pourtant, il existe aussi une autre voie, moins joyeuse, celle de la lucidité du monde qui nous entoure et qui ne s’arrête pas de tourner parce qu’on avale une autre douzaine d’huitres ou un toast au foie-gras. C’est un fait, pas le plus réjouissant j’en conviens, mais le réchauffement climatique, les disparités et inégalités, la souffrance et la solitude ne connaissent pas de trêve, et le quotidien de ceux luttant pour leur survie dans un monde egocentrique et voué au culte du veau d’or s’accommode très mal de cet onirisme mercantile dirigé d’une main de fer par des multinationales dont le seul but est de nous pousser à une surconsommation de dernière minute. Le monde, tel qu’il est aujourd’hui, nous raconte une toute autre histoire, celle d’une civilisation à la dérive, d’un mondialisme qui le confine au cannibalisme, et d’une impasse de l’âme qui occulte les problèmes pendant une quinzaine de jours pour les retrouver toujours aussi lourds à porter au mois de janvier. Alors, justement, le mois de janvier 2019 proposera sans doute le soundtrack le plus approprié à la reprise de conscience, lorsque la routine grise remplacera les joyeusetés multicolores, et à ce moment-là, BLURR THROWER sera là pour nous guider vers un ailleurs pas forcément réjouissant, mais terriblement adapté à des circonstances que d’aucuns s’évertuent encore à nier.
Se voilant d’un linceul opaque de mystère, BLURR THROWER accepte sa condition de one-man-band, et nous dévoile ses sombres projets pour l’année à venir. Chaperonné par l’infatigable Gérald des Acteurs de l’Ombre, ce concept aux contours plus ou moins flous est plus qu’un groupe, et beaucoup plus qu’une simple humeur misanthropique. Il se présente sous la forme d’un hommage à la scène canadienne la plus sombre et impénétrable, avouant ses influences comme autant de convergences vers ses propres idées. Concédant une admiration pour des groupes comme WEAKLING, FELL VOICES, ASH BORER, TIME LURKER, ou PARAMNESIA, BLURR THROWER est en quelque sorte la transposition du vocable canadien dans un idiome français, sans que l’on ne sente une vulgarisation de base pour obliger les fans à s’ouvrir à l’extérieur. Et pour être tout à fait honnête, le mimétisme de ce premier album avec certaines pierres angulaires du genre est troublant, même si ce musicien français fait tout ce qu’il peut pour cacher ses références sous des citations plus personnelles. Concrètement, Les Avatars du Vide est plus un voyage qu’un réel disque stricto-sensu, un voyage en deux étapes, profondément ténébreux, mais animé d’une lumière mélodique permettant d’en apercevoir l’issue, pas forcément la plus gaie j’en conviens, mais cathartique d’une certaine manière. Composé de deux très longs morceaux, cette introduction à un univers très personnel s’aborde comme une pièce de narration que chacun interprétera comme bon lui semble, se plaçant à la place du narrateur ou acceptant son rôle de simple spectateur. Dès lors, et une fois ce choix fait, les réactions pourront être différentes, pas radicalement, mais avec des nuances d’importance. Car la diégèse que nous propose BLURR THROWER laisse place à l’interprétation, selon que son auteur se place au centre des débats, ou qu’il les raconte en observateur extérieur, nous impliquant dans le processus, qui finalement, et après précision, pourra se transformer en métadiégèse, comme un cauchemar dans le rêve, ou comme une histoire dans l’histoire, à l’image de ces rêves que l’on fait à l’intérieur de rêves, et qui nécessitent deux réveils au lieu d’un. Abstraction descriptive qui semblera cryptique pour beaucoup, et pourtant, qui correspond parfaitement au déroulé de l’aventure, qui en trente-six minutes fait le tour de la question du BM atmosphérique de tradition, celui-là même que nos cousins canadiens pratiquent depuis deux décennies.
Et qui dit BM atmosphérique, induit une crainte tout à fait justifiée de devoir subir de longues digressions souvent stériles, utilisant les itérations et les répétitions jusqu’à l’overdose. Les répétitions et digressions ne sont évidemment pas absentes de cette œuvre, et en constituent même les fondements, pourtant, impossible de ne pas voir une progression parfaitement logique dans les constructions proposées par Les Avatars du Vide. Si l’auteur aime à développer de longs riffs concentriques qui s’accordent très bien de blasts raisonnables, il sait aussi travailler ses atmosphères pour rendre le tout prenant et hypnotique, un peu comme un trip astral en dehors du corps dans une dimension cachée. Les guitares sont abruptes, lointaines, presque enterrées dans le mix alors que la basse se permet des incursions au premier plan, et servent de couches sonores en canevas traumatique, pour mieux élaborer un panorama fait de brouillard, de rochers pointus empilés en montagne de désespoir, et de quête d’une vérité que peu sauront accepter comme réalisme inévitable et salvateur. Plus concrètement, BLURR THROWER prend un plaisir tangible à s’approprier les recherches antérieures de BASALTE, SKAGOS, MALEBRANCHE et autres ENTHEOS, et à les amalgamer à une approche scandinave de la fin des années 90, pour créer un compromis entre le Black Atmosphérique le moins complaisant et le Raw Black le moins vulgaire, et ainsi atteindre un juste milieu entre la contemplation et l’efficacité, qui saura séduire les adeptes de la brutalité comme ceux de l’exigence sonore plus élaborée. On retrouve donc des tendances assez différentes sur ce premier LP, qui loin de meubler, remplit les espaces avec de réelles idées, et surtout, des harmonies décharnées luttant pour s’imposer dans un contexte de brutalité blafarde.
Longues intros qui n’en sont pas mais qui font vraiment partie de la narration, cassures amenées avec beaucoup d’à-propos, classicisme assumé mais détourné de ses codes pour ne pas sonner trop figé, et surtout, de l’intelligence dans le crescendo qui transforme ces deux longs chapitres en suite logique. Sans véritablement bousculer l’ordre établi du BM traditionnel, Les Avatars du Vide y apporte sa patte, et sa contribution est d’importance, puisque les premières minutes de « Par Delà les Aubes » transcendent le Post Black pour le faire entrer dans un cadre de Black progressif presque minimaliste, mais pourtant aussi ambitieux que n’importe quel représentant de l’avant-garde. Et là est la dualité la plus frappante de ce trip intégral, puisque sous des atours décharnés, ce premier LP fait étalage d’une richesse de composition et d’arrangements qui permet à son auteur de s’extirper de la condition de répétiteur malhabile pour endosser le costume de conteur. Un travail à la mystique palpable, une errance sur les chemins de la désolation, mais surtout une musique fertile, aux moyens limités, mais à la portée indéniable. Et comme je le disais, la bande-son d’un début d’année qui s’annonce encore plus morose que le précédent, mais peut-être plus poétique qu’on ne le pensait.
Titres de l’album :
1.Par Delà les Aubes
2.Silence
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