Lorsqu’on aborde le cas épineux des « fils de », les avis divergent et les opinions contrairent. Pour beaucoup, être un « fils de », c’est naitre avec une cuillère d’argent, disposer d’un carnet de contacts plein à craquer, avoir ses entrées, des facilités qu’un anonyme n’aura jamais, à moins de jouer des coudes, de façon très opiniâtre. S’il est évident que jouir de la célébrité d’un parent peut vous ouvrir un nombre conséquent de portes, il laisse aussi planer une énorme épée de Damoclès au-dessus de votre tête : vous serez inévitablement comparé à votre illustre ascendant, et aucune erreur ne sera permise. J’en conviens, même si vous produisez de la daube en boite, vous aurez droit au tapis rouge dans les médias et même certainement à une exposition en vue dans une grande ville, mais la duperie ne durera pas longtemps. Un seul détail, de taille peut vous sauver : le talent.
On connaît tout un tas de « fils de » qui ont encore mieux réussi que leurs parents, aussi célèbres furent-ils. La liste serait beaucoup trop longue pour être reproduite ici, mais je peux aujourd’hui y ajouter une entrée, et de taille, celle de Wolfgang Van Halen, fils du regretté prodige de la guitare du même nom. Beaucoup s’attendaient à ce que le fiston reprenne la tradition familiale de papa et tonton, et devienne un prodige de la guitare, du piano ou de la batterie. Et si Wolfgang se débrouille plutôt très bien en matière de polyvalence musicale, il a très intelligemment tourné le dos au cirque de la démonstration technique stérile. Après avoir bassé comme un fou dans le groupe de papa, le voilà aujourd’hui seul, avec pour unique échappatoire sa propre créativité, et son envie de proposer autre chose qu’un simple succédané de VH, qui de toute façon ne ferait pas illusion bien longtemps.
Comme son idole Dave Grohl, Wolfgang s’est débrouillé tout seul comme un grand au moment de composer et enregistrer cet album. C’est donc lui qui joue de tous les instruments, et qui pose sa voix sur les partitions. De là à faire de MAMMOTH WVH le nouveau FOO FIGHTERS, il y a un gigantesque pas que je ne franchirai surtout pas. Enfant des nineties, Wolfgang s’est contenté d’enregistrer un album qui lui ressemble, et qui lui rappelle sa jeunesse. A trente ans pile depuis mars de cette année 2021, Wolfgang s’est donc souvenu de ces chansons qui passaient à la radio lorsqu’il était enfant, et de ce pont tendu entre le Hard-Rock et le Rock alternatif, créant ce qu’on a appelé le Metal alternatif des années 90.
Il s’est souvenu de cette recette imparable, de ces couplets abrasifs drivés par un riff énorme, aboutissant sur un refrain que nul ne peut s’enlever de la tête à moins de pratiquer une lobotomie. De fait, et malgré sa durée presque excessive, ce premier éponyme ne contient aucun filler, et propose une palanquée de hits à rendre vert de jalousie le beau Dave himself. Une heure de musique, énergique, sans étiquette précise, jouée avec le cœur et les tripes par un « fils de » ayant encore tout à prouver sous son propre nom. Il est évident que Wolfgang ne connaîtra pas le destin de son illustre homonyme pianiste et compositeur, mais Mammoth WVH peut le propulser en tant que nouveau chantre de l’Alternatif moderne qui se souvient des SMASHING PUMPKINS, de SHIHAD, SEETHER, et autres groupes avec ou sans S des nineties, que les college radios passaient à plein volume sur les campus.
Habile créateur, Wolfgang s’est visiblement beaucoup amusé en bricolant cet album. Peut-être pas de la même façon qu’un McCartney bidouillait ses premiers pas en solo dans sa ferme en écosse à l’ombre des BEATLES, mais en tout cas sans arrière-pensée eu égard à la gloire immense connue par Eddie, son défunt père qu’il pleure encore aujourd’hui. Et si musicalement, Edward joue les mouches du coche du souvenir sur ce premier LP, il n‘en est pas moins présent thématiquement, uniquement comme témoin de l’amour filial qui dévore encore la mémoire. Ses traits de génie, ses coups de folie à la guitare ne sont pas les bienvenus sur ces chansons simples et portées par des mélodies pures, mais son fils lui rend un bel hommage sur le tendre « Distance » qui clôture l’album en fausse ballade amère, mais vraiment poignante.
Mais Wolfgang n’a pas besoin d’Eddie pour se situer sur la carte musicale mondiale. On le sent sur l’autre allusion, l’entame « Mr. Ed », franche comme un single de 1994, et dotée d’un riff saccadé du meilleur choix. La voix, posée et sans vibrato est crédible, le jeu de guitare solide, la basse évidemment bien ronde mais seulement au service de la rythmique, et la batterie percussive et affirmée. Wolf a donc fait un immense travail sur lui-même justement pour rester lui-même et ne pas sombrer dans les comparaisons le plus douteuses qui n’avaient pas lieu d‘être.
On se laisse embarquer dans ce flot de refrains heureux, dans cette houle de riffs simples mais persuasifs (« Horribly Right »), et on se prend à approuver la démarche du musicien qui n’a pas cherché l’esbroufe, mais bien la sincérité et l’accord avec ses propres opinions et inclinaisons. Presque cathartique dans ce désir de s’éloigner d’une optique familiale légendaire mais tellement encombrante, Mammoth WVH est une thérapie en musique, mais une thérapie personnelle, que Wolf a tenté de son côté, dans l’ombre, en toute humilité. On adore l’amertume d’un « Epiphany », la franchise Rock en mid tempo de « You’ll Be The One », psychédélique en diable et très STONE TEMPLE PILOTS, les ambitions de « Stone », et ses six minutes de traitement sonore, avec cette batterie à la Bonham, et si les influences nineties sont évidemment les plus marquantes, on comprend aussi que le fiston a hérité des gênes de son père, et reste fasciné par les sixties et les seventies, et cet esprit de créativité totalement affranchi des contraintes du business.
L’homme et le musicien soulignent ce fait sur l’hymne « Mammoth » et son enchevêtrement de guitares à rendre Dave G. si fier, mais chaque morceau de ce premier album sont autant de témoignages de l’affranchissement d’un homme qui refuse d’être condamné par son état civil avant d’avoir pu témoigner en son propre prénom.
On a hâte d’entendre ces chansons jouées par le groupe de scène (Wolfgang Van Halen - guitare/chant, Ronnie Ficarro - basse/chant, Jon Jourdan - guitares/chant, Frank Sidoris - guitare et Garret Whitlock - batterie), mais en attendant, on peut profiter du talent individuel de ce « fils de » dont le papa peut être fier de son paradis des légendes.
Titres de l’album:
01. Mr. Ed
02. Horribly Right
03. Epiphany
04. Don’t Back Down
05. Resolve
06. You’ll Be The One
07. Mammoth
08. Circles
09. The Big Picture
10. Think It Over
11. You’re To Blame
12. Feel
13. Stone
14. Distance
Excellent album très agréable à écouter. De bons rires, une bonne rythmique, une belle voix. Ayant les mêmes influences de années 90, je m'y retrouve parfaitement . J'attends la suite avec impatience. Quel musicien!
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