Mary Bell LP

Mary Bell

03/01/2017

Le Turc Mécanique

« Une enfant colérique et sadique, voilà ce qu'était Mary Bell quand elle a assassiné de sang-froid deux petits garçons innocents. A coups de lames et de ciseaux affûtés, nous comptons bien poursuivre son héritage. Nos armes : voix rauques, Fuzz crado, dissonance, post-punk & grunge. Nous sommes des enfants rageux et nous voulons vous faire du mal. »

MARY BELL, quel si joli nom, quel si joli visage, mais quelle âme si noire…Mary fait partie de la caste très réduite des « enfants tueurs », de ceux qui font du mal un splendide sourire éclairant leur visage, sans aucun remord. En 1968 s’ouvre son procès, le procès d’un abominable double meurtre, celui de deux pauvres innocents de trois et quatre ans, qu’elle a brutalement assassinés à Newcastle. A l’occasion de ce procès, on, découvre le passé cruel d’une pauvre enfant soumise à la violence et l’indifférence d’un père truand à la petite semaine et d’une mère prostituée, qui erre de terrain vague en terrain vague à la recherche de proies faciles, des exutoires à son ressentiment intérieur qui commence à déborder de son âme de plus en plus noire…

Curieux sobriquet donc pour un groupe qui n’évolue pas dans le créneau du Shock-Rock, du Thrash ou du Death facile…Et pourtant, il leur sied à merveille, puisque leur musique est un peu à l’image de la vie de la petite Mary, violente, sourde, dissonante, sans concession, et inspiré de la rage de la rue. Comment la comparer à quelque chose de tangible ?

Il faut déjà en savoir un peu plus sur eux/elles…

Les MARY BELL nous viennent de Paris, dont ils représentent le versant Punk Garage le plus abrasif. Ils sont quatre (Un chat noir / un chat blanc / un tigre du bancale / un bébé singe rasé), mais font du bruit pour un collectif digne d’un Big Bazar de l’étrange, un peu comme si les SONIC YOUTH avaient entouré Kim Gordon de deux autres Kim Gordon en gardant quand même Thurston Moore dans un coin de la pièce. Ce sont de fins lettrés, des musicologues avertis, qui connaissent la scène Post Punk, le No Wave, le Garage sourd des années 60 et 90, mais aussi les CRAMPS, les BIKINI KILL, les L7, les NYMPHS, et toute cette vague de combos qui ont toujours décidé de mettre la mélodie et la perfection en arrière-plan pour travailler le ressenti. Et celui émanant de ce premier LP est si énorme que les échos du procès de Mary Bell nous reviennent en mémoire sans pour autant occulter le plus important.

La musique.

Mary Bell LP, c’est d’abord un son, énorme, gluant et dégoulinant d’amplis cheap, avec la disto et la fuzz’ réglées à fond, histoire de vous plonger dans le contexte. Une guitare et une basse si crades qu’elles marchent à l’unisson dans un brouhaha gigantesque, mélangeant leurs fréquences comme on se passe un vieux joint. Et puis un son qui mixe les voix juste comme il faut, des voix juvéniles qui hurlent leur rage, leur haine, leur colère, pour que vous les gardiez en ligne de mire. Et puis Mary Bell LP, ce sont évidemment des morceaux, des trucs épidermiques, instantanés, qui stagnent entre la et les deux minutes, à une exception près. Mais ce sont aussi des citations, du passé, avec ces fréquentes allusions à la scène minimal Punk des 90’s, traitées comme des vignettes horrifiques à la MISFITS/DANZIG, mais dessinées par Jeffrey Lee Pierce qui aurait soudainement tourné casaque pour apprendre le Rock avec Greg Ginn et Katie Jane Garside, sous le regard malveillant de Donita Sparks.

Des allusions qui font penser à MCLUSKY, aux GIRLS AGAINST BOYS, au YOUTH évidemment, mais aussi aux DEAD MOON, enfin, à tous ces héros de la série Z qui nous ont pourtant pondu des blockbusters de malades.

Des allusions au présent aussi, à cette fameuse scène Punk parisienne qui n’a rien à envier à son alter-ego de province, défendue par des labels comme Le Turc Mécanique, qui la connaissent justement par cœur. Alors on avance un peu à l’aveugle dans un univers nocturne peuplé d’une faune disparate, de clients bruitistes interlopes, tous accros à des guitares grasses et à une basse de feignasse qui rugit et tremble plus qu’elle ne joue.

Le tout est rapide et concis comme une démo pro des RAMONES, mais pourtant prend aussi son temps comme le prouve le très long et dramatiquement cathartique « Jonas’ Swirls », véritable bande-son d’une dérive qui pourrait se vouloir parisienne ou du Texas, peu importe. Lenteur du beat, motif unique qui traîne son spleen et sa vilénie sur les routes de l’ennui avant de passer à l’acte.

C’est aussi bluesy quelque part, « The Parade », qu’on imagine un peu pénible dans la grande rue de n’importe quel bled paumé de l’Iowa. Sauf que tout se passe dans leur tête, à Paris.

Mais c’est évidemment un peu blasé…

C’est aussi très Rock et Punk et lardé de « I wanna kill you », « fuck you », « I’m bored », comme le chantaient les DESTROY ALL MONSTERS, autre référence notable avec la caution Asheton, et ça enchaîne les pépites supersoniques et lippues, « Please, No », qui n’implore pas mais invective de son riff joué avec les incisives, « Empty Puppet », qu’on aurait pu retrouver sur une compile de Lenny Kaye aux côtés des SONICS ou des ELECTRIC PRUNES, « Waste », la meilleure reprise des STIMULATORS qui n’en soit pas une, avant de monter un peu la garde et de temporiser sur « Sink/Sigh/Drown » qui ose enfin le Blues funèbre et fuzzé, histoire de marquer le pas et de laisser parler les témoins.

« The Plague » dérive d’un onirisme pas vraiment rassurant, entre DAISY CHAINSAW, BAT FOR LASHES et une BO improbable de Witch movie de la fin des 60’s, mais qui dégénère en fête vaudou du côté de la Nouvelle Orléans. Blindé d’écho, de delay, c’est une caverne d’Ali-baba dont les couloirs rocheux mènent à « I Hate You », déclaration d’intention qui ne doit rien aux VERBAL ABUSE, mais qui se la joue STOOGES empêtrés dans un Rock pataud et gauchement Blues. Et croyez-moi, quand la voix hurle d’un ton acidulé cette haine, on a tendance à flipper.

« Trash Tongue » nous joue le coup du riff unique et sommaire comme des TRASHMEN de leur mère, alors que la poésie de « Shit on the Parkway » ose les quatre-vingt-seize secondes d’ennui qui se terminent dans un chaos de dissonance inouï.

La nuit s’achève dans un sursaut de speed, rythmique up et ultimate gigue, « Not For You », qui est pourtant pour nous, et qui nous termine sous des étoiles noires somme une âme de bâtard.

Epuisé, on vous le dit, mais après tout, la colère n’est pas faite pour être reposante.

On pourrait ranger le tout sous la bannière Riot Grrrl, mais quel sale raccourci pour parler d’un disque aussi Punk que Blues, aussi Garage blanc que stridences hurlantes, aussi sommaire qu’il n’est élaboré, aussi malsain qu’il n’est allumé.

Un disque de connaisseurs pour psychopathes rageurs, et qui, passé un jour de 1968 du côté de Newcastle, aurait peut-être fait sourire Mary…Mais les MARY BELL ne tuent personne eux. Ils se contentent de tout cramer sur scène et sur LP.

Ce qui est largement plus excusable, vous ne croyez pas ?


Titres de l'album:

  1. Please, No
  2. Empty Puppet
  3. Waste
  4. Sink - Sigh - Drown
  5. The Plague
  6. I Hate You
  7. Fire Fire
  8. Trash Tongue
  9. Shit on the Parkway
  10. Jonas' Swirls
  11. The Parade
  12. Bitmolette
  13. Not For You

Bandcamp officiel


par mortne2001 le 03/05/2017 à 14:37
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