Après avoir secoué l’underground il y a deux ans avec Heavy Yoke, le complot international AZUSA n’avait pas la tâche facile. On pourrait croire que l’étape de prise de connaissance est la plus complexe, mais c’est certainement le processus de confirmation qui l’est. Séduire de son étrangeté au premier rendez-vous n’est pas chose ardue, mais persuader le public du bienfondé de votre excentrisme n’est pas donné à tout le monde, spécialement lorsque les fans conquis vous ont accordé leur confiance. Alors, deux ans après avoir encaissé cette claque initiale, deux ans après s’être perdu en conjectures, à se gratter la tête pour essayer de savoir quelle direction les musiciens allaient emprunter, la réponse est là, sous nos oreilles. Une fois de plus prodiguée par les norvégiens d’Indie Recordings, certainement trop heureux de s’y obliger. Retrouvons donc la bande au grand complet, qui après mure réflexion, dure composition et choix artistique nous en revient avec un questionnement à la Jour sans Fin, et une boucle du passé dont on souhaite ardemment s’extirper à certaines époques de notre vie. Loop of Yesterdays bien que lardé de similitudes, n’est pas Heavy Yoke, il n’en a pas le choc initial, il n’en a pas la surprise, et ne pouvait pas tabler sur l’effet d’étonnement, son prédécesseur ayant déjà trop balisé le terrain pour ça. Et la question était de savoir comment le collectif international allait s’y prendre sans pouvoir tabler sur cet effet de manche, ne pouvant se reposer que sur ses qualités propres pour séduire l’auditeur avide de sensations inédites. Et après quelques écoutes de ce sophomore, les inquiétudes laissent la place à une satisfaction dépassant le simple cadre du soulagement. Loop of Yesterdays est d’une qualité égale, parfois supérieure, plus varié, plus affirmé et plus posé à la fois, et se hisse au niveau d’un successeur/ascendant, résultat qu’il n’a pas atteint par hasard et sans réfléchir. Car aussi talentueux soient-ils, les musiciens qui composent le groupe n’en sont pas nés de la dernière pluie, et on bien relu leur copie.
L’équation du line-up étant la même (Liam Wilson des DILLINGER ESCAPE PLAN à la basse, mais aussi Christer Espevoll (guitare) et David Husvik (batterie) d'EXTOL, et Eleni Zafiriadou (chant), des SEA + AIR), la seule inconnue restait la direction artistique de l’album, qui se devait de proposer le même éclectisme extrême de son illustre aîné. Après écoute superficielle de quelques morceaux, la variable s’imposait d’elle-même, et évitait le piège en boucle de son titre. Avec des textes focalisés sur la prise d’âge et de maturité, le deuil, la perte, les souvenirs et tout autre thème lié à l’humain. Du baptême de ce second LP, Eleni nous avoue un rêve qu’elle a fait, lié à ce vers qu’elle utilise, « cannot lose myself in a loop of yesterdays ». Une Eleni qui s’est perdue elle-même, et qui pour revenir à la réalité du présent a dû se prendre en main. L’aide précieuse de ses collaborateurs lui a permis de puiser en elle-même les mots nécessaires pour expliquer sa démarche, et l’amplitude stylistique de Loop of Yesterdays prouve que la combinaison des quatre talents différents fonctionne toujours aussi bien. Techniquement, le disque a été une fois de plus élaboré par les deux frères siamois EXTOL, avec un enregistrement aux Hawk studios d’Oslo, fief de David Husvik, et un mastering peaufiné par les deux hommes. Les sessions se sont d’ailleurs étalées sur deux ans, commençant alors que le premier LP sortait à peine du pressage, et avec un coup de pouce de Nick Terry (SERENA MANEESH, KVELERTAK, TURBONEGRO) au mixage, et un mastering peaufiné par Jens Bogren (OPETH, AT THE GATES, BETWEEN THE BURIED AND ME), Loop of Yesterdays possède cette patine unique, un peu floue, un peu jaunie, un peu plurielle dans la cire qui permet aux morceaux les plus crus de sonner très sec, et aux titres les plus expérimentaux et évanescents de s’échapper d’un rêve.
Une fois encore, l’ambiance a donc été travaillée à l’extrême, ce qui a permis aux musiciens/artistes de taper tous azimuts. Entre les inserts éclair d’une violence inouïe, les titres atmosphériques plus élaborés, et les surprises en entre-deux, ce second chapitre surprend de sa lucidité et de son culot. Toujours aussi à cheval entre les genres qu’ils ont pratiqué/pratiquent, ces représentants de la première ligne extrême internationale ont eu un vaste choix pour que la magie opère encore, optant pour une attaque franche et massive. D’ailleurs, avec son titre en clin d ‘œil, « Memories of an Old Emotion » semble opter pour la double référence, avec en premier lieu un clin d’œil au premier album, et en second une allusion absolument pas déguisée à la thématique de cette fameuse boucle qu’évoque Eleni dans ses textes. D’ailleurs, le sentiment exposé par la chanteuse prend forme au travers d’un morceau en dualité, reposant d’un côté sur l’un des riffs les plus denses du répertoire du groupe, et de l’autre sur une mélodie désincarnée symptomatique de la scène Pop alternative des années 90. En gommant l’aspect le plus rude et en utilisant des ficelles Pop et Rock, « One Too Many Times » reprend peu ou prou le même schéma que Heavy Yoke exposait. On reconnaît évidemment la signature des membres d’EXTOL, et leur façon totalement nordique de traiter le Thrash non comme un simple exutoire, mais comme un art à part entière. Les instruments semblent tous en place, et s’imposent avec logique, pourtant le tout exhale d’un parfum irréel, comme une boite à musique étrange, ou une station de radio mal calée entre deux émissions contraires, et le particularisme du groupe n’a donc pas laissé la place à un consensus de surface, ce qui est extrêmement rassurant.
Entre les deux chapitres n’existe pas une distance infranchissable. Ils semblent parfois reliés par une corde assez grossière (« Detach »), ou un thème conducteur remarquable (« Seven Demons Mary »). Mais ce qu’on apprécie surtout sur ce deuxième longue-durée, c’est cette capacité renouvelée à surprendre et mélanger les genres sans sonner « forcé », sans que l’originalité soit constamment convoquée, mais plus suggérée. Et si « Loop of Yesterdays » retrouve l’évanescence de la Folk nordique puriste des années 70, « Kill / Destroy » contrebalance avec son ambiance de Thrash/Hardcore, qui scelle l’union entre les EXTOL et l’ex-DILLINGER ESCAPE PLAN. Rien de foncièrement surprenant de la part de ces gars-là, mais toujours cette symbiose entre des artistes d’horizons différents, qui ne souhaitent pas plus aujourd’hui être classés qu’hier, et qui avancent, à leur rythme, pour peut-être accoucher d’un style unique (« Golden Words »), propre à leur démarche, en acceptant l’influence de décades s’étant écoulées avant leur existence. Ayant eu la chance de disséquer Heavy Yoke et d’interviewer les membres du groupe à l’occasion de sa sortie, je n’ai rien trouvé de fondamentalement surprenant sur Loop of Yesterdays. La qualité de l’album lui-même ne m’a guère déstabilisé, car j’avais totale confiance en ces musiciens toujours capables d’assurer même là où on les attend forcément. Ce second volet ne m’a donc ni rassuré (je n’étais pas inquiet), ni déséquilibré, mais j’en ai apprécié les nouvelles tendances (« Monument » et son PIXIES style revu et corrigé MY RUIN), et la densité générale. Un disque qui ne risque pas de vous piéger dans une boucle d’ennui, tant sa créativité évite toute redondance.
Titres de l’album :
01. Memories of an Old Emotion
02. One Too Many Times
03. Detach
04. Seven Demons Mary
05. Support Becomes Resistance
06. Monument
07. Loop of Yesterdays
08. Rapture Boy
09. Skull Chamber
10. Kill / Destroy
11. Golden Words
12. Ritual Aching
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