Lethal Revenge

W.m.d.

12/10/2018

Autoproduction

Jouer du bon Thrash nécessite un investissement total. Un bagage technique conséquent. Une passion sans faille. Une inspiration tout sauf à l’avenant. Une connaissance des grands classiques permettant de s’en inspirer sans plagier. Un son béton. Des riffs maousses et une rythmique en sprint de fond. Un sens de la mélodie affirmé pour contrebalancer des jets de bile en mi augmenté. Un son épais et puissant, et quelques caractéristiques individuelles notables. Genre, l’aptitude rythmique de frontman de James Hetfield. Le sens de la démesure de SLAYER. Le fun millimétré d’EXODUS. La démence précoce de MUNICIPAL WASTE. Ou à la rigueur, les aspirations progressives et évolutives de CORONER. Le sens de l’énigme de MEKONG DELTA. La préciosité de WATCHTOWER. L’absence de limite des VIO-LENCE. Bref, une liste d’impératifs qui ne peuvent rester lettre morte sous peine d’accoucher d’une œuvre dispensable et anecdotique, d’autant plus que le livre d’histoire du genre est déjà bien encombré de chefs d’œuvre assumés. Alors, que faire dès lors lorsqu’on ne possède pas les atouts indispensables à l’élaboration d’un LP mémorable ? Se taire ? Oui, c’est la meilleure des solutions, pour ne pas passer pour des fions. Ou alors, posséder toutes les qualités susmentionnées, et accoucher d’un LP monstrueux, associant immédiateté épidermique, science technique, flair mosh et riffs qui torchent, ce qui est immanquablement le cas de nos amis du jour, qui avec leur premier longue-durée viennent de foutre un grand coup de baskets dans la fourmilière. Ils auraient pu être américains, anglais ou brésiliens, mais le hasard a fait qu’ils se revendiquent canadiens, et je dois avouer que Lethal Revenge est un opus qui porte diablement bien son nom tant il évoque les meilleurs travaux du genre tout en y insufflant sa patte.

Niveau bio, les W.M.D nous informent que leur patronyme en initiales signifie WHEN MINDS DEVELOP, ce qui leur permet de prétendre accéder à un degré supérieur de conscience Thrash. Processus qui se révèle incroyablement performant à l’écoute de ces neuf morceaux qui ne font pas de quartier, mais qui découpent de fines ou épaisses tranches de violence pour nous en rassasier. Nous en venant de Calgary, ce quatuor à la vingtaine à peine entamée (Skyler Mills - chant/guitare, Brody Blaze - guitare, Nolan Benedetti - batterie et Jake Axl Wendt - basse) a tout de même pris son temps depuis sa création en 2015 pour élaborer l’un des premiers jets les plus convaincants de la vague old-school, en distillant un crossover recoupant toutes les composantes du créneau, à cheval entre Thrash de malades et Hardcore pas en rade. Mais si l’appartenance à la scène Metal est indiscutable sur ce premier long, l’énergie développée est directement héritée de la scène NYHC, avec ce chant qui semble émaner d’une salle mythique new-yorkaise, et cette basse qui sonne plus ronde et énervée que Harley Flanagan complètement torché. Lethal Revenge en substance, se veut résumé exhaustif d’une époque bénie, balisée par des influences revendiquées (MORTILLERY, WEST OF HELL ,GATEKRASHÖR, VIOLATOR, LUCID SCREAM, BLACKEST SIN, RIOT CITY, HAVOK, ENFORCER, OUTLAWS OF RAVENHURST, DEATH, DUST BOLT, IRON REAGAN, LOST SOCIETY, EXMORTUS, MUNICIPAL WASTE), qui peinent pourtant à épouser les contours d’une musique si personnelle qu’on ne peut se résoudre à la synthétiser de la somme de ses parties accolées. Mais en privilégiant des morceaux parfois très longs, qui pourtant jouent la diversité, les quatre canadiens ont bien joué leur coup, tellement bien que leur entrée en matière pourrait sans peine figurer dans une anthologie du passé, alors que terriblement ancrée dans le présent.

Avant d’aller plus en avant dans l’analyse des compositions, intéressons-nous aux individualités. Au poste de frontman, Skyler Mills fait des merveilles et domine de ses cordes vocales juvéniles et hystériques un instrumental dopé à la bonafide, instrumental élaboré collégialement par une bande qui n’a pas la saccade dans sa poche, ni les harmonies dans les croches. Soliste plus que compétent, qui ne bavarde pas mais balance ses aphorismes lapidaires au bon moment, et batteur complètement frappé, capable de soutenir un tempo martelé avant de partir en vrille lors de fills de damné, sorte de trait d’union entre Brian Lehfeldt (WEHRMACHT) et Dave Lombardo, et collectif au-dessus de tout soupçon, exempt de reproche tant son implication dépasse la raison. Un groupe à la cohésion diabolique pour un sens de la composition épique, s’articulant autour d’interventions parfois lapidaires (« Capture & Kill », au refrain anthémique qui donne envie de prendre une machette et de passer ensuite la balayette), et parfois étrangement progressives et en colère (« Lethal Revenge », plus de huit minutes rappelant les magiques DEATH ANGEL, tout autant que les premiers groupes de la vague Speed/Thrash allemande, ASSASSIN en tête de ligne), pour un voyage au long-cours qui en profite pour donner quelques cours d’euphorie et d’enthousiasme. Cette rondelle dégage en effet plus de puissance que le réacteur central des NUCLEAR ASSAULT, et impossible de rester de marbre face à cette débauche d’énergie, qui n’oublie pas les accalmies en route histoire de ne pas nous coller des croutes.

Neuf titres, et autant de coups dans le mille, avec un déferlement de riffs anthologiques, dont celui complètement à la masse de « Thrash Attack », ridiculisant trente ans de DESTRUCTION de sa vitesse de pousse de champignon hallucinogène et de sa densité anxiogène. A cheval entre un dragster lancé plein pot et un camion bourré de T.N.T roulant sur un chemin de boue bien crado, Lethal Revenge n’est rien de moins qu’un album parfait, qui a tout compris au style qu’il prône, accumulant les breaks ingénieux, les riffs teigneux, les motifs hargneux et les cris belliqueux. Et que le tout se veuille ambitieux et harmonique à rendre Jeff Waters heureux (« The Brazen Bull », le genre de truc immédiat que l’autre canadien composait du temps de sa grandeur), ou concassant comme une presse démoniaque et hantée réduisant les intrus en pile de vieux journaux compressés (« Toxic Burn », ou comment réconcilier les fans de VIO-LENCE et les défenseurs de MUNICIPAL WASTE), tous les essais sont transformés, et les quarante-cinq minutes trop vite passées. Véritable déclaration d’amour envers un extrême raisonnable qui en a pourtant assez qu’on l’exhume de sa tombe, ce premier LP des W.M.D est un témoignage de la vitalité de la scène canadienne, et surtout, la trace de l’émergence d’une engeance surdouée, capable de jouer aussi vite que son ombre, mais de prendre son temps pour composer. Une rondelle à classer aux côtés du dernier WARFECT et du séminal Eternal Nightmare, mais qu’on ne risque pas de laisser sur les étagères trop longtemps. Mais au vu de la puissance que ce truc génère, il m’étonnerait sincèrement qu’il puisse prendre la poussière.   


Titres de l'album :

                         1.Ignition

                         2.Capture & Kill

                         3.Lethal Revenge

                         4.The Age of Extinction

                         5.Toxic Burn

                         6.Fragmentation

                         7.The Brazen Bull

                         8.Thrash Attack

                         9.Virus

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par mortne2001 le 04/11/2018 à 14:26
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