Let there be sound, and there was sound
Let there be light, and there was light
Let there be drums, there was drums
Let there be guitar, there was guitar
Oh, let there be rock!
Evidemment, je ne pouvais pas manquer cette analogie, mais autant vous prévenir tout de suite : les suédois de ALL FOR THE KING n’ont que peu en commun avec les australiens branchés d’AC/DC. On peut à la rigueur les rapprocher par leur amour des guitares amplifiées et de structures simples et honnêtes, mais les deux groupes ne jouent pas dans le même créneau. Si les premiers sont devenus depuis longtemps des légendes du Rock ramené à l’essentiel du binaire, les seconds en sont peut-être une en gestation avec leur Heavy Rock se voulant moderne dans la tradition.
ALL FOR THE KING fait partie de ces ensembles dits « alternatifs » pour une raison de confort de flou, mais se démènent depuis leur création pour proposer une musique un tant soit peu personnelle. En déformant les racines Hard d’un traitement Heavy Rock assez lourd, et en faisant respirer le tout à l’air des années 90, les suédois abordent mine de rien toutes les époques, et proposent un album certes simple, efficace, mais cathartique dans cette époque rongée par la gangrène old-school et les expérimentations les plus douteuses. Donc, pas de Fusion ici, encore moins d’avant-garde, mais pas non plus de repompe grossière des maîtres à qui on ne fait plus la leçon depuis longtemps. D’ailleurs, le groupe ne s’embarrasse pas d’ambitions déplacées, et affirme simplement dans sa bio Facebook être un classic Hard-Rock band with a modern sound.
OK, mais non. Car chers messieurs, vous n’êtes pas un groupe de Hard classique, et votre son n’est pas moderne du tout. Il ressemble beaucoup à celui choisi par d’anciennes stars des années 80 souhaitant traverser les nineties sans trop souffrir de la houle, le son du WARRANT de Dog eat Dog, du WINGER de Pull, et du SKIDROW de Subhuman Race. On pense aussi en vous écoutant aux MAXXWELL, aux écuries Frontiers et Escape Music lorsque vous attendrissez l’ambiance (« The Shelter »), en gros, à une gigantesque synthèse sautant d’une décennie à l’autre pour ne pas se laisser enfermer dans une case de calendrier de l’avent du passé.
L’un dans l’autre, ces considérations sont futiles. Tout simplement parce que les chansons proposées par Let There Be Light sont bonnes, très bonnes même, voire excellentes. On passe allègrement d’un Post Grunge manipulé avec beaucoup de flair à un Hard-Rock de son époque nouveau millénaire avec une fluidité déconcertante, et malgré sa versatilité de thèmes, ce second album fait montre d’un professionnalisme indéniable. En faisant preuve d’un chouïa de complaisance, on pourrait même envisager chaque entrée comme un hit potentiel, réminiscent des années Seattle (« Let There Be Light »), ou de la suprématie Hard Rock des mid eighties (« The Way, Truth and Life »). Musiciens honnêtes, chanteur capable, production propre, phrasé souple et plans formels, ce second album rompant les quatre années de silence imposées par la période post premier album éponyme (All For The King, 2017) tient donc debout de lui-même, et impose le talent de quatre hommes (Erik Tilling, Johan Tjernström, Ricard Hulteke, Richard Tonyson) qui ne cherchent pas le Walhalla dans un Walmart.
Tout ça swingue, balance sévère, fait parfois preuve d’une émotion à fleur de peau et légèrement amère (« St. Patrick´s Prayer »), ou d’une fidélité sans bornes à un genre adoubé par les Dieux il y a fort longtemps (« Metal Gods », et pour le coup, une intro plus AC/DC que nature, avant qu’un riff lourd n’éloigne les frères Young). Enter Post Grunge, Metal alternatif pour les college radios de l’orée des années 2000, Heavy prononcé et sombre comme un dimanche embrumé (« Let God Be God »), Let There Be Light fait parfois penser à un STRYPER moins coincé dans ses tics Metal et plus concerné par la révolution culturelle des années 90.
La comparaison peut faire sourire, elle est pourtant sérieuse et se veut compliment. On retrouve cette emphase dans les chœurs angéliques et la pureté des mélodies, mais aussi cette envie d’en découdre avec les détracteurs peu portés sur les bondieuseries. Mais nul n’a besoin d’un second STRYPER, alors autant envisager les ALL FOR THE KING comme les oracles de fortune annonçant le retour du messie, un messie au cuir bien noir et aux bottes passées au cirage, qui entre dans une église comme un biker pousse les portes d’un bar (« Moneychangers »).
Ce qui est certain, c’est que l’ennui est aux abonnés absents, que la diversité ne nuit pas à la cohérence, et que chaque chanson à son gros potentiel de séduction. Quelques arrangements électroniques tardifs pour élargir encore plus le spectre (« Blazing Fire »), et un bilan qui tire méchamment vers le haut. Une belle réussite, humble dans le fond, mais éclatante dans la forme, avec un groupe qui maîtrise son sujet, et qui propose non quelque chose de neuf, mais quelque chose de conséquent et personnel.
Let there be light, and there was light.
Titres de l’album:
01. The Six-Winged Seraphim
02. Let There Be Light
03. I Am He
04. The Way, Truth and Life
05. The Shelter
06. St. Patrick´s Prayer
07. Metal Gods
08. Let God Be God
09. Moneychangers
10. Blazing Fire
11. The Return of the King
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