Je ne viens pas là vous présenter le nouvel album de Buffalo Gilles, le chanteur des Buffalo Grill, mais bien le troisième album des Romains fous de BUFFALO GRILLZ, qui ne sont pourtant pas du genre à oublier la viande sur la grille pour vous la servir trop cuite.
Non, ces cuistots-là sont des esthètes qui apprécient comme vous un bon steak saignant, qui dégouline dans votre assiette sans perdre de son goût en refroidissant.
D’ailleurs, il est impossible que leur musique ait le temps de prendre le frais, puisqu’elle est aussi incandescente que des braises dans un feu de cheminée, ce qui vous garantit une dégustation qui crame le palais et ne vous laisse guère le temps de vous demander si vous l’aurez de finir votre assiette.
Oyez, oyez, fans de gros Death à tendance hyper brutale, de Grind frontal et de calembours fatals, les Italiens nous en reviennent donc cinq ans après leur dernier effort, Manzo Criminale, pour nous conter fleurette sur fond de blasts déchaînés et de riffs enchainés, le tout déclamé d’une voix de plantigrade par un vocaliste qui sait se mettre à la hauteur de ses camarades.
C’est donc avec un plaisir non feint de faim de banquet que nous célébrons aujourd’hui la réouverture de notre restaurant favori, accueillis avec des sourires narquois par ce quatuor sans foie ni mou (Tombinor – chant et insultes, Cinghio – guitare/hautes fréquences, Pacio – basse/basses fréquences et Mizio – batterie/blasts), qui a mis à profit ces années de disette de barbaque à atteindre en vain le livreur pour affiner son menu et pouvoir servir à toute heure.
Et, après consultation de la carte, aucune nouveauté flagrante à noter, de la barbaque, rien que de la barbaque, des pièces de choix attendries à grands coups de baguettes, de grosse caisse et de riffs marteau, et servis avec véhémence et démence par un serveur/chanteur qui ne manque jamais de vous rappeler que vous êtes chez lui et que vous auriez plutôt intérêt à rester poli.
L’enchaînement des plats est d’ailleurs toujours aussi soutenu, et si les assiettes sont remplies et vous laissent repu, c’est plus par la multiplicité des morceaux que par leur conséquence, puisqu’une fois de plus, le choix s’est porté sur l’abondance plutôt que sur la redondance.
C’est donc quatorze découpages précis qui vous attendent ici, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils contentent autant l’estomac que les oreilles, dans un registre garçon-boucher Death atteint de folie de présentation Grind, qui ne rechigne pas à lâcher un bon mot pour tenter de dissimuler vos rots.
BUFFALO GRILLZ, c’est du costaud, du rustique qui taille dans les muscles pour vous éviter les bas-morceaux. Et d’ailleurs, un simple coup d’œil aux noms donnés aux plats vous en dira plus long que n’importe quelle description. Entre « G.G Aulin », « Beverly Grillz 90666 », « Flat Factory », « Cradle Of Findus », « Scooby Doom » et « Pus Springsteen », les galéjades sont légion, et agrémentent les pilons d’un grain de folie pas bidon, qui nous mènent sur les traces d’un énorme Death Grind à la batterie compressée, dont la grosse caisse triggée ne peut s’empêcher d’en faire des tonnes, alors que les guitares tonnent, et que le chant grave étonne, de ses harangues sauvages, au moins autant que le cochon grillé servi maison. De la charcuterie servie à l’ancienne, une boucherie propre et sereine, telles sont les recettes appliquées par ces furieux de l’agression débridée qui depuis presque dix années aiguisent leurs couteaux avec précision et régularité, sans jamais changer leur façon d’accommoder.
En gros, des riffs certes classiques mais efficaces dans la débauche, une vitesse d’abattage impressionnante et digne de la famille de branques de Texas Chainsaw, pour l’écueil d’un Death à tendance Gore évitée avec intelligence histoire de ne pas passer pour un succédané des MORTICIAN et autres dégénérés du gros qui tâche mais laisse écœuré.
Pas vraiment de quoi être étonné, mais plutôt amusé de ces pirouettes rythmiques qui piquent et nous embrochent comme une vieille saucisse prête à suinter. L’art séculaire des BUFFALO GRILLZ sur Martin Burger King trouve son apogée dans un radicalisme euphorique et dans une union pas si contre nature que ça entre les THE KILL et SUFFOCATION, sans les aspirations techniques un peu relou qui empêchent de savourer un rumsteck saignant sans s’extasier sur sa préparation.
Ici, c’est du Brutal, terriblement bien produit, qui exhale d’une puissance de tranchage sans égal, agrémenté de samples récréatifs de dialogues absurdes, de génériques de soaps made in Italy, et parfois, d’une certaine légèreté de ton qui permet quelques acrobaties, comme sur le terriblement séduisant menu enfant de « Fiorella Mannaia », qui ose le riff guilleret et la brièveté mélodique déviée.
Sinon, qu’en dire ?
Ben…Que les morceaux oscillent entre les une et deux minutes, sans aucune exception, que les fans de Death Grind bourrin et crétin seront amplement satisfaits par cette dernière livraison, puisque le quatuor ne joue pas sans raison, mais dans le but de nous rassasier histoire que nous remettions les pieds dans leur maison.
Alors évidemment, tout ça n’est ni très classe, ni très novateur, mais lorsque l’entrain est porté par des thèmes accrocheurs et bien déliés, ça donne un certain plaisir qui ne laisse pas sur sa faim, comme à l’occasion des terrifiants mais ludiques « Campari Sodom » et son alternance Mosh/Grind qui vous fait les poches au cas où vous oublieriez le pourboire, ou « Lenny Grindvitz » qui nous présente un Mizio en pleine possession satanique de ses moyens et qui hache menu comme un chef asiatique tranchant les sushis avec une vitesse digne d’une guillotine de révolution et l’agilité d’un pickpocket dans le métro.
Fatiguant pour les oreilles, mais jouissif, et servi avec quelques feuilles d’oseille.
Quelques attaques éclairs (« Scooby Doom », « 66Seitan »), des lacérations profondes au découpage clair (« Fiat Factory »), quelques fantaisies de guitare acrobatiques pour amuser la marmaille d’un air sympathique (« Ponzio Pilates »), et voilà, c’est l’heure de la fermeture.
Bon, OK, je l’admets, tout ça n’est pas bien méchant malgré des musiciens qui montrent les dents mais qui mordent pour de faux. BUFFALO GRILLZ avec ce troisième LP nous montre juste qu’il ne faut pas compter sur eux pour changer, et qu’une grosse dose de Brutal Death parodique à tendance Grind qui pique les zygomatiques, ça fait toujours du bien par ou ça passe.
Un bon repas, une grosse commission, voilà la mission de ces brutes épaisses de la cuisson, qui mitonnent leur extrême avec application.
Vous reprendrez bien une petite tranche de rôti de bœuf bande de gloutons ?
Titres de l'album:
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