Sept ans après leur premier EP, les américains de WANDERER daignent enfin nous offrir leur premier longue-durée, quoi que le terme soit assez mal choisi. Comme tout bon groupe Core/Grind qui se respecte, le quatuor a choisi la concision dans le temps, et Liberation From A Brutalist Existence n’excède pas les vingt-cinq minutes, tout en se montrant plus efficace et créatif qu’une grosse partie de la concurrence.
Nous avions déjà eu l’occasion de disséquer l’approche des originaires de Minneapolis, Minnesota, grâce à leur trois moyen-formats, Wanderer en 2014, Gloom Daze en 2016 et Abandoned en 2018, et c’est donc avec une impatience avouée que nous attendions le fruit de leurs réflexions pour un premier LP qui nous garantissait un voyage dans un univers très particulier. Cet univers, fait de bric et de broc, de Sludge, de Hardcore, de Grind technique, de D-beat lapidaire et de Crust sombre est étalé sur les dix morceaux de ce premier véritable chapitre de la saga, dont les contours à venir sont assez difficile à anticiper. Pas vraiment Grind dans la forme, mis à part lors de ces crises de colère rythmiques foudroyantes, ni vraiment Sludge pour causse de nervosité accrue, WANDERER s’affilie à cette nouvelle génération de musiciens Hardcore totalement décomplexés, qui n’hésitent pas à emprunter aux Death caverneux ses vocaux sourds et mixés en arrière-plan, à FULL OF HELL ses cauchemars les moins recommandables, et aux TRAP THEM leur technique de coup du lapin qui vous brise la nuque par surprise à chaque coup de pédale de frein.
Intrinsèquement, le tout évoque un joyeux (sic) melting-pot de l’extrême, avec des allusions fréquentes aux techniques les plus abominables. Le Sludge se transforme parfois en Funeral Doom joué Hardcore, le Grind se veut fils héritier de la scène D-beat suédoise et Crust anglaise (évidemment), et le Hardcore est amené avec de gros sabots qui écrasent les jonquilles. Loin de la première vague Grind anglaise, loin des cousins américains des années 90, les WANDERER préfèrent le glauque à l’hystérie, la fluidité des plans au chaos plus ou moins agencé, et le Chaotic Hardcore aux simples jets de bile à la face de la société.
Ainsi, « Simone », cette brave Simone qui était pour l’anecdote la voisine de mon grand-père illustre à merveille la tendresse éprouvée par ces quatre sagouins (Jack Carlson - basse, Mano Holgin - batterie, Brent Ericson - guitare/chœurs et Dan Lee - chant) pour les prénoms féminins, auxquels ils rendent hommage de façon assez étrange et perverse. On sent du BREACH là-dedans, du CONVERGE évidemment, quelques traces de DILLINGER ESCAPE PLAN, mais aussi pas mal de PRIMITIVE MAN, du FULL OF HELL, du UNSANE revu et corrigé Minneapolis, du NAPALM et du BRUTAL TRUTH pour l’histoire, et finalement, le meilleur du pire de tous ces groupes figés dans l’underground et rongés par la méchanceté instrumentale.
Aussi fin qu’il n’est grossier, ce premier album fait la part belle aux acrobaties rythmiques menées par un trio instrumental très au point. On se laisse envouter par ces parties équilibristes qui nous font marcher sur une corde pas trop raide plus ou moins tendue entre les toits du Grind, du Sludge et du Mathcore, par cette gravité de ton qui parfois fond la guitare dans le corps de la basse, par ces dissonances qui assombrissent le ciel au moment de marcher sur ses nuages (« Bourn »), par ces accélérations fumeuses qui fulminent et culminent à un niveau de BPM très respectable (« Mind Leash »), par ces stridences qui vrillent les tympans sur fond de plan bizarroïde à la CONVERGE (« Abrasion »), et au final, on se demande raisonnablement si Liberation From A Brutalist Existence ne serait pas le Jane Doe de la nouvelle école. Compliment usurpé ? Peut-être, mais les deux œuvres partagent bien des points communs, cette narration peu linéaire qui nous fait sauter d’une humeur massacrante à une réaction épidermique, ces à-coups qu’on subit la colonne vertébrale en avant, et ces soudaines montées en puissance qui font trembler les sens (« Bloom »).
Epais, efficace, concis et pertinent, vénéneux, venimeux, véhément, voilà comment résumer l’entreprise sans trop rentrer dans les détails. Distorsion excessive, chant cryptique, harmonies acides comme le cœur d’un homme, et final qui suggère une fascination pour la scène Post-Core new-yorkaise des années 80, et le Death à l’américaine des années 90, mais le plus underground possible (« Contented »). Ni l’un, ni l’autre, mais les trois à la fois, WANDERER impose sa patte, et déambule dans les rues les plus louches de la mémoire extrême, les mains dans les poches, mais le regard fixe et sévère.
Morbide, violent, mais délicieux pour les esprits les plus dérangés.
Titres de l’album:
01. Marionette
02. Mind Leash
03. Abrasion
04. Bloom
05. Decay
06. Hellhole
07. Simone
08. Frost Cage
09. Bourn
10. Contented
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