Lion

Nemesis H.p

16/04/2021

Autoproduction

Comme je nage depuis des années dans les vagues de l’océan nostalgique des années 80, les gens pensent que c’est une passion et que j’ai lâché ma bouée pour le plaisir. C’est en partie vrai, mais lorsque les dites vagues menacent de me noyer de leur conformisme, je me rêve allongé sur la grève, sec de la tête aux pieds, et loin de ce naufrage en solitaire. Séparant la bonne houle de la noyade, j’ai toujours mis un point d’honneur à souligner les tempêtes les plus dangereuses, et les simples mouvements anecdotiques tout juste capables de nettoyer la coque d’une vieille barque perdue en pleine mer. Jusqu’à présent, les nostalgiques étaient la plupart du temps des marins américains, suédois, allemands, mais rarement de jeunes loups de mer français. La donne change depuis quelques années, et de la belle ville de Lille nous en vient un solide équipage, au matériel rodé, et à l’envie de pêcher tangible. NEMESIS H.P, et son baptême pour le moins cryptique change donc la donne internationale, et braque le compas sur la France d’en haut. Fondé par Yannis Geenens (ex-BLACK JUJU INC., ex-REIGN OF NIGHT) début 2020, le projet NEMESIS H.P était plus une bouée de sauvetage qu’un réel désir de se pencher sur le passé. Car Yannis l’avoue lui-même, « au départ, la formation ne devait pas exister. Je me suis mis à composer ces morceaux pour passer le temps… ». Confinement et absence de concerts obligent, les musiciens se sont mis à composer dans leur coin pour meubler les longues périodes d’inactivité, et de cette frustration est née Lion, premier album autoproduit.

Secondé dans son entreprise par son propre frère Liam à la guitare, Lucas Richard à la batterie, et notre cher Axel « Heretik » Meuriche à la basse, Yannis a donc laissé parler sa créativité et sa passion pour des eighties qui n’ont de cesse de revivre via l’obsession des musiciens actuels pour sa richesse. On connait le principe de recyclage, qui nous est exposé toutes les semaines par des groupes de moins en moins culottés et de plus en plus balisés, et c’est ainsi que j’abordais cette sortie avec la circonspection qu’elle méritait. Circonspection qui a vite laissé place à l’enthousiasme dès lors qu’Axel m’a permis d’écouter le fruit des réfections de Yannis sous la forme d’un titre clippé, qui lui-même m’a donné envie d’en savoir plus sur ce projet rétrograde. Et en écoutant Lion in extenso, premier album autoproduit du quatuor, j’ai rapidement compris que l’ennui de Yannis s’était transformé en épiphanie musicale.     

Bien sûr, je ne vais pas vous laisser croire que NEMESIS H.P est le groupe que tous les passéistes attendaient comme le messie, mais nous n’en sommes quand même pas loin. Pour une bonne raison, c’est que Yannis a laissé tomber les gimmicks et les copies trop évidentes pour laisser s’exprimer un réel talent de composition, qui a permis d’unir toutes les fragrances de cette décennie en un même élan. Lion parlera donc aux amateurs de Hard ricain des années californiennes, mais aussi aux fans d’un Heavy allemand moins gras du bide que d’ordinaire, tout comme aux afficionados d’un Glam light et sans maquillage. En prenant soin d’aménager des couplets vraiment intelligents menant sur des refrains terriblement accrocheurs, le chanteur/guitariste a touché du doigt la quintessence de l’art vintage, celui qui recycle, mais de façon personnelle. On pense en écoutant cet album aux américains de HAUNT, mais aussi aux classiques de RATT, de WASP, et la présence du français d’adoption Chris Holmes n’a alors rien d’étonnant. Le géant blond est venu agrémenter de son intervention « Wait No More », proto-burner incendié de soli bien torchés, mais ce morceau, aussi attachant soit-il n’est qu’une cerise sur un gâteau déjà sacrément riche et roboratif.

Petit cadeau personnel pour Yannis, mais aussi pour les fans de Chris, « Wait No More » n’est toutefois pas représentatif du reste du répertoire, plus smooth, mais pas commercial ou facile pour autant. Car dès le rugissement de « Lion », on comprend rapidement que notre attention va être agrippée dès les premières mesures, et jusqu’aux dernières. Le combo affiche une cohésion diabolique, et le timbre de voix de Yannis, un peu fluet, assure le lien avec un instrumental solide et performant. Le leader/guitariste/chanteur/compositeur a accompli un travail exemplaire avec ces dix morceaux (dont une reprise), et ne se contente pas d’appliquer à nouveau des astuces déjà largement éprouvées par le temps. On retrouve dans le déroulé des hommages prononcés à la NWOBHM, via le trépidant « You’ve got to Regret », du déhanché à la LOVE/HATE (« Afraid About Me »), de l’urgence Hard comme le Billboard en encaissait entre 86 et 88 (« Spit on the Future »), et en gros, la fougue des SLAUGHTER, SKIDROW, épaissie d’une énergie Heavy des grands maîtres de l’orée de la décennie.

Ne cherchez pas la petit bête, et encore moins le chauvinisme. Je me fous de savoir que les NEMESIS H.P viennent de Lille ou de Porto-Rico, et je ne juge que leur musique. Je vous enjoins à faire la même chose, et si après tout, Stan W Decker s’est chargé de la superbe pochette, ça n’est pas par copinage ou par hasard. Le graphiste a bien senti l’authenticité de l’affaire, et a offert à l’album le packaging qu’il méritait.

Impeccablement produit, avec un son sec (qui néglige un peu la basse tout de même), Lion est donc à l’image du roi de la savane, et montre régulièrement les dents. Lorsque la bête se sent en joie, elle boogise comme à la grande époque de STATUS QUO (« Fire in my Chest »), mais lorsqu’elle traque, elle se cache dans l’ombre d’un Heavy Metal hargneux et franc (« Not Enough (Remedy) »). Ses dompteurs ont même eu l’intelligence de lâcher sa bride le temps d’une reprise de THE CLOVERS, ou d’un final plus émotif que la moyenne, avec déluge de riffs et nappage vocal épicé (« I’ll Be Waiting »).

Loin des facilités, loin des plans piqués pour être réactualisés, NEMESIS H.P est une observation d’un prédateur dans son état naturel, et pas une visite au zoo pour regarder avec tristesse des fauves tourner inlassablement dans leur cage. L’attitude est là, tout comme la passion, et Lion se présente comme un témoignage fidèle d’une foi indéfectible en une musique indémodable, qui parle encore à la majorité d’entre nous. Alors, merci Yannis de t’être autant ennuyé l’année dernière, et je ne suis même pas désolé pour toi, au vu du résultat produit.

          

                                                                                                                                                                                                        

Titres de l’album:

01. Lion

02. You’ve got to Regret

03. Afraid About Me

04. Spit on the Future

05. Don’t Play the Lover For Me

06. Fire in my Chest

07. Not Enough (Remedy)

08. Wait No More (Feat. Chris Holmes)

09. Love Potion N°9 (THE CLOVERS cover)

10. I’ll Be Waiting


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par mortne2001 le 14/04/2021 à 17:40
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