Martyrs to an Absent Savior

Depraver

16/03/2020

Autoproduction

Sur ce coup-là, on ne peut pas dire que je sois à la mode, puisque c’est avec un an de retard que je chronique le troisième EP des américains de DEPRAVER. Mais l’essentiel est d’en parler, tant ce quatre titres respire la méchanceté d’un Blackened Thrash purement sud-américain, alors même qu’il a été conçu dans les caves de Californie. Pour info, cette hydre à trois têtes a vu le jour en 2012, la fameuse date de fin du monde selon les mayas, et finalement, il est possible de voir cette naissance comme celle d’un antéchrist musical prêt à mettre le monde à feu et à sang. Composé de deux tiers de males en rut (The Sewagist - batterie et Rat Kicker - guitare/chant), et d’un tiers de féminité agressive (Violet Death - basse), DEPRAVER est à la hauteur de son nom, ce que nous savions déjà après avoir encaissé les chocs successifs de Suffering in the Coffin l’année dernière, et d’A Crippling Crush il y a déjà huit ans. Rien de révolutionnaire donc à attendre de ce troisième né, Martyrs to an Absent Savior, qui une fois encore se vautre dans la paillardise d’un Thrash joué façon Death, et rappelant les exactions brésiliennes des années 80. En gros, du SODOM, KREATOR joué par les SEPULTURA de début de carrière, avec de sales traces au fond du slip de SARCOFAGO, BLASPHEMY, mais enrobé dans un professionnalisme que ces mêmes combos n’ont pas connu en temps et en heure. Du gros Thrash brouillon mais efficace, qui profite d’une frappe totalement affolée d’un batteur investi par son rôle de métronome tournant fou, le tout méchamment crémé d’un chant abyssal et revanchard, qui semble célébrer le malin à chacune de ses harangues.

Efficace à défaut d’être original, tout ça sent bon le DARKTHRONE joué à l’Allemande, et les hits maléfiques s’enchaînent sans temps mort, d’autant que l’EP ne dure même pas vingt minutes. Mais sur un titre de la trempe de « Witches Mass Reigns », le trio fait preuve d’un certain panache dans la violence, parvenant même à rappeler le MORBID ANGEL des premières démos, ce qui en dit plus long qu’il n’y paraît sur les capacités de ces trois marsouins. Loin de se contenter de déflagrations immédiates, les californiens agencent leurs idées et leurs plans, osant même une optique progressive un peu gauche, et en tout cas, une volonté plus évolutive que la moyenne. Profitant d’un son étonnamment bon pour ce genre de réalisation, les trois lubriques nous assomment de riffs méchamment catchy, notamment celui qui entame le possédé « Into Demonic Wombs », qui empeste les favelas brésiliennes. Cassures fréquentes, guitare qui a certainement été passée par une tête à transistors avant d’être captée par une cabine Leslie, basse inexistante ou si enterrée dans le mix qu’elle ne peut qu’attendre des motifs plus mélodiques pour se faire une place, tempi souvent épileptiques, mais entre de nombreux breaks qui relancent la machine, des thématiques empruntées au BM des années 90, et même des passages plus sincèrement Doom, le résultat est assez bon, et même bon, puisqu’on en vient à regretter la brièveté de l’objet en question.

Emballé dans une pochette noir et blanc rappelant joyeusement les années de tape-trading, Martyrs to an Absent Savior est donc un joli concentré de vilénie satanique qui nous replonge dans les affres des années 80, lorsque les musiciens les plus tarés découvraient les joies de la bestialité. On pense évidemment à l’écurie Cogumelo, mais aussi à une forme très larvée de POSSESSED jouée par des punks n’ayant pas oublié comment manier leurs instruments, et on constate assez rapidement que sous des atours primaires (pseudos rigolos, titres évocateurs, grossièreté du son), les DEPRAVER sont loin d’une simple assemblée de pervers uniquement obsédés par le bruit et la fureur. Ces musiciens en sont vraiment, mais aussi d’habiles compositeurs, parvenant à retenir notre attention sur plusieurs minutes, en ne se contentant pas d’un riff unique répété ad nauseam. Non, la guitare se montre volubile, vole entre la Californie, le Brésil et la Norvège, et même si certaines idées se répercutent d’un titre à l’autre, l’homogénéité de l’ensemble est patente, et les variations évidentes. Un EP qui mérite largement le détour, et qui méritait aussi d’être évoqué avec un an de retard. Espérons que les drilles pas si joyeux nous gratifient bientôt d’un LP en bonne et due forme, leur propension à dissimuler leur technique sous un esprit potache méritant clairement un approfondissement.           

         

Titres de l’album:

                  01. Martyrs to an Absent Savior

                  02. Witches Mass Reigns

                  03. Into Demonic Wombs

                  04. Seething with Blood and Gore


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par mortne2001 le 11/05/2022 à 17:38
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