Il suffit de patienter le temps d’une intro pour comprendre à qui on a affaire. Car dès les dernières mesures de « Beyond The Gates » évanouies dans les airs, le son de la HM-2 ne laisse plus planer aucun doute : les américains de SABREWULF sont de gros nostalgiques de la Suède des années 90. Fondé en 2011 du côté d’El Paso, SABREWULF est un combo qui a patiemment construit son identité en utilisant les années pour produire une discographie de qualité. Tout a commencé avec un EP l’année même de sa formation (Prophecy) avant que l’année 2012 ne voit l’éclosion d’une démo (The Condemned), mais c’est en 2016 que les choses sérieuses ont commencé avec la publication d’un premier longue-durée qui trahissait les origines hispaniques des membres. Sangre Y Alma posait donc les bases d’un Death Metal très rétrograde et froid comme les hivers de Stockholm, alors même que le combo évoluait dans la chaleur de l’état du Texas. Et si les arguments promotionnels font de leur musique une sensation de sècheresse qu’on peut éprouver dans les grands déserts de l’état, il est plutôt recommandé de regarder du côté du nord de l’Europe pour savoir d’où provient l’inspiration du quatuor. Car avec un son rappelant les grandes références d’ENTOMBED et DISMEMBER, pas d’équivoque possible : le Death de Mala Suerte est congelé comme un mois de décembre, et utilise les mêmes codes que les légendaires studios Sunlight. Personne ne va s’en plaindre, le Swedish Death étant l’un des plus prisés sur le marché, et à contrario de leurs homologues de LIK, les texans ne se contentent pas de copier la discographie de leurs idoles, mais bien de se baser dessus pour broder leurs propres thèmes.
Cela dit, pas de faux espoirs quant à l’originalité éventuelle de ce second LP, promu par une subdivision de Hammerheart Records, Petrichor. Tout ici sonne comme si les morceaux avaient été enregistrés entre 1989 et 1991, et l’influence de Left Hand Path et Like an Ever Flowing Stream est évidente dès que les riffs rentrent dans la danse. Et si leur maison de disques batave recommande l’écoute de se deuxième né aux fans de XIBALBA, GATECREEPER ou NAILS, c’est uniquement par analogie de brutalité et non en termes de ressemblance de son. Mais grâce à d’habiles jeux rythmiques, à l‘utilisation d’intros aux ambiances étranges, SABREWULF s’en sort avec plus que les honneurs et évite une place sur le podium des habiles copieurs. Les amateurs de surprises seront ainsi ravis de tomber sur le phénoménal et sombre « Final Prayer », qui alterne très finement les passages évanescents avec chant féminin vaporeux, et les blasts brutaux qui permettent de juxtaposer les growls à cette voix semblant émaner des limbes. Un bon point donc pour les texans qui s’écartent donc d’un chemin trop bien tracé, malgré des similitudes qui s’accumulent tout au long du métrage. Mais on trouve aussi chez eux une sauvagerie qui n’est pas forcément coutumière de leurs modèles, et « Grave Of Pestilence » de nous empester les tympans d’un démarrage en trombe, avec un batteur qui une fois n’est pas coutume, blaste sans triggering, et confère donc à l’ensemble une patine naturelle qui séduit.
La voix du chanteur, très proche de celle de Lars Goran Petrov assure la caution historique, tandis que la guitare se cale sur la ligne du parti scandinave, avec ce buzz ininterrompu qui nous ramène à l’âge d’or du Death suédois. Et si nombre de morceaux auraient pu atterrir sur des albums de l’époque, certains cherchent quand même à se démarquer, ce qui permet à Mala Suerte de se singulariser du reste de la production nostalgique actuelle. On sent une réelle méchanceté dans l’approche des texans, une méchanceté qui se cache sous un hommage formel, mais qui transpire à la moindre occasion. Ainsi les coups de boutoir du refrain de « Warbreeder » nous acculent dos au mur, tandis que l’intro puissante de « Bottom Dweller » dévie un peu et semble rejoindre les DISMEMBER sur leur propre terrain de jeu. La production, évidemment maculée de sang et de cadavres froids est fidèle aux modèles originaux, mais l’épaisseur du son permet de s’immerger totalement dans le trip qui nous entraîne aux confins d’un monde Lovecraftien. Les accès de colère sont parfois concentrés, évidemment mis en tube comme seul ENTOMBED savait le faire, mais cette stabilité dans l’up tempo créé une sensation hypnotique qui fige nos sens, et nous anesthésie sans douleur (« Inverted Faith »). Et cette rage se transforme parfois en haine pure et simple, une haine qui se manifeste de la plus violente et concise des façons sur le tétanisant « Coffin Nails » qui plante les clous dans le cercueil de la compassion à une vitesse hallucinante. Il convient encore une fois de saluer le talent d’un vocaliste qui ne se contente pas de grogner mais qui travaille son phrasé, et qui permet à des morceaux traditionnels de s’enfoncer encore plus dans la boue.
Mais il est inutile de nier que les SABREWULF ont de l’ambition, celle de dépasser le strict cadre de la révérence musicale envers des modèles établis. Et c’est ainsi que le quatuor termine sa course avec le long et évolutif « Mala Suerte », qui pendant plus de sept minutes s’échine à démontrer le particularisme d’un groupe moins convenu qu’il n’en a l’air. Avec sa longue intro répétitive et presque Indus, ce dernier morceau rappelle les conclusions itératives de NAPALM DEATH, et utilise l’atmosphère plutôt que le son, sans sombrer dans le gimmick de fin d’album qui ne sait plus quoi dire. Rejoignant « Final Prayer » dans sa recherche de différence, « Mala Suerte » propose donc un épilogue logique, sombre rigide et lourd, le Death se parant de ses atours les plus morbides et Heavy. Il est donc tout à fait raisonnable de penser que les américains nous pondront un jour un disque encore plus personnel, sans pour autant se débarrasser de leur passion pour l’extrême scandinave. Un groupe à suivre donc de très près, et qui se distingue de ses homologues par une personnalité plus affirmée dans l’admiration. On peut être nostalgique sans être borné, et c’est la leçon à retenir d’un album plus surprenant que la moyenne, mais encore un peu trop sous perfusion.
Titres de l’album:
01. Beyond The Gates
02. Grave Of Pestilence
03. Warbreeder
04. Bottom Dweller
05. Final Prayer
06. Inverted Faith
07. Ritual Skin
08. Coffin Nails
09. Marked For Death
10. Mala Suerte
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