D’un côté du ring, SIMULACRE, quintet bordelais déjà responsable d’un EP bien remué dans l’underground, La Jaiba, paru en 2017. De l’autre, ARCHVILE KING, one-man-band nantais, déjà évoqué en ces colonnes à l’occasion de la sortie de son unique album longue-durée, A la Ruine, plus tôt cette même année. Deux vaillants représentants du Black Metal made in France, et deux conceptions de la violence, qui une fois mises bout à bout, forment une véritable symphonie de brutalité intelligente et ouverte.
Deux tribunes donc, quatre morceaux chacun, d’une durée variable, et surtout, un paysage désolé proposé par Les Acteurs de l’Ombre, assez friand de ce genre de diptyque. Le BM se satisfait pleinement de ces affrontements en collaboration, et Les Voix du Sang - Vile explique par A+B pourquoi un split peut justement être le vecteur d’expression privilégié des groupes débutant leur carrière.
Nous commençons donc dans le bordelais, avec SIMULACRE, qui s’impose sur ce nouveau volume avec plus de vingt minutes de musique. S. KhanHard (basse), NecroC & Thaurr (guitares), Mr. Wretch (batterie) et Dwimorberg (chant) continuent donc cinq ans après l’exploration d’un Black presque expérimental dans les faits, éminemment puissant mais intrigant, jamais vraiment franc, mais toujours fascinant dans sa construction d’un labyrinthe musical duquel on ne sort pas indemne. Cinq ans après leur premier jet, les bordelais se devaient de confirmer les bonnes impressions dégagées, et font mieux que cela. Ils s’affirment sur la scène, prennent de l’ampleur, et deviennent une force vive que l’on fera bien de prendre en compte à l’avenir, à l’occasion de la sortie d’un éventuel premier album.
On sait que le BM rechigne à citer d’éventuelles influences, et même si celles de SIMULACRE se repèrent assez facilement, elles ont la politesse de s’effacer derrière le caractère propre du groupe, ce que « Les Voix du Sang » décrit très bien, sans ambages, et avec une puissance effrayante. Intro sobre en carillon de guitare, mise en place digne des groupes progressifs occultes des seventies, avant que deux coups péremptoires de charleston ne signalent le départ de la tempête.
Dès lors, entre les mélodies concentriques et la pluie de blasts incessante, SIMULACRE joue avec les codes, convoque la grandiloquence d’EMPEROR et l’efficacité de 1349, pour sombrer dans l’agression pure et dure, tout en insérant quelques ornementations délicates et non négligeables. Parfaitement en place, le quintet déroule, et ne s’éloigne pas trop d’un schéma classique de la Norvège nineties, mais récite sa leçon avec sauvagerie et application.
Truffés d’idées, ces quatre morceaux suffisent à appréhender la réalité des faits : SIMULACRE est prêt à franchir une nouvelle étape dans sa carrière, et à jouer dans la cour des grands. « Tribus » poursuit dans la même veine, et explose les boomers de ses intentions cruelles et harmoniques. Le chant acide et graveleux de Dwimorberg donne une leçon de maître en prônant une diction parfaite dans un maelström de plans qui se suivent à une vitesse hallucinante, mais le background instrumental a l’intelligence de ralentir la cadence pour rendre le propos plus intelligible, et ses droits à la lourdeur suffocante.
On soulignera évidemment l’importance d’un titre comme « Time Tombs », le plus évolutif des quatre, mais aussi celle d’une production parfaite, à la basse ronde et imposante, et qui impose la caisse claire en métronome infernal tournant fou à intervalles réguliers.
De son côté, ARCHVILE KING reste fidèle à son approche légèrement thrashy, et propose une prolongation sympathique de son premier album, sans chercher l’affrontement direct avec ses comparses de split. Nul besoin de jouer au bras de fer, puisque la musique de Baurus est toujours aussi efficace et groovy, nostalgique sans en faire trop, et évidemment, plus sobre et unidimensionnelle. On craque toujours pour cette énergie de tous les diables, puisée dans l’inspiration des eighties, avec en exergue ce punky et très Quorthon « The Bastards of the Sea », qui plaque un riff incroyablement saccadé sur une rythmique simple.
Deux écoles différentes, et un goût prononcé pour les premiers pas du Thrash dans l’antre Black, sans pour autant copier les recettes bestiales sud-américaines. Rétro sans vraiment l’être, ARCHVILE KING se fait toujours plaisir, et compose de mini-hymnes à la débauche d’antan (« Pax Infernum (Dog of War) »), en choisissant toujours avec soin ses plans, et ses accroches rythmiques médium qui relancent une machine déjà bien emballée.
Parfait contrepoint des quatre chapitres de SIMULACRE, cette seconde partie de métrage ARCHVILE KING n’en oublie pas pour autant les ambitions, qu’il nous sert bouillantes sur le sentencieux « The Feast of the Worm King », point d’orgue de ce court tracklisting. Baurus termine même son effort par le très drôle et direct « Gwyneth Paltrow is a Lich », aux chœurs étranges et à la ligne conductrice simplissime et presque brouillonne.
Un split qui double donc la valeur de ses deux participants, et qui à de faux airs d’album composé à cinq mains, plus que d’une simple compilation/catalogue. On attend fermement la suite, qui promet d’être sombre, gouailleuse, ténébreuse et groovy.
Titres de l’album :
SIMULACRE
01. Les Voix du Sang
02. Tribus
03. Time Tombs
04. Myste
ARCHVILE KING
05. The Bastards of the Sea
06. Pax Infernum (Dog of War)
07. The Feast of the Worm King
08. Gwyneth Paltrow is a Lich
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