Macabre Melodies

Wombripper

26/10/2020

Memento Mori

Il y a deux ans, je m’enthousiasmais en ces colonnes pour le premier album d’une bande de russes mal embouchés, qui avec leur From the Depths of Flesh nous fauchaient en pleine course de leur Death Metal rétrograde et savoureux. Je louais les qualités de ces barbares venus de Nizhny Novgorod et leur capacité à recréer les sonorités scandinaves des années 90, alors même que soixante pour cent ou plus des combos nostalgiques s’abreuvaient à la même fontaine. Mais il y avait quelque chose de différent dans l’approche des WOMBRIPPER, une puissance accrue, une rage presque palpable qui excusait bien des emprunts, d’autant que ces dits emprunts venus du froid étaient habilement combinés à une sauvagerie de l’est, qui donnait en fin de compte le mélange le plus explosif de la scène. Deux ans plus tard, les russes n’ont pas changé leur pelle d’épaule, mais sont aujourd’hui épaulés par la référence espagnole Memento Mori, ce qui en dit long sur leur rayonnement obscur dans l’underground. Et il n’est guère étonnant de constater que le label ibère se soit jeté sur ce groupe talentueux, puisque ce second chapitre de la saga se montre en tout point supérieur à son aîné, en terme de brutalité maîtrisée, mais aussi en termes de groove, manipulé comme à la parade. Bénéficiant d’une production gigantesque qu’on penserait issue des fameux studios Sunlight de Stockholm, Macabre Melodies réussit la gageure de réunir en un même creuset d’inspiration les deux écoles de pensée suédoises, la première vague ENTOMBED et la seconde AT THE GATES, pour produire une boucherie sans nom qui découpe les côtelettes avec précision et amour du travail bien fait. 

La caractéristique de ce groupe unique est de pouvoir synthétiser tous les courants Death de la fin des années 80 à l’orée des années 2000, sans donner le sentiment de plagier qui que ce soit. En écoutant un morceau aussi efficace que « Obscurity Depths », on se rend rapidement compte que les WOMBRIPPER sont de véritables amoureux du genre, et qu’ils le respectent par-dessus tout. Basse énorme à l’anglaise, phrasé vocal précis et impitoyable, riffs qui creusent la terre stérile pour y trouver leur inspiration la plus morbide, et cohésion globale qui le confine à l’apprivoisement d’un chaos total. La sensation de folie ressentie à l’écoute de leur premier LP n’était donc ni un accident ni un coup de chance, les trois musiciens (Dan Kuskov - guitare/chant, Konstantin Korolev - basse et A.V. Petrov - batterie) possédant visiblement le secret de la science exacte, poussant le bouchon le plus loin possible pour proposer dans les faits le meilleur Crossover CARCASS/AT THE GATES/ENTOMBED d’un marché pourtant saturé. Ils creusent donc la distance qui les sépare de leurs concurrents, en osant ce que beaucoup n’osent pas. Accélérer la machine à outrance pour jouer avec les limites de vitesse, et flirter avec le bruit le plus absolu, comme en témoigne l’enragé « Shredded Corpse Remains », parfois à une ou deux croches d’un Grind/Crust complètement affolé. Certes, aller à fond et jouer la carte de l’extrême n’est jamais un gage de qualité, mais les trois russes soulignent cette fuite en avant d’une incroyable dextérité instrumentale. Jamais nous n’avons l’impression de nager dans un charnier à devoir avaler des tripes et autres restes humains putréfiés, et le calibrage des morceaux de Macabre Melodies reste d’une précision incroyable.

Utilisant toujours la mélodie à bon escient, non pour alléger la bestialité mais pour la rendre encore plus malsaine, rois de l’interlude à la SLAYER qui plonge dans le marasme (« Macabre Void », une minute et quelques de « Raining Blood » plus vraie que l’enfer), maîtres dans l’art du contrepied qui vous entraîne dans les sables mouvants d’un Death aussi Heavy qu’un enterrement à la sauvette (« Devastation Into Waste »), WOMBRIPPER domine son sujet de la tête et des épaules, et incarne en quelque sorte la quintessence du mouvement Death nostalgique pertinent et efficace. Conscients de ne rien révolutionner, les russes jouent crânement leur carte et alignent leurs atouts, nous forçant sans effort à plier le genou face à cette puissance dévastatrice qui anime les sillons de Macabre Melodies. Et alors que la première moitié de l’album ne donne ni dans le romantisme ni la complaisance, la seconde aggrave encore la situation, le groupe laissant son batteur manipuler les BPM comme bon lui semble pour atteindre une vitesse de croisière déraisonnable. Les morceaux s’enchaînent et donnent le tournis, refusant le moindre compromis pour atteindre une intensité rarement constatée sur la scène actuelle. Le paroxysme est ainsi atteint par la boucherie intégrale de « Already Dead », petite tranche de mort d’à peine trois minutes, mais faisant autant de dégâts qu’une discographie complète.

Je suis heureux de constater que mon impression de départ se confirme aujourd’hui, et couronne les russes rois d’un Death traditionnel, mais corrosif comme la pourriture sur un corps fraîchement enterré. Mais pour faire honneur à un titre plaçant le mot « mélodie » en avant, le trio n’hésite donc pas à avoir recours à quelques intros plus sereines et pures, avant de nous découper comme des maniaques. Même en traitant régulièrement du cas de la scène Death passéiste, je n’ai jamais entendu une telle sauvagerie dans le rendu, et jamais constaté une telle rage chez des musiciens passant pourtant après une kyrielle de légendes. Et « Church Of Repulsion » de passer encore une fois en revue toutes les composantes les plus macabres d’un style fondamental, accélérant comme des fous avant d’écraser le frein pour nous concasser les cervicales. Les soli, très CARCASS période Amott, s’accompagnent parfois d’harmonies de basse bien senties, qui en disent plus long qu’il n’y parait sur le calibre de ces trois malades. Et comme un album d’anthologie se doit de terminer dans la grandiloquence la plus avouée, Macabre Melodies nous offre une clôture à la démesure de son contenu, avec le long, épique et maladif « Fractures » qui pendant sept minutes appuie là où ça fait le plus mal. A la limite du Doom, ce dernier titre est la preuve que les WOMBRIPPER sont vraiment des brutes épaisses intelligentes et sadiques, utilisant toutes les armes à leur disposition pour nous faire souffrir et nous mettre mal à l’aise. Mais c’est pourtant l’inverse qui se produit, et l’écoute de ce second album laisse galvanisé, et prêt à prendre sa pelle pour aller enterrer un pauvre quidam innocent passant par là. 

Seconde réussite à accrocher au tableau d’horreur des russes, et la confirmation qu’ils sont aujourd’hui des leaders en puissance. Mais le genre de leader qui ne fait rien dans la demi-mesure. Bien au contraire.            

                                                                                               

Titres de l’album:

01. Possessed By Unknown

02. Join Undead

03. Obscurity Depths

04. Shredded Corpse Remains

05. Wicked Breed

06. Macabre Void

07. Devastation Into Waste

08. Already Dead

09. Church Of Repulsion

10. Fractures


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par mortne2001 le 15/12/2020 à 14:15
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