Une affaire bien étrange que ce second long des chiliens de D1STRAUGHT…A plusieurs niveaux d’ailleurs, puisque huit ans après son premier méfait, le quintet se contente de huit morceaux, dont deux anciens réaménagés, mais aussi parce que son style, à cheval sur plusieurs tendances pourra rendre confus les esprits les plus clairs. Purement Thrash dans les faits, ce combo de Santiago du Chili a connu une carrière en dents de scie, l’entamant au bout de deux ans par une démo avant de lâcher Money Equal Death, son premier LP à peine un an plus tard. Depuis, pas grand-chose, quelques singles lâchés à quelques années de différence, et une disparition régulière des radars assez bizarre…
Pourtant, la musique de D1STRAUGHT, loin d’être anecdotique, nous propose de construire un pont entre les époques et les approches, empruntant à TESTAMENT de quoi rendre à SLAYER et METALLICA, tout en caressant le radicalisme en vogue en Allemagne, amoindri d’une fluidité qu’EXODUS et DEATH ANGEL n’auraient pas reniée. De l’efficacité donc, mais surtout, de l’ambition, dans la multiplication des riffs, dans la beauté précise des soli, et de la recherche d’atmosphères.
« Majestic Twelve », déjà proposé il y a six ans se découvre donc sous un jour nouveau, plus efficace, plus musclé, et plus clair dans sa production. Archétype de thrash song évolutive et complexe, ce morceau d’entame démontre illico que les musiciens en ont sous le coude, et qu’ils connaissent leur bréviaire Thrash par cœur. Comme beaucoup d’homologues contemporains nostalgiques d’un temps ancien, les chiliens manipulent donc la brutalité avec beaucoup d’efficience, ne refusant pas à l’occasion de durcir le ton pour titiller un Death/Thrash assez costaud. Mais même ces crises s’accompagnent d’un agencement étrange, « Perpetual Life » brisant le miroir assez rapidement pour renvoyer un autre reflet, plus médium, mais tout aussi puissant.
Savoureux, riche et roboratif, constellé de plans biscornus et de cassures de rythme velues, Majestic Twelve est une sorte de hold-up de la conscience par cinq musiciens bien préparés (Juan Fuentes - basse, Christopher - guitare, Anibal - chant, Leonardo - batterie et Héctor Guzmán (guitare)), et un melting-pot incandescent de toutes les tendances Thrash de ces trente dernières années. Le chant en espagnol, rageur, permet d’apporter un peu d’exotisme à ces exactions techniques dignes des meilleurs chefs d’orchestre (WATCHTOWER, SADUS, LIFE CYCLES), et « Bajo Control » de nous évoquer un CORONER après une cure de vitamines, se frottant aux esquisses les plus denses du Techno-Thrash ricain.
Efficacité, vélocité, fluidité, changements de tempo, guitares en perpétuelle mutation, section rythmique inattaquable, chœurs à l’allemande, tout est précis, mais aussi terriblement sauvage. Cet album, assez lambda au prime abord se révèle d’une richesse incroyable, et dévoile les contours d’une philosophie moins old-school que la moyenne. En prenant le meilleur de chaque légende, D1STRAUGHT opère comme un docteur Frankenstein encore plus fou que l’original, et donne naissance à une créature hybride, à priori sans faiblesses, mais encore un peu gauche dans sa démonstration de puissance.
Le ventre de l’album, concentré de violence et d’inserts de trois minutes aussi efficaces qu’un festival outdoor berlinois des années 87/88, permettra aux thrasheurs les plus virulents de faire valser leurs baskets et leur chevelure au vent. Mais c’est décidément en version plus alambiquée et torturée que l’on préfère les D1STRAUGHT, et heureusement pour nous, le long, sinueux et tortueux « Ps1cos1s » nous ramène à cette psychose du plan incongru, via sa progression sinueuse et erratique. Décidément très convaincant en mode technique précieux, le quintet chilien démontre des qualités indéniables de composition enchevêtrée, et se montre tout à fait capable d’accoucher d’une vraie référence dans le genre. Beat irrégulier, chant en harangues viriles, riffs qui virevoltent, allusions au passé assez fines, la magie opère et le charme prend, à tel point qu’on regrette que l’album n’ait pas connu une fin plus étirée.
On regrettera aussi que ce feu d’artifices se termine sur un morceau très dispensable (« Natural Of Sorrow »), mais globalement, D1STRAUGHT nous distrait facilement de cette vague vintage qui photocopie chaque semaine de vieilles partitions jouées et rejouées.
Titres de l’album:
01. Majestic Twelve (Re-recorded)
02. Perpetual Life
03. Bajo Control
04. Protesto (Re-recorded)
05. Newen (Res1ste)
06. Androide
07. Ps1cos1s
08. Natural Of Sorrow
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