Alors que la France du foot va soutenir ses héros ce soir contre les Pays-Bas, la France musicale s’apprête à passer une soirée de partage, de plaisir, de bars bondés et de terrasses occupées par des musiciens professionnels et amateurs. Mais malgré cette ambiance surchauffée, malgré les bières servies fraîches, malgré les sourires de circonstance, j’ai du mal à imaginer un public enjoué savourant les échos de Mara, troisième album du duo BLOÐ. Il faut dire que le chaos généré par Ulrich W (OTARGOS, ex-REGARDE LES HOMMES TOMBER) et Anna W (LYNN) n’est pas vraiment de saison. On imagine plus volontiers ces morceaux joués au plus fort d’un hiver rude, ou d’un printemps extrêmement pluvieux.
BLOÐ revient donc trois ans après Serpent, et dix nouveaux titres sous le bras. Toutefois, malgré les années passées, l’approche n’a guère changé. Alors que le duo se réclame d’un Blackened Doom/Sludge délicieusement sombre et poisseux, la réalité des faits nous embarque dans un voyage en noir et blanc, sur un esquif de fortune balayé par les vents glacés. Autrement dit, la joie est encore en berne, et les sentiments les plus négatifs en voile noire flanquée d’une tête de mort stylisée. Des pirates les BLOÐ ?
Des pirates de la vie oui, qui ne la conçoivent que sous ses aspects les plus durs.
On retrouve immédiatement la patte d’Ulrich et Anna. Ce son si plein, ces riffs monolithiques et cette puissance à décoiffer PRIMITIVE MAN ou WINDHAND, et cette méchanceté résignée mais vénéneuse que NEUROSIS a si bien hurlée. SHINING, DOLCH ou AMENRA sont les références admises, et autant dire qu’elles sont justes, mais pas totalement concernées. Car l’identité du duo est encore plus affirmée sur ce troisième longue-durée que sur les deux premiers, et la plénitude atteinte tient ici du petit miracle morbide un matin de novembre pas comme les autres.
Inutile donc de préparer votre plus beau t-shirt et de vous coiffer pour l’occasion. BLOÐ s’apprécie in situ, tel quel, avec les sempiternels arguments du Doom et du Sludge. Mais ces deux sous-genres sont à ce point uni qu’ils engendrent un troisième petit bâtard, qui louche sérieusement sur les rives abandonnées d’un Black mélancolique, tout sauf mélodique, mais contemplatif.
Une image d’Epinal qui fait froid dans le dos, allongé sur les galets en attendant la nuit.
Celle promise par Mara est éternelle. Cette sublime pochette décadrée en est la description la plus fidèle, avec cette tête blonde anonyme couronnée de branches, qui évoque un sabbat sauvage dans une forêt quelconque du bordelais. On imagine cette figure christique se retourner et nous fixer de ses yeux d’un bleu tirant sur le blanc, et nous forcer à regarder la vérité en face. L’existence est devenue un fardeau si lourd à porter, qu’il faut être trois ou quatre pour la supporter sur les épaules.
Comme Atlas portant le monde, Mara porte les espoirs de la génération statique. Un instrumental inamovible, aussi pesant qu’un bon millier de rochers, un chant évanescent, menaçant, grinçant, une rythmique aussi régulière que des douleurs mentales, pour un résultat évidemment homogène, et tronçonné en petits morceaux pour faire passer la pilule. Mais ne soyez pas dupes : cet album est un tout qu’il a fallu diviser en pistes, mais qui s’appréhende dans sa globalité. Même si le title-track pris à part reste une acmé d’horreur et de souffrance stoïque.
Des effets sobres mais efficaces, une atmosphère moite et solitaire, de faux interludes qui dégénèrent en cacophonie gravissime et traumatique, comme si Chelsea Wolfe fricotait avec les CULT OF LUNA (« The White Death »), un parallèle intéressant avec l’actualité de Julie CHRISTMAS, pour un disque qui se veut lieu de culte impie pour déviants assumés.
Rarement le Doom et le Sludge auront été si extrêmes et maîtrisés à la fois. Incontrôlable et affranchie, la déesse blonde arpente la grève, et se projette vers un ailleurs de nuit éternelle et de désirs inavouables. Un habile jeu de références Ambient et des boucles Indus qui collent à la peau d’un TERRA TENEBROSA intronisant Anneke van Giersbergen et Tairrie B au chant, et même une comparaison indirecte avec l’univers si tourmenté de PHARMAKON sans cette électronique envahissante.
Blessure ouverte, Mara suinte et s’infecte au contact de l’air. Un air marin, salé, qui brûle les plaies et en cause de nouvelles. Des ouvertures qui filtrent la lumière avec parcimonie (« Frost », incantatoire et Folk), mais qui se referment pour que la souffrance reste intacte (« Covenant », monstre de puissance qui assourdirait une ville de solitude).
Construit comme un crescendo inévitable, cet album a tout de l’objet mythique et bénéolent dont l’odeur va attirer tous les dépendants au réalisme musical presque ascétique. Alors que sa rigidité est presque cadavérique, l’œuvre est ignivome et réchauffe les esprits les plus enclins à accepter leur sort. Un sort formidablement bien décrit par le final orgiaque « Mother of All », qui pendant douze minutes rappelle l’essentiel et l’indispensable. Une figure de style Doom gigantesque, une empreinte Sludge moulée dans le sol boueux, et un regard Black en arrière, pour mieux se projeter vers le néant.
Le sang rubéfie le crépuscule, et la nuit se tâche de coulées morbides. Comment de fait faire la fête à une musique qui ne se célèbre pas elle-même ?
Titres de l’album :
01. Gehenna
02. Malignant
03. Martyr
04. Mara
05. The White Death
06. Chthonia
07. Frost
08. Covenant
09. Queen Ov Hades
10. Mother of All
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