Avant de commencer cette chronique, j’aimerais adresser une requête - plutôt une supplication - à Jim Peterik. Jim, je sais que tu as de la bouteille et que tu en as vu d’autres, mais par pitié, change de look et de coupe de cheveux. Tu ressembles à un mauvais sosie de Geddy Lee déguisé en musicien de PRETTY BOY FLOYD pour un numéro chez feu Michou. Je n’ai rien contre un peu de fantaisie chamarrée, mais là, tu atteints les limites du ridicule, spécialement lorsque tu poses pour des photos promo aux côtés de ton compère Toby Hitchcock, beaucoup plus sobre avec ses cheveux courts et sa veste en cuir. En dehors de ce regrettable aparté un peu triste, fêtons comme il se doit le retour d’une des associations les plus viables des combinaisons intergénérationnelles, et le retour de PRIDE OF LIONS, qui célèbre avec Lion Heart son sixième album depuis sa création en 2003. PRIDE OF LIONS comme tout le monde le sait, est le partenariat tissé entre un guitariste/multi-instrumentiste de génie (Jim Peterik, violet et avec un boa blanc, mais au CV mentionnant des activités de chanteur, compositeur, claviériste, producteur, et les noms de THE IDES OF MARCH, LIFEFORCE, WORLD STAGE, SURVIVOR), et un chanteur au timbre chaud et au feeling éclatant (Toby Hitchcock, POWERHOUSE). Depuis l’orée des années 2000, le duo nous a gratifiés d’albums impeccables, tous voués aux gémonies d’un Rock mélodique légèrement agressif et d’un AOR de très haute volée, tout au long d’une discographie immaculée (Pride of Lions, The Destiny Stone, The Roaring of Dreams, Immortal, Fearless), qui aujourd’hui se voit augmentée d’un nouveau chapitre une fois encore au-dessus de tout soupçon. Evidemment, les réfractaires argueront du fait que les albums du concept se ressemblent tous et ne proposent rien de plus que ce que les cadors des FM eighties proposaient déjà, mais le métier et le talent des deux musiciens font qu’on se laisse prendre au jeu du formalisme, pour apprécier de véritables chansons que le TOTO le plus Hard aurait pu signer durant son âge d’or.
Aucune surprise donc de constater qu’une fois de plus, la qualité est au rendez-vous, et que Jim s’est déchiré pour nous offrir de véritables hits vintage pour un Billboard qui aurait recouvré la mémoire. Toujours impeccablement soutenu par l’un des chanteurs les plus doués de sa génération (souvent comparé d’ailleurs à Bobby Kimball), le guitariste et touche-à-tout a encore puisé dans ses capacités pour composer des chansons dignes du répertoire AOR historique, se montrant tout à tour puissant, nuancé, modulé, tendre, et allusif aux plus grands modèles des années 80, ceux-là même qu’il a côtoyés. Mais après tout, l’homme n’a pas accouché de tubes comme « Eye of the Tiger », « Burning Heart », ou « Heavy Metal » avec Sammy Hagar par hasard, alors comment trouver étonnant que Lion Heart sonne aussi professionnel et attachant, même si depuis quelques années, on sent Jim un peu en roue libre, se rattachant à des astuces éprouvées pour continuer sa carrière. Nul ne reviendra sur le fait que les deux premiers albums du duo sont en quelque sorte le sommet de l’iceberg d’une seconde partie de carrière, et si l’on notait quelques signes d’essoufflement sur Fearless il y a trois ans, l’impression reste la même lorsqu’on aborde le cas de Lion Heart, qui sonne plus ou moins comme une synthèse globale. Certes, la voix impressionnante et gorgée de feeling de Toby permet souvent d’éviter au dernier moment l’écueil de la niaiserie harmonique, lorsque la pression décroit et que les récifs des ballades lacrymales se rapprochent (« Sleeping With A Memory »), mais autant dire que la plupart du temps, les classiques en sont vraiment, mais brillent comme des originaux repris à leur compte par un compositeur qui se contente des figures imposées les plus traditionnelles.
On sait Jim capable du meilleur, et c’est sans doute pour cette raison qu’on ne lui pardonne aucune facilité. Oh bien sûr, nous sommes encore loin d’un accident industriel, et l’illusion est parfaite pour un fan lambda de Rock mélodique qui appréciera à leur juste valeur ces chansons ciselées. Un fan lambda qui se prosternera devant les notes de synthé en intro de « Lion Heart », qui n’est quand même pas la mise en jambes rêvée pour un sixième album, et qui résonne comme une entrée en matière facile et un peu molle du genou. Riff convenu, mélodie rabâchée, mais le talent individuel aidant, les deux hommes parviennent à faire passer ces citations pour des déclarations originales, encore une fois grâce à des refrains irrésistibles, constellés de chœurs efficaces. Heureusement pour nous, certains titres parviennent à faire surnager l’ensemble, spécialement lorsque la guitare se décide à mordre vraiment de toutes ses cordes, mais il y a toujours un détail qui choque, comme ces synthés qui imitent le brio du keyboard cat sur « We Play For Free », qui ressemble comme deux gouttes d’eau à un tube signé Desmond Child pour BON JOVI ou Bonnie TYLER. Alors, on finit par se rabattre sur les allusions les plus nerveuses, pas les plus originales certes, mais assez jumpy pour nous faire oublier les convenances un peu lénifiantes, et « Heart Of The Warrior » d’animer cette première partie d’album avec son humeur joyeuse et son refrain optimiste. Mais il faut aller chercher au fond de l’album de quoi le sauver de cette politesse un peu trop prononcée, lorsque Toby singe les tics vocaux de Jon Bongiovi sur la ballade puissante (« Unfinished Heart »).
A l’opposé du spectre « Flagship » ose enfin s’écarter un peu du droit chemin avec son optique Pop-Rock, et ses cassures presque progressives, tandis que « Give It Away » nous ramène enfin à l’époque bénie des Dieux, friands de ces arrangements de sitcom et de ces harmonies à se pâmer. Et si « Now » en clôture choisit la voie de l’émotion pour refermer ce sixième chapitre, nous évitons quand même l’agitation des mouchoirs sur le quai d’une gare anonyme. En toute honnêteté, je suis bien obligé de reconnaître que Lion Heart reste un excellent disque de Rock mélodique, ce qu’il est assurément, mais je ne peux m’empêcher de penser que la magie s’évapore petit à petit, à force d’user de ficelles un peu trop rongées par le temps. Jim est bien sûr le compositeur rêvé pour ce genre de répertoire, mais on le sait capable d’accomplir des choses plus risquées, et plus stimulantes. Alors, par pitié, Jim, laisse tomber le violet et les fanfreluches, retrouve ton énergie, et ponds nous un album digne de ton nom. Inutile d’insister, tu ne feras jamais partie de PRETTY BOY FLOYD, et ce qui peut t’attendre de mieux avec une dégaine pareille, c’est de finir dans un tribute band à STEEL PANTHER.
Titres de l’album:
01. Lion Heart
02. We Play For Free
03. Heart Of The Warrior
04. Carry Me Back
05. Sleeping With A Memory
06. Good Thing Gone
07. Unfinished Heart
08. Give It Away
09. Flagship
10. Rock & Roll Boomtown
11. You're Not A Prisoner
12. Now
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