De mémoire de chroniqueur et de lecteur assidu de web et magazines, je ne me souviens pas d’un groupe ayant reçu pire volée de bois vert que MYRKUR, après la publication de son premier album, M. Mais je ne me souviens pas non plus d’un artiste ayant déclenché un tel phénomène d’adhésion massif, portant aux nues une création musicale cryptique, mais très personnelle. Ses détracteurs ont cloué Amalie Bruun au pilori des opportunistes en pleine place critique et publique, arguant du fait que l’univers dont elle prétendait musicalement faire partie était trop éloigné du « sien » pour être honnête. Les autres, aussi nombreux, ont chanté les louanges d’une multi instrumentiste, compositrice et interprète de génie, se basant sur leur propre analyse biaisée d’avancement probable d’un genre voué à l’immobilisme à moyen terme, et déjà dénaturé par des formations refusant de regarder le futur en face. Certains, plus modérés, avaient cru percevoir en M les prémices d’une artiste en devenir, dont l’identité était déjà bien affirmée, mais qui semblait avoir encore beaucoup de choses à exprimer et à prouver, avant de prétendre pouvoir figurer sur la liste des précurseurs. Mais après tout, rien ne prouve qu’Amalie/MYRKUR ait envie d’en faire partie…ce que semble prouver à merveille ce second album, attendu comme le loup noir au milieu de la troupe de moutons blancs, qui à son écoute ne vont pas manquer de tressaillir, et de fuir à toutes jambes face au choc provoqué par le culot d’une musicienne qui décidément, n’en fait qu’à sa tête.
Et c’est parfait comme ça…
Après écoutes, Mareridt tient en effet toutes ses promesses. Accusée à tort d’usurper la cape d’ordinaire réservée aux ardents défenseurs du Black le plus pur, Amalie a fait le pari risqué de s’éloigner encore plus des bases, pour n’en retenir que la force des sentiments, et l’abstraction des idées. A tel point qu’il est désormais quasiment impossible de la rattacher au courant, puisque la majorité des pistes de cette suite se veulent délicates, harmoniques, presque liturgiques, et en tout cas, cathartiques. Si les guitares trouvent toujours asile dans son monde décalé, si la rythmique parvient de temps en temps à s’imposer, c’est surtout le chant, et plus encore, les arrangements vocaux qui font la différence, et permettent à MYRKUR de se rapprocher de sa consœur CHELSEA WOLFE, que l’on retrouve d’ailleurs au rang des contributeurs actifs sur le morceau bien nommé « Funeral ». Pas de terrible fuite en avant à espérer, pas plus que de déferlement de violence, la cuvée 2017 d’Amalie est aussi calme qu’un disque d’inédits de Tori Amos, dont sa voix emprunte d’ailleurs des accents très poussés parfois (« De Tre Piker », en langue natale, pour un voyage Post Electro-Folk aux reflets irisés et troublés). Pour parvenir à ses fins, l’auteure n’a pas hésité à employer une instrumentation démarquée, en incluant dans ses efforts du violon, de la mandoline, des percussions folkloriques, mais aussi du Nyckelharpa, sorte d’ancêtre danois de la harpe. Et si ces instruments n’ont rien d’incongru dans un contexte extrême depuis quelques années, leur utilisation est ici magnifiée par leur discrétion, à la manière d’un Phil Spector préférant que certains instruments se « ressentent, mais ne s’entendent pas ». Niveau production justement, Amalie a fait appel à Randall Dunn (MARISSA NADLER, EARTH, SUNN O))), BORIS, WOLVES IN THE THRONE ROOM), soit le cador des traitements sonores de l’élite expérimentale, et a fait le bon choix, puisque le son de Mareridt (Cauchemar en VF) est incroyablement bien équilibré, et bénéficie d’une approche en dualité qui purifie ses aspects les plus éthérés, tout en mettant une emphase dramatique et profonde sur les volets les plus violents. En résulte un album aux dimensions multiples, qui fonctionne comme le processus de son titre, et qui nous invite à une nuit de songes pas forcément tous sombres, mais résolument éprouvants pour les nerfs et l’audition.
Concrètement, Mareridt se place dans une logique d’évolution naturelle dans l’œuvre naissante de MYRKUR. Bien décidée à ne pas se laisser cloisonner dans un carcan quelconque, et certainement désireuse de s’éloigner du marigot peu satisfaisant du Black Metal, Amalie a donc fait le choix de ne plus en faire, et de se concentrer sur une musique la représentant à un instant T. Et cet instant, retranscrit en onze chapitres d’une même histoire, nous présente un personnage à la volonté artistique solide, et aux orientations multiples. Si le BM est presque définitivement banni sous toutes ses formes de cette publication, il en reste une trace très fugace sur le traumatique « Maneblot », malicieusement placé aux avant-postes, histoire de jouer la carte de la provocation une dernière fois, peut-être. Morceau abrasif au possible, concentré de blasts déchirant des lignes harmoniques en volutes, elles-mêmes perturbées par des cris déchirants, cette (presque) seule incartade en terrain chaotique n’empêche nullement la musicienne d’intégrer à la violence d’ensemble des orchestrations Folk et des nappes de chant en arabesques, ce qui risque d’irriter encore plus ses opposants les plus farouches. Mais gageons que l’introductif et sublime « Mareridt » les aura déjà fait fuir, certains de leur égarement et de leur refus d’accepter les choses telles qu’elles sont.
De plus, quelques minutes plus tard, « The Serpent » enfoncera le clou dans le cercueil de leurs illusions, en développant de belles qualités mystiques, sur fond de Post Metal opératique, en agencement de couches à mi-chemin entre CHELSEA WOLFE et un OPETH vraiment tendu.
Le chant d’Amalia a lui aussi subi une légère mutation, se voulant plus profond, plus émouvant, mais toujours aussi puissant et convaincant. La chanteuse se veut donc maintenant l’égale de l’instrumentiste, qui croise le fer dans un ballet impressionnant de lourdeur sur le très franc et oppressant « Funeral », avec une CHELSEA parfaitement à l’aise dans son rôle de partenaire du crime. Percussions assourdissantes, lignes vocales flottantes, guitare en arrière-plan qui tisse des motifs menaçants, l’opération est rondement menée, et on pense même à une version glaçante mais musicale de DIAMANDA GALAS, tant les deux chanteuses rivalisent de ténèbres pour nous entraîner dans leur périple.
Le spectre de Tori AMOS ressurgit une fois encore via l’étouffant mais lumineux « Crown », qui permettra sans doute à la reine de l’imprévisible de s’asseoir sur son trône sans usurper son rang. L’affrontement entre les valeurs antagonistes est ici porté à son paroxysme, par l’alternance de climats, qui peuvent au sein d’un même contexte passer de la rêverie sublime au désespoir ultime (« Ulvinde »). On trouve même quelques fragments de passé sur le bref « Gladiatrix », qui lâche Amalia dans l’arène BM pour un dernier tour de piste triomphant, et qui méprise l’ennemi plutôt que de l’affronter.
Banquet Folk pour nostalgique d’une ère passée (« Kaetteren »), et final en circonvolutions vocales incarnées qui une fois encore fait le lien avec DIAMANDA, pour une boucle bouclée, et une belle opposition entre des chœurs grégoriens recouvrant des psalmodies diaboliques et enfantines qui auraient parfaitement eu leur place sur Saint of the Pit…
Les médias pour le moment font le dos rond, et les retours semblent plus modérés qu’il y a deux ans. Mais après tout, Amalie/MYRKUR n’en a cure et préfère laisser parler son cœur. Elle a eu son lot d’insultes, d’injures, de condescendance, et n’y prête plus guère attention, préférant se focaliser sur sa musique, qui d’étape en année devient de plus en plus riche et unique. Vous avez parfaitement le droit de détester Mareridt, pour ce qu’il est, mais vous ne pouvez le haïr pour ce qu’il n’est pas. On ne choisit pas forcément ses cauchemars après tout…
Titres de l'album:
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
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J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
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J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
11/11/2024, 16:15
NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09