Frontiers, encore et toujours. Serafino et ses plans finauds, et une nouvelle fois, l’addition de deux talents individuels au service d’un collectif performant. Toutefois, est-il juste de parler de TOKYO MOTOR FIST comme d’un supergroupe ? La question de pose, et j’envisage la chose plutôt comme un duo fameux, et la collaboration entre deux musiciens talentueux et attachants, tous deux survivants de la vague Hair Metal de la fin des années 80/début des années 90. Pour les étourdis ayant manqué le premier épisode de la saga, TOKYO MOTOR FIST a été fondé par deux figures de la scène US d’il y a trente ans, avec d’un côté le chanteur de DANGER DANGER Ted Poley, et de l’autre le guitariste de TRIXTER Steve Brown, soit deux acteurs essentiels du mouvement Hard Rock mélodique d’antan. Les deux leaders sont secondés par d’autres musiciens au pedigree établi, avec Greg Smith à la basse (Ted NUGENT, RAINBOW, Alice COOPER) et Chuck Burgi à la batterie (RAINBOW, BLUE OYSTER CULT, Joe Lynn TURNER), mais c’est véritablement la longue histoire d’amitié entre Ted et Steve qui incarne l’essence même de ce projet qui ne surprendra personne, encore moins les fans des deux musiciens. Il est évidemment question de Hard Rock californien ici, ce qu’on réalise assez rapidement, mais du meilleur évidemment, ce qui n’a rien d’étonnant non plus au regard du passif des deux têtes pensantes. Et Serafino, trop heureux de voir ses deux poulains collaborer a du se frotter les mains lorsqu’il a découvert le premier et éponyme LP du concept, qui respectait en tout point les règles établies il y a quelques décennies.
II - Lions poursuit donc le travail entrepris sur le premier LP du combo, et propose son lot de chansons souriantes, de mélodies chatoyantes, de rythmiques enlevées et de chœurs enjoués. Composé et écrit par Steve Brown, mixé par Bruno Ravel et masterisé par Maor Applebaum, II - Lions est plus qu’un second album aussi réussi que le premier, il est une ode à l’hédonisme en vogue aux Etats-Unis dans les années 80, et plus particulièrement une symphonie composée en l’honneur des fans de TRIXTER, DANGER DANGER, mais aussi de CHEAP TRICK, DEF LEPPARD, MÖTLEY CRÜE, BON JOVI, WARRANT, et même des BACKYARD BABIES lorsque l’intensité monte d’un cran et que l’instrumental adopte des postures un peu plus punky et pêchues. C’est à ce point troublant qu’on a parfois le sentiment d’écouter un hit inédit de BON JOVI de la période Slippery When Wet, en compagnie de la signature de Phil Collen et Steve Clark, lorsque résonne « Mean It », qui aurait fait un malheur dans le Billboard de 87/88. La recette est évidemment bien connue, des couplets accrocheurs menant sur des refrains fédérateurs, mais la joie de jouer, la perfection des arrangements, l’euphorie des chœurs font qu’on craque sans résister, et une fois encore, le travail de Steve à la composition se montre admirable. Pour un peu, on se croirait sur le trottoir du Sunset à attendre le début d’un concert, entouré de potes aux perfectos immaculés et de charmantes demoiselles aux tenues affriolantes. Mais il n’y a pas de honte à se montrer nostalgique, spécialement lorsque la musique est aussi intelligemment composée, et constituée de souvenirs magiques évoquant une adolescence qui parait moins lointaine le temps d’une chanson. Et le groupe ne s’est pas moqué de nous, puisque même la production semble reproduite à l’identique, et les chansons si heureuses qu’on a l’impression de voir Ted sourire sur l’écran de l’ordinateur. Et en onze morceaux, II - Lions donne une leçon magistrale d’AOR et de Hard Rock mélodique, sans jamais tomber dans les travers putassiers de la séduction old-school forcée.
Et dès les premières secondes en cascade de solo de « Youngblood » dans les oreilles, le voyage peut commencer, et les guides sont des hôtes de première qualité, toujours prompts à vous faire plaisir. Evidemment, le trip est garanti sans danger, avec tous les risques calculés, mais cette sensation de liberté et de joie fait vraiment plaisir à entendre, et nous pouvons contempler le panorama à travers les vitres sans nous poser de questions d’éthique inutiles. Après tout, Ted et Steve connaissent la chanson, et la chantent toujours aussi bien, même si la voix de Poley n’a jamais été de celles qui peuvent rivaliser avec les Steve Perry ou Tony Harnell. Mais en évoquant toutes les nuances d’un Hard Rock souvent moelleux et radiophonique, et parfois plus piquant et homérique, TOKYO MOTOR FIST propose un résumé exhaustif des années Los Angeles, entre mid tempo accrocheur en diable (« Monster In Me ») et party wild à la BACKYARD BABIES (« Around Midnight »). Cependant, la facilité d’exécution n’empêche pas les ambitions, et certains segments plus développés font montre d’un panache certain dans l’agencement, avec en exergue le superbe et évolutif « Lions », qui ose une ambiance plus tamisée sur laquelle la voix de Ted, un peu fragile, fait merveille. C’est du taillé sur mesure, évitant le sirupeux et les gimmicks faciles, et les tubes se succèdent, mettant en valeur le talent intact de Steve Brown, toujours prompt à dégainer des riffs Heavy inspirés de LED ZEP pour se rapprocher d’un BADLANDS ou d’un EXTREME (« Decadence On 10th Street »).
Tout est évidemment bien calibré, et parfait, mais cette perfection n’occulte pas la passion de deux musiciens n’ayant jamais trahi leurs convictions. Qu’attendre d’autre en effet de ces deux hommes qu’un Hard Rock joué avec le cœur, flirtant parfois avec le Rock plus léger (« Dream Your Heart Out »), et s’aventurant avec parcimonie sur le terrain de la sensibilité, le temps d’une ballade plus DEF LEP que nature (« Blow Your Mind ») ? Impeccablement composé et produit, II - Lions est une immersion dans l’océan de souvenirs heureux, lorsque les vagues charriaient toutes les semaines leur lot de sorties enthousiasmantes, et que les héros Hair Metal dominaient le monde de leurs mélodies chatoyantes et de leur envie de mordre dans la vie à pleines dents. On sent le soleil tanner notre peau, on aperçoit les jolies naïades passer sur la plage en bikini blanc et rose (« Sedona »), et on oublie pendant quarante-cinq minutes les soucis d’une époque aussi troublée qu’une photo jaunie. Superbe de bout en bout, ce second album valide l’existence même du concept, et renforce les liens unissant Ted, Steve et nous. Les deux hommes ont même la gentillesse de terminer l’histoire avec un épilogue Heavy en diable, et « Winner Takes All » de se poser en ultime hit d’un disque en étant rempli jusqu’à la pochette. Une sacrée réussite que ce II - Lions, qui en plus d’être une magnifique démonstration de sincérité Hard Rock, incarne aussi un passé pas si lointain, pour peu que votre mémoire ne vous joue pas de tour pendable. Avoir le sourire pendant trois quarts d’heure est une opportunité trop rare pour être refusée. Voici la morale à tirer d’un album qui chasse les nuages au loin pour laisser passer le soleil le plus chaleureux.
Titres de l’album :
01. Youngblood
02. Monster In Me
03. Around Midnight
04. Mean It
05. Lions
06. Decadence On 10th Street
07. Dream Your Heart Out
08. Blow Your Mind
09. Sedona
10. Look Into Me
11. Winner Takes All
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