The man you love to hate.
Fred Durst est certainement le musicien le plus détesté de sa génération, et le pire, c’est qu’il a tout fait pour l’être. Une sorte de baudruche dramatiquement sublime, une piñata d’anniversaire qu’on frappe jusqu’à ce que mort s’ensuive, et de laquelle giclent des tonnes de merde, des calembours foireux et autres perruques bon marché. Ou alors, un génie incompris, sorte de crossover entre Steve O et Lenny Bruce, qui ne contrôle ni sa pensée ni ses déclarations, et qui se mélange un peu les pinceaux dans ses citations. Le pote de loin qu’on craint dès qu’il approche, qui pète velu et qui se marre de l’odeur tout en pinçant le cul de la maîtresse de maison, un Stiffler de pacotille qui n’a jamais usé les bancs de l’école, mais ceux du skate-park où il n’a d’ailleurs jamais excellé. Bref, un pantin au look improbable, un chanteur limité, et un auteur digne du meilleur de Télé Z.
Mais alors, pourquoi s’obstiner à rester sous le feu des projecteurs au risque de s’en prendre un sur la gueule, délibérément qui plus est ? La réponse est simple, et fournie par le principal intéressé lui-même :
Joke’s on you, you missed one clue: we don’t give a fuck, from what I see, you always do
LIMP BIZKIT serait-il la boutade la plus géniale depuis ZIGUE ZIGUE SPOUTNIK ou DEAD OR ALIVE ? Depuis GWAR ou les MONKEES ? Nul ne le saura jamais, et tout ce qu’on sait jusqu’à présent, c’est qu’on avait eu la chance de ne plus entendre parler de l’enfant bâtard de l’Amérique depuis une bonne décennie, et depuis un album somme toute assez moyen au regard des standards Hop, Gold Cobra. Personne ne semblait vraiment triste que Wes et les siens restent dans l’ombre, d’autant que la vague NU est passée depuis longtemps sur la plage, laissant sur le sable des souvenirs plus ou moins agréables de survêtements glitter et autres rimes approximatives. Mais comme Fred n’est pas du genre à faire profil bas bien longtemps, il a annoncé, perruque à l’appui, le retour de sa machine infernale, celle qu’on rollin’ rollin’ jusqu’au bout de la nuit. Et si le BIZKIT n’est plus dégusté à la mode de chez eux depuis longtemps, sa pertinence musicale avait encore un peu d’intérêt, dans une époque rongée par le sérieux des causes perdues.
Ici, pas d’inquiétude à avoir, pas de dénonciation sociale, pas de prise de position, pas de wokisme, juste des textes gentiment crétins, à l’image d’une pochette parfaitement immonde à faire vomir un groupe de Skacore. Encore une fois composé et interprété par le line-up « magique » de l’époque (Fred Durst - chant, John Otto - batterie, Sam Rivers - basse/chœurs, Wes Borland - guitare/chant et DJ Lethal - platines et scratchs), encore une fois produit par le gourou du streetsound épais Ross Robinson, Limp Bizkit Still Sucks prouve immédiatement une chose, inévitable : LIMB BIZKIT craint toujours méchamment, et continue d’explorer les tréfonds inépuisables de la pensée américaine stupida et troisième degré.
We cannot change the past, but can start today to make a better tomorrow
De cette façon Fred et les autres se dédouanent de décennies de ridicule, et assument leur passé comme un fardeau pas si lourd à porter. Après tout, combien de teens ont hurlé « Nookie », combien de musiciens ont conspué la reprise de « Faith », et combien de disques a vendu la créature, frère d’armes du plus sérieux KORN, qu’il essaie d’ailleurs d’imiter sur les premières mesures de « Out Of Style ». Passé de mode, le LIMP l’est depuis longtemps, depuis la catastrophe Results May Vary qui avait signé son arrêt de mort sur la scène, trop heureuse d’enterrer tonton bec de lièvre. Annoncé tardivement, lancé par un Durst en habit de Jackass/BEASTIE BOY, ce huitième album est d’une brièveté étonnante au vu du bagout intarissable de son leader, et représente en quelque sorte une quintessence sublime de tout ce qu’à incarné le groupe depuis ses débuts. Pas si bête, le quintet explore, sinue dans les méandres de son histoire, propose des choses évidentes comme ce tube imparable « Dirty Rotten Bizkit », très proche des hits de la grande époque, et porté par un riff maousse de Borland. La rythmique est toujours en forme, mais les humeurs changent, l’heure est à la démonstration expansive comme à l’introspection, et LIMP nous sert encore chaudes quelques mélodies intimes comme celle berçant près du mur « Empty Hole ».
Pas fous, les loups de la rue commencent leur comeback de la façon la plus rassurante qui soit, en s’inspirant de leurs premières années, et de ce son immédiatement identifiable. Une basse toujours aussi ronde et judicieuse dans les silences, toujours ces glissés de Borland qui annoncent un refrain explosif, toujours ce flow de paysan de Durst qui prend son temps pour poser ses mots pertinents ou non (« Dad Vibes »), toujours cet esprit tongue-in-cheek au son d’un Rap de troisième catégorie strié de fulgurances rythmiques (« Turn It Up, Bitch »), des pastiches assez bien sentis, comme ce démarquage d’OASIS à peine déguisé sur « Don't Change », plus vrai que nature et de quoi rendre Liam ou Noel verts de rage british, ou ce très NIRVANA/Geffen Records « Barnacle », qui tente, réussit presque, mais se fracasse sur les murs du local de répète des BLUR époque « Song #2 ».
Limp Bizkit Still Sucks cherche beaucoup, trouve parfois, amuse, détend, donne parfois envie de bouger dans son salon ou sa chambre d’étudiant, livre des choses étranges aux sonorités tribales comme « Pill Popper » qui pourrait faire se trémousser la génération HAPPY MONDAYS avant de charcler NU dans les grandes largeurs.
Il est donc encore une fois très difficile de ne pas s’enthousiasmer de la prestation de ce bon vieux Fred, qui mâche les bonbons et recrache le Rap par les naseaux (« Snacky Poo », un frère BEASTIE qui aimerait être accepté par la famille, mais qui est trop bête et disgracieux), mais qui finalement, épaulé par Wes et les autres parvient à tenir son rôle de clown improbable de cette génération Y. Limp Bizkit Still Sucks c’est sûr, mais en totale assomption, et sans autre ambition que nous rendre nostalgique de cette époque où tout était encore possible, pour peu qu’on accepte de devenir la tête de turc des puristes.
Mais les puristes, on les emmerde non ?
Titres de l’album:
01. Out Of Style
02. Dirty Rotten Bizkit
03. Dad Vibes
04. Turn It Up, Bitch
05. Don't Change
06. You Bring Out The Worst In Me
07. Love The Hate
08. Barnacle
09. Empty Hole
10. Pill Popper
11. Snacky Poo
12. Goodbye
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