On a eu le post-colonialisme, le post-humanisme, la société post-industrielle, le post-keynésianisme, la post-modernité, le post-existentialisme…Alors, pourquoi pas le Post Black Metal ? Le préfixe « post » désignant un concept succédant à un autre, il n’y a rien d’illogique à son existence et son utilisation en musique…Le Post Punk par exemple, qui viendrait remettre en cause sa validité et son existence ? Encore faut-il déterminer de quoi il s’agit sous peine de pouvoir y caser à peu près ce qu’on veut…Alors, Post BM, qu’est-ce, en quoi cela consiste-t-il, et est-ce viable artistiquement parlant ? Bien sûr, à condition de respecter les codes, en précisant si tel ou tel sous-courant/sous-genre s’y affilie. Le Blackgaze par exemple, est-il encore du Post BM ? Selon les critères édictés oui, mais comme tous les mouvements Post finissent par avoir leur propre appellation, la tâche s’avère compliquée. Tiens, par exemple, dans quel créneau ranger les russes de HVØSCH ? Post BM pur et dur, Blackgaze ? Post Hardcore à tendance Black ? Vous conviendrez dès lors que tout ça devient un peu ridicule, et qu’il vaut mieux parfois se contenter d’appellations génériques et de parler de musique, tout simplement. Celle de ces originaires de Saint-Pétersbourg est riche, dense, complexe, fouillée et léchée, sophistiquée mais brute, et saura satisfaire tous les fans d’émotions fortes dérivées du Black Metal le plus froid du nouveau siècle. Se targuant d’un premier longue-durée publié en 2016 (Thornsmoat), ce quintet assoit donc sa réputation naissante avec un second LP, pas forcément plus généreux que le premier. Car si Thornsmoat arrêtait sa course juste au-dessous de la demi-heure, Lovelorn perd une minute de plus, et n’offre que quatre pistes, là où son prédécesseur en lâchait timidement deux. Un peu pingres nos amis de l’Est ? Oui, et c’est fort dommage, puisqu’on sent que leur inspiration aurait pu les mener bien plus loin, et surtout, plus longtemps.
Denis Samuylenkov, Eduard Gorkh, Andrey Kochulin, Timur Barsukov et Georgiy Oblanskiy nous proposent donc une digression intéressante, à cheval entre un Black vraiment véhément, et des tonalités Shoegaze subtilement diluées pour ne pas nuire à la puissance d’ensemble. Sans vraiment citer d’influences, les russes se placent dans la directe lignée de références comme REGARDE LES HOMMES TOMBER, DEAFHEAVEN ou PARAMNESIA, bien que chacun de ces noms ne soit pas totalement pertinent pour décrire Lovelorn. En quatre morceaux seulement, les cinq musiciens tissent un univers sonore cohérent, à base d’alternance entre des sections d’une brutalité froide et des inserts mélodiques plus apaisés, mais pas forcément plus avenants. En effet, leur utilisation de la mélodie n’entraîne pas d’adoucissement, et tout respire la claustrophobie et le malaise, comme en témoigne l’ouverture franche de « Kenoma ». D’emblée, le son énorme prend à la gorge, notamment cette basse suramplifiée et grasse comme un glaviot matinal, qui semble se rappeler des malaises provoqués par Dave Edwardson de NEUROSIS, dont le groupe reprend d’ailleurs quelques formules. La recette de base, fidèle aux codes du Post Black superpose des blasts intempestifs à des riffs plus aérés, le tout dégageant un fort parfum post apocalyptique. Faisant preuve d’un flair certain pour varier les approches, le groupe n’en garde pas moins le cap sur un seul et unique objectif, nous faire nous sentir mal, dans un monde inconfortable, comme assis sur une chaise mal moulée pour contempler la désolation ambiante. Et en parlant de NEUROSIS, « To Ananke » n’est pas sans rappeler sur son intro des albums comme Enemy of the Sun, avec cette lourdeur qui évite le Sludge et le Doom pour mieux se rapprocher d’une mélancolie résignée, et réellement pesante. Mais évidemment, le ton change rapidement, pour oser mixer le BM nordique des origines au Post du nouveau siècle, dans un ballet de violence assez étourdissant.
Rien sous la barre des six minutes, ce qui pourra rebuter les plus frileux mais rassurez-vous, les idées ne manquent pas. HVØSCH sait en effet aménager des intros qui glacent l’ambiance, et parvient toujours à mélanger ses plans pour éviter qu’ils ne se répètent dans un schéma un peu trop prévisible. C’est ce que l’on comprend dès les premières secondes de « Our Sole Refuge », le titre le plus long de la fournée, qui prend son temps pour placer ses pions, et se souvenir des moments les plus dramatiques de TENGIL. C’est d’ailleurs sur ce titre que les russes font étalage de toutes leurs capacités, la chanson étant bâtie comme un crescendo de violence, avec toujours en adjonction ponctuelle, des guitares au son clair, un chant écorché qui s’époumone au lointain, puis des percussions appuyant le tempo, des riffs qui s’épaississent et s’assombrissent, et ces blasts qui finissent par déchirer la moiteur ambiante pour offrir un final en mantra hypnotique. On connaît certes cette philosophie, déjà prônée par de nombreux groupes, mais elle est ici portée à sa perfection la plus absolue. Il n’est tout de même pas interdit de souligner quelques redites, ce qui n’est pas forcément bon signe sur un format aussi court, mais le quintet parvient toujours à trouver une idée pour dynamiser son formalisme, comme cette basse concentrique et centrifuge sur « Pleroma » qui permet d’éviter la paraphrase maladroite. Avec un chant qui ne module jamais ses litanies, mais qui s’autorise parfois des hurlements à glacer le sang, une production exemplaire qui ne lèse personne, un batteur au rendement hallucinant, et des guitaristes assumant leur alternance perpétuelle et leurs citations classiques, Lovelorn frappe les consciences, et profite de son format raisonnable pour laisser une excellente impression. Post ou pas d’ailleurs.
Titres de l’album :
01. Kenoma
02. To Ananke
03. Our Sole Refuge
04. Pleroma
Haaaa le Rock est tout sauf négociable !! Merci pour cette belle critique.Chazz (2Sisters)
17/01/2025, 22:44
Non putain ça fait chier ! Je m'en fout de revoir Rob derrière le micro de mon groupe préféré d'amour !
17/01/2025, 17:03
J'ai cru comprendre que Zetro se retirait pour problème de santé.J'espère que ça ira pour lui.En tout cas avec Dukes sur scène, ça va envoyer le pâte.
16/01/2025, 18:21
Super nouvelle pour moi, le chant de Zetro m'est difficilement supportable. Celui de Dukes n'a rien d'extraordinaire mais il colle assez bien à la musique et le gars assure sur scène.
16/01/2025, 12:15
Eh beh... Étonné par ce changement de line-up. Vu comment Exo était en forme sur scène ces dernières années avec Souza ! Mais bon, Dukes (re)tiendra la barque sans soucis aussi.
16/01/2025, 10:22
Super. L'album devrait être à la hauteur. Beaucoup de superbes sorties sont à venir ce 1er semestre 2025. P.S. : le site metalnews devrait passer en mode https (internet & connexion sécurisé(e)s) car certains navigateurs le reconnaisent comme(...)
15/01/2025, 12:58
Je viens de tomber dessus, grosse baffe dans la gueule, et c'est français en plus!Un disque à réécouter plusieurs fois car très riche, j'ai hâte de pouvoir les voir en concert en espérant une tournée pour cet album assez incr(...)
14/01/2025, 09:27
Capsf1team + 1.Je dirai même plus : Mettre cela directement sur la bandeau vertical de droite qui propose toutes les chroniques. En gros faire comme pour les news quoi : Nom du groupe, titre de l'album et entre parenthèse style + nationalité.
13/01/2025, 08:36
Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête.
13/01/2025, 07:59
Capsf1team : tu voudrais que l'on indique cela où exactement ? Dans l'entête des chroniques ? En début de chronique ?Aujourd'hui le style apparait dans les étiquettes que l'on met aux articles, mais peut-être que ça ne se voit pas d&(...)
12/01/2025, 17:38
Poh poh poh poh... ... ...Tout le monde ici à l'habitude de te remercier pour la somme de taf fournie mortne2001, mais là... Là, on peut dire que tu t'es surpassé.Improbable cette énumération.Et le pire, c'est qu'a(...)
12/01/2025, 14:27
Jus de cadavre, putain mais merci pour la découverte Pneuma Hagion. C'est excellent! Du death qui t'envoie direct brûler en enfer.
11/01/2025, 12:16
Merci pour tout le travail accompli et ce top fort plaisant à lire tous les ans. Moi aussi je vieilli et impossible de suivre le raz de marée des nouvelles sorties quotidiennes... Suggestion peut-être à propos des chroniques, est-ce que l'on ne pourrait pas indique(...)
10/01/2025, 09:12
J'aurais pu citer les Brodequin et Benighted que j'avais bien remarqués en début d'année, aussi, mais il faut choisir... Quant au Falling in Reverse, cette pochette ressemble trop à une vieille photo de J-J Goldman dans les années 80, je ne peux p(...)
09/01/2025, 19:49