Lorsque LOUDBLAST et AGRESSOR ont débarqué dans les années 80, je me suis dit, « chouette, un groupe qui pompe SLAYER et l’autre qui copie KREATOR et SODOM, c’est cool ! ». Oui, il faut dire qu’à l’époque, les groupes français surlignaient au choix les cahiers d’HELLOWEEN, SCORPIONS ou IRON MAIDEN, alors ça changeait un peu de coup de stabilo. Une fois que LOUDBLAST a pris son envol et l’avion pour Tampa, je me suis dit, « chouette, LOUDBLAST se met à copier DEATH et MORBID ANGEL ! », en gros, j’ai toujours fait preuve de mauvais esprit à l’égard du combo mené de crane de fer par Stephane Buriez, voire de condescendance, sans vraiment savoir pourquoi. J’en avais peut-être marre que nos musiciens se contentent d’une redite des groupes établis et imposent la mode trois ou quatre ans après qu’elle eut été lancée. Oh, ne vous méprenez pas, j’ai adoré Sublime Dementia, et je reconnais même plusieurs décennies après qu’en sus du pinacle de la carrière du groupe, il incarne toujours aujourd’hui un des sommets de la musique extrême des années 90. Mais sans savoir pourquoi, j’ai toujours été hermétique à la musique des nordistes, tout comme j’ai toujours été moyennement perméable aux exactions d’AGRESSOR. Moi, j’étais de l’école NOMED, MORSÜRE, DEATH POWER, PROTON BURST, j’aimais bien le premier NO RETURN et quelques suivants, mais le nom de LOUDBLAST ne m’a jamais fait vibrer. Pourquoi alors, me demanderez-vous très légitimement m’occuper du cas du nouvel LP du groupe alors même que je suis certainement le plus mal placé pour en parler ? Justement parce que je suis le mieux placé pour en parler au contraire, laissant la révérence presque obséquieuse de côté pour privilégier l’objectivité. Je suis en effet capable de mettre mon indifférence de côté pour parler de Manifesto, et avouer une chose essentielle sans en avoir honte ou glisser sur la pente du retournement de veste : cet album est très bon.
Buriez lui-même en parle assez facilement, et avoue que ce nouveau chapitre de la saga de son monstre est une sorte de créature pluriforme. Un xénomorphe monstrueux, qui utilise des membres déjà cousus pour se tailler une silhouette impressionnante, et faire de l’ombre au reste de la production européenne, voire mondiale. Pour lui, Manifesto est un mélange du côté malsain de Burial Ground, de l’atmosphère précieuse de Disincarnate, et de l’ambiance générale de Sublime Dementia. Certes, ce cher Stéphane ne prend aucun risque en citant quelques albums fondamentaux de sa carrière, mais il est certain que ce nouveau tome de la saga LOUDBLAST est un joli mash-up de toutes les anciennes prises de position. Et il n’a fallu que quelques minutes au groupe pour me convaincre du bienfondé de sa démarche. Plus exactement, les trois minutes et vingt-deux secondes de la monstrueuse entame « Todestrieb » qui réussit là où beaucoup échouent, ou ne tentent même pas le coup : réunir dans une même envie de brutalité l’ancienne et la nouvelle génération, flatter les anciens fans dans le sens des cheveux, et séduire les petits jeunes d’une musique actuelle, moderne, bien produite et surtout, méchante comme une teigne. Toujours secondé par le fidèle cogneur Hervé Coquerel, Stéphane a accueilli dans la famille deux petits nouveaux, et pas des moindres. Le nouveau bassiste de KREATOR et ex-DRAGONFORCE Frédéric Leclercq, et l’ex-NO RETURN Jérôme Point-Canovas. Avec un line-up pareil, il y avait de quoi s’attendre à un véritable massacre dans les règles de l’art, et éventuellement à de longues compositions évolutives mettant en avant les qualités instrumentales de chacun. Mais Stéphane a tranché de son inspiration, et Manifesto de frapper fort, vite, grave et bien fait, pour laisser un sentiment de blitzkrieg dans les oreilles et les tympans en sang.
Car ce sont effectivement les compositions les plus directes qui portent l’album à bout de riffs, comme si LOUDBLAST désirait en 2020 marquer les esprits par sa brutalité plus que par sa sophistication, déjà largement démontrée sur les efforts les plus historiques du groupe. Ce qui n’empêche pas le quatuor de parfois se laisser aller sans regarder la montre, mais sans jouer le remplissage pour autant. Mais en encaissant « Relentless Horror », impossible de ne pas penser à MORGOTH, et à tous ces groupes de la vague nineties qui n’oubliaient pas que le Death était une variante du Thrash, et que les BPM pouvaient aussi servir de tir de barrage pour en mettre plein le coffre, même avec un gilet. Et lorsque LOUDBLAST joue l’immédiateté, c’est pratiquement du niveau d’un SLAYER qui lâche « Dittohead » ou « Necrophobic », ça charcle dans tous les coins, et les rares survivants regardent leurs tripes maculer le sol de sang. En parlant du contexte, évoquons pour le plaisir cette sublime pochette signée Eliran Kantor (TESTAMENT, HATEBREED), et cette production magnifique résultant du partenariat entre Stéphane et HK Krauss au Vamacara Studio. Rien n’a donc été laissé au hasard, même si l’album dégage une odeur de plaisir partagé et de feeling de l’instant, loin des anciennes œuvres élaborées dans le moindre détail. Certes, Buriez sait depuis longtemps de quoi il a envie, mais retrouver le leader à ce degré de forme six ans après le mitigé et dark Burial Ground fait méchamment plaisir, et donne envie de pointer du doigt la nouvelle génération old-school aux prétentions de copie soudainement si dérisoires.
Et pour cause, LOUDBLAST n’a plus besoin de copier qui que ce soit, même pas lui-même. Sans chercher le chef d’œuvre, le chauve leader a composé exactement les chansons que l’on désirait entendre de sa part, a laissé la basse de Frédéric Leclercq rouler comme une grosse meule sur le nuancé « The Promethean Fire », déjà lâché en feu de joie avant la sortie de l’album, et a permis à Hervé de laisser voler ses baguettes pour atteindre des vitesses d’exécution assez dantesques. Mais on n’oublie pas sa nature profonde pour une crise d’épilepsie, et la science exacte du groupe se retrouve à intervalles réguliers, sur le très MORBID ANGEL « Preaching Spiritual Infirmity », ou sur le malsain « Invoking To Justify » qui laisse filtrer une mélodie louche pour nous coller les miquettes.
Comme beaucoup de critiques cacochymes de la vieille école, je pourrais arguer du fait que Stéphane se contente du minimum pour nous convaincre. Ou comme beaucoup de fans énamourés, je pourrais dire que Manifesto est « trop d’la balle ta race ». Je n’en ferais rien, et je me contenterai de dire que ce nouvel album est une totale réussite, qui reste dans les balises de sécurité, mais qui agit comme le meilleur défouloir disponible sur le marché. Un album intelligent, qui trouve le juste milieu entre les ambitions et l’envie d’efficacité (ce qu’on constate sur « Festering Pyre » et ce break central sorti des prétentions les plus littéraires du groupe), et qu’il se dévore comme on dévorait jeune les exactions bruitistes des combos les plus capés. Et puis de toute façon, qu’a LOUDBLAST à prouver en 2020 ? Rien justement, et avec un morceau comme « Infamy To Be You », Stéphane démontre qu’il a encore la rage. Souhaitons que le quatuor puisse tourner pour soutenir Manifesto, le massacre live annoncé donnant clairement envie d’être au premier rang.
Titres de l’album:
01. Todestrieb
02. Relentless Horror
03. Erasing Reality
04. The Promethean Fire
05. Preaching Spiritual Infirmity
06. Invoking To Justify
07. Festering Pyre
08. Into The Greatest Of Unknowns
09. Solace In Hell
10. Infamy To Be You
Comme Mortne, j'ai jamais été très fan de Loudblast, excepté sur Sublime Dementia et Cross the threshold, mais je vais essayer cet album.
Le morceau en écoute est plutôt convaincant.
Bien content d'avoir pris le temps d'écouter cet album. Il est vraiment bon. Le parfait mélange du Loudblast classique et plus moderne.
Excellent album en effet. On y retrouve en effet la marque de fabrique du groupe, mais celui-ci a su élargir son champ de tir, rester dans sa zone de confort tout en allant voir plus loin. Osé mais rafraichissant. Et réellement efficace et inventif.
Tourista, bien vu :-) Moi je dirais que c'est une décision avisée cela dit, d'autant plus que musicalement, et ça me coûte de le dire, étant un ENORME fan de Venom, mais du Vrai Venom ( Cronos, Mantas, Abaddon), Venom Inc ne propose pas grand chose d&ap(...)
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8 lettres: KHOLOSPVÇa veut dire "coloscopie" en langage mec bourré en fin de soirée.
26/11/2024, 18:14
Je ne suis pas au courant.. il s'est passé quelque chose récemment avec le groupe Al Namrood?
26/11/2024, 14:44