« Le réveil triomphant d’un des secrets les mieux gardés de Californie ».
C’est avec cette accroche pétrie de certitudes que Sentient Ruin présente ses poulains américains de LEUCOSIS, et le moins que l’on puisse dire, c’est que la confiance ne les aveugle pas forcément. On connaît ce label pour le choix drastique de ses productions, qui ne taille que dans les chairs les plus tendres de l’extrême…Une fois encore, ils ne nous ont pas trompé sur la marchandise, et si LEUCOSIS reste encore un secret bien trop gardé pour que les néophytes n’en captent les échos, gageons que Liminal fera suffisamment de bruit au sens propre et figuré pour leur en dévoiler quelques bribes.
Venu de Santa Cruz, ce duo (Jacob – batterie, et Jeff – guitare/chant) s’est formé en 2009, en mettant fin à l’aventure précédente GAZE, et en présentant le résultat de ses premiers travaux dès 2010, avec leur EP initial Movements To Breathe, au titre étrangement prédestiné. Si les deux hommes évoluent en terrain BM assez convenu, il est clair que leur musique est loin d’être inamovible et embourbée dans les tranchées habituelles. Constituée de mouvements abrupts, ou au contraire fluides, cette approche s’est perfectionnée sur les longue- durée successifs, de Pulling Down The Sky en 2011 à Leucosis en 2013, puis en format court avec III, leur second EP publié il y a quatre ans.
Depuis, le néant, le silence, et une soudaine réactivation pour ce nouvel effort à mi-chemin entre deux formats, pour trente minutes de Metal noir et incandescent, qui réserve bien plus de surprises que son appellation générique ne le laisse entendre.
Liminal, liminaire, seuil de la perception, pour un album qui en effet risque de stimuler la vôtre, sans agir d’une façon subliminale, quoique les accords glaciaux de ces cinq nouveaux morceaux seraient à même de peupler vos cauchemars les plus sombres. On y retrouve la patte des deux californiens, qui n’ont en rien renoncé à leur art de détourner des codes primaux, pour les sublimer d’une touche de Post assez peu appuyée, mais tangible. On la retrouve sur les deux interludes coupant l’œuvre en trois parties, intermèdes brefs et mélodiques, d’une pureté saisissante, ou d’une troublante opacité, qui permettent de reprendre notre souffle avant les épiques batailles menées contre la médiocrité instrumentale ambiante. Violence sourde ou avouée, atmosphères morbides, déliquescentes, transcendantes, écrasantes, telles sont les composantes d’un troisième LP qui ne ménage guère ses efforts pour nous séduire. On se retrouve confronté à un BM à mi-chemin entre traditionalisme et envie d’évolution, qui sans stagner entre deux eaux, propose un contre-courant assez intéressant. Sans aller se frotter aux déformations très en vogue à l’heure actuelle, Jacob et Jeff n’en renient pas pour autant le temps qui passe et qui transforme les influences en références digérées, et confrontent les ténèbres d’un MARDUK de milieu de carrière à un DEATHSPELL OMEGA tempéré de ses ardeurs les plus déconstruites. Les blasts laissent souvent place à des accalmies presque apaisantes, tandis que le chant d’outre-tombe de Jacob fait le lien avec la décade bénie des 90’s que personne n’a oublié, et surtout pas les fans de Legion ou DISSECTION.
Trois « gros » morceaux donc, et l’adjectif n’est pas anodin, puisque le segment le plus court dépasse quand même les sept minutes, sans qu’aucun ne manque d’inspiration. Le premier et le plus ambitieux en termes de durée, « Bereft », propose après une très courte intro une plongée dans les enfers personnels d’un BM cru et très sec, qui se place sous des auspices de brutalité incarnée, suggérant même des accointances avec le MARDUK des dernières années. On y sent le souffle putride des cotes nordiques jusque dans les accents d’une guitare qui geint ses notes plus qu’elle ne les joue, mais les interruptions rythmiques éphémères nous guident sur les pas d’une recherche d’originalité, qui se retrouve aussi dans l’utilisation de chœurs diaboliques, et d’arrangements en surcouches de mélodies maladives.
Quatre minutes de course haletante avant de sombrer dans les affres d’un break dissonant, qui joue l’ambivalence d’un feedback saturé de gravité, pour une chute vertigineuse et lourde qui vous fracasse les cervicales. Le travail fantastique de Jacob au kit est accentué par une production qui refuse d’abandonner l’écho pour une aridité de frappe, et qui laisse la guitare agoniser sous les coups d’une grosse caisse et de toms à la portée assez conséquente. Et si les arpèges se repaissent d’harmonies sommes toutes assez classiques, elles sont si bien intégrées à l’ensemble que l’on pourrait envisager le projet sous un jour progressif, si les ambitions n’étaient si clairement marquée par une franchise de violence.
« Saturnal » suit la même voie, en accentuant même la pesanteur de pas, pour une perdition totale de la conscience dans une réalité alternative, qui confronte les traumas de MAYHEM aux thérapies de choc d’une batterie qui a fait fructifier les enseignements tentaculaires du légendaire Hellhammer. Retour aux blasts, pour une nouvelle progression marquante et riche, qui n’hésite pas à tirer profit d’un legs norvégien décidément inépuisable…
Mais alors qu’on pense avoir saisi l’essence même du projet, « Manifest » dresse le sien, et le bilan d’un disque qui décidément, résume à merveille le parcours d’un groupe. Avec une intro de longues minutes qui se dessine par touches lentes, cette conclusion pousse les débats encore plus loin, et se pose même en synthèse du BM moderne qui n’a pas honte de ses origines, et qui se contente de progresser sans rien renier. La virulence est toujours aussi frappante, et la communion entre une guitare volubile et une batterie inventive atteint son apogée de fusion, lors d’un long final ou la voix se désincarne pour atteindre une sorte de stade supérieur d’expression. Liminal, subliminal, la frontière est ténue, et il est possible que ce troisième album ait des effets inattendus sur votre mental, au point de le persuader que le BM traditionnel a encore de très sombres nuits devant lui.
Je ne sais pas si les LEUCOSIS sont véritablement un des secrets les mieux gardés de Californie, mais ils en représentent une sorte d’élite. Avec une petite demi-heure seulement, le duo nous convainc de son importance, sans forcer son talent. Et de fait, Liminal, l’album, se place dans le peloton de tête des sorties de ce mois de septembre, qu’il a anticipé d’une petite journée…
Titres de l'album:
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
19/11/2024, 21:57
J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
14/11/2024, 09:20
J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
11/11/2024, 16:15