Je n’ai nul pays
Je n’ai nulle patrie
Mais j’embrasse l’espoir
D’un noir pouvoir
Il y a deux ans, j’affrontais le jet de bile crasseux de Hier déjà Mort, et je découvrais SORDIDE sous un autre angle, après avoir dévoré les deux premiers tomes de son aventure. La France a Peur et Fuir la Lumière définissaient les contours d’une démarche qu’on plaçait sous l’égide facile du Black Metal, mais je n’ai jamais pu me résoudre à considérer les rouennais comme de simples chantres de la violence instrumentale et de la sécheresse de ton. Leur côté malsain les affilie d’office à l’extrême, c’est un fait, mais leur saine colère va plus loin qu’une bête révolte adolescente contre les convenances et les lieux communs. Je ne parle pas ici d’érudition et de textes fouillés, ni de références constantes à une certaine époque pointue de l’histoire de France, mais je parle de culture musicale et d’influences bien moins populaires que la moyenne des musiciens du cru. Les textes de SORDIDE ont toujours été concis, reposant sur un nombre minimal de mots, refusant les clichés des phrases choquantes pour mieux se concentrer sur la sonorité des phonèmes, et leur portée. Sur Les Idées Blanches, le trio a poussé le concept encore plus loin : pas plus de quelques vers par morceaux, mais des vers dont on se souvient des heures après l’écoute, pour peu qu’on les ait lus et non pas simplement discernés dans le magma ambiant.
Pour être franc, et aussi objectif puisse être cette chronique, autant l’avouer, SORDIDE n’a jamais autant mérité son nom de baptême
Cette phrase anodine placée en plein milieu de ma chronique précédente en disait long sur l’estime que je porte à ce groupe de Rouen. Il est évident qu’en choisissant un tel patronyme, les musiciens ne pouvaient se contenter d’un BM franc et massif, et devaient emprunter des chemins de traverse infestés de serpents bibliques et de pièges de la plèbe pour parvenir à leurs fins. Leurs fins en 2021, c’est d’abord une signature sur les Acteurs de l’Ombre, trop heureux de voir ce poulain souffreteux et vicieux rejoindre leur écurie, mais aussi ce nouvel album scellant le contrat. Les Idées Blanches de son titre pourrait passer pour un amalgame entre les idées noires et les nuits blanches, et c’est exactement ce qu’il est. Des nuits à ruminer l’avenir de la société, au moment même où son futur semble se teindre de bleu Marine. La problématique n’est pas nouvelle, mais l’incertitude de son issue l’est au contraire. Au moment où le monde se meurt de sa surexploitation et de son consumérisme galopant, les présidentiables jouent la carte sécuritaire, parlent de fermeture des frontières, de forces de police renforcées, alors qu’il conviendrait d’aborder de front le problème des récoltes perdues sous la sècheresse, et de la pauvreté toujours préoccupante d’une bonne partie du monde.
De tes ancêtres blancs comme neige
Et rejoins, bêlant, le cortège
Dans ta tanière tu te retranches
Pour ruminer tes idées blanches
De son BM acide, dissonant, de ses cris larvés qui peinent à exploser, SORDIDE nous plonge dans les affres des tempêtes actuelles, et de la tournure dramatique que prennent les choses. Incapacités des gouvernants à imposer une politique écologique qui est pourtant notre dernière chance de survie, violence omniprésente, virus fabriqués en laboratoire et qui s échappent comme des souris de leur cage, l’heure n’est plus au bilan, mais à l’action. SORDIDE de son côté, agit avec les mots, mais sa musique vaut bien des avertissements. Un simple morceau comme « Les Idées Blanches » suggère à merveille la lancinance actuelle, le ressassement des idées rances, et cette frange de la population qui envisage son populisme comme la dernière bouée de sauvetage d’un navire qui sombre. Les guitares, totalement fausses dans les harmonies et les stridences, soulignent la bêtise crasse dans laquelle baignent ces individus bas de l’ancien Front National, croyant toujours que l’identité et son cortège de privilèges sont la clé. En France comme ailleurs, les extrêmes attirent, comme à chaque fois qu’une ère arrive à son terme. Et la nôtre est agonisante depuis longtemps, s’agitant encore sous les souvenirs des trente glorieuses qui sont pourtant enterrées depuis les années 70.
Désacraliser le passé
Et lui faire cracher ses dents
Ses silences
Ses martyrs, ses massacres
Tout n’est pas simple dans cette vision, et tout n’est pas facile à accepter. Artistiquement, le trio (Nemri - chant/batterie, Julien Payan aka Nehluj - chant/guitare, et Nebhen - basse) utilise les codes du BM des origines, ce qu’on appréhende très bien sur l’entame de « Je n'ai Nul Pays », et son riff emphatique mais classique, mais les travestit de breaks nauséabonds, de mélodies létales, de déviations dangereuses. Les strates vocales s’empilent comme des cadavres sur un charnier, et les longs passages instrumentaux évoquent un ailleurs que l’on n’a pas vraiment envie de connaître, un ailleurs qui finalement, n’est rien d’autre que notre futur.
Le jeu très inventif de Nehluj, hérité du Post-Hardcore, de l’Alternatif, du Punk et du Metal permet de mélanger toutes les fragrances pour se montrer allusif à toutes les violences, alors, lorsque résonne l’impitoyable et cacophonique « Ruines Futures », personne n’est vraiment étonné du volume sonore et de la bestialité débridée. Toujours à cheval entre les genres, SORDIDE n’envisage finalement que le sien, insistant, crade, ténébreux, contagieux de ses idées sombres, évoquant « L'Atrabilaire », pour en arriver à une conclusion inévitable : « Ne Savoir que Rester ».
« Vers Jamais », comme « Postlude », propose une issue. Mais cette fois-ci, et malgré les mélodies, l’issue est inéluctable et peu réjouissante. Un monde marchant au ralenti, piétinant les espoirs comme des cendres s’écrasant dans une cheminée, et arpentant la terre avec pour seule échappatoire les regrets d’une inaction. Les Idées Blanches vous en donnera, et des nuits de laideur et de paranoïa.
Continuer
À hurler
À sombrer
À foncer
Vers jamais
Titres de l’album:
01. Je n'ai Nul Pays
02. Ruines Futures
03. L'Atrabilaire
04. Ne Savoir que Rester
05. Les Idées Blanches
06. Le Silence ou la Vie
07. Vers Jamais
"Les guitares, totalement fausses dans les harmonies et les stridences, soulignent la bêtise crasse dans laquelle baignent ces individus bas de l’ancien Front National, croyant toujours que l’identité et son cortège de privilèges sont la clé".....UZZZZZUUUUULLL AHHH OUIIIIIIIIIII hmmmmmmmm.
C'est très pratique, les épouvantails.
A oublier et très vite.
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