Certes, j’en conviens, traiter du cas des HIEROPHANT le jour du réveillon n’est sans doute pas la façon la plus primesautière d’aborder les fêtes de Noël. Mais ça n’est pas parce que les victuailles attendent gentiment dans le frigo d’être étalées sur une table à la richesse gastronomique indécente qu’il faut pour autant oublier que le monde va mal, très mal.
Que la nature humaine est fort peu portée sur l’empathie, l’abnégation, la générosité et le partage. Et ça, par extension, les Italiens l’ont très bien compris depuis longtemps, depuis le début de leur carrière à vrai dire, et encore plus aujourd’hui.
D’ailleurs, ne déclarent-ils pas sans ambages :
« Notre nouvel album, Mass Graves, est l’aboutissement de deux années à accumuler du dégoût et de la déception à l’égard de la nature humaine, et de transposer ce ressentiment en musique. Et nous en sommes très fiers ».
Et le dégoût accentué de mépris à l’encontre d’une espèce qui court à sa perte avec le sourire narquois aux lèvres a salement inspiré le quatuor de Ravenne qui avec son quatrième album prouve qu’il n’a rien perdu de sa puissance ni de son arrogante violence, bien au contraire.
Enregistré au Pit (NAILS, DISGRACE) par Taylor Young (NAILS), et emballé dans un artwork superbe de Paolo Girardi, Mass Graves est plus une déclaration de guerre totale qu’un constat résigné qui s’apitoie sur son sort et celui de ses contemporains.
D’ailleurs, les HIEROPHANT ne s’apitoient sur personne, et surtout pas sur eux. Ils continuent leur entreprise de démolition avec une philosophie brutale qui leur est chère, et cette empilement de tombes donne à ce quatrième effort des allures de fosse commune dans laquelle les corps s’amoncèlent sans qu’aucune prière ne soir prononcée.
Puisque de toute façon, personne ne mérite d’homélie, autant appuyer un peu plus sur les plaies et balancer la première pelletée de terre avec détachement…
J’avais quitté les Italiens avec un Peste en suspens il y a deux ans, et je m’étais déjà déclaré estomaqué par la véhémence dont ils faisaient preuve, à cheval sur toutes les fréquences extrêmes chatouillant leur inspiration. Tout autant Powerviolence que Death ou Grind, les HIEROPHANT m’avaient cloué sur place et j’attendais avec impatience la suite de leur analyse, qui une fois de plus, exagère dans tous les sens du terme, mais dans le bon sens.
Agencé assez étrangement, Mass Graves impose son ambiance sans attendre, et pourtant, prend le temps de la développer pour s’enfoncer toujours un peu plus dans les traumas secouant son inhumanité. Et après trois morceaux d’une brièveté intense, les débats commencent, après nous avoir secoués jusque dans nos certitudes les plus absolues.
La comparaison avec NAILS n’est d’ailleurs pas déplacée, même si le son des HIEROPHANT est assez étrange dans sa concrétisation d’une violence tangible. Graves ambivalents, médiums agressant, et voix bien évidemment placée en avant pour vomir ses désillusions, les trois premiers morceaux passent comme dans un cauchemar, avant que le terrifiant « Mass Grave » n’impose son Death pesant et écrasant sans prévenir, et en contredisant de fait l’hystérie collective des trois premières minutes.
Certains ont reproché à cet album son manque de clarté, et sa direction artistique extrême un peu floue. Je pense au contraire que le quatuor savait très bien ce qu’il faisait, en transposant le triste spectacle d’une société condamnée à l’errance et la déchéance aléatoire.
Alors il est évident que la versatilité de cet effort peut surprendre pour qui s’attend à une attaque brutale de front, et à un tir ininterrompu de blasts et autres hurlements de colère.
Mais c’est justement cette ambivalence qui rend cet album aussi dangereux, comme la concrétisation outrancière d’un destin capricieux, imprévisible, mais inéluctable.
Et outre le parallèle tout sauf gratuit avec NAILS, la musique présentée ici rappelle aussi le ENTOMBED le plus gras et excessif, tout autant que la scène Sludgecore/Crustcore la plus affolée, TRAP THEM et PRIMITIVE MAN en tête de gondole.
Alors, on se sent déstabilisé par les successions de crises épidermiques, spécialement lorsque des morceaux aussi radicaux que « Crematorium » et « In Decay » s’enchainent sans transition. Si le premier joue la vitesse et la crudité d’un Grind/Death terrassant de claustrophobie, le second n’est que pesanteur, moiteur, et impasse d’espoir putride, à la lisière d’un Death Suédois manipulé par des Américains.
Et les Italiens ne reculent devant aucun détail glauque pour nous rallier à leur cause pessimiste, ce que le traumatique « Sentenced To Death » démontre en quatre minutes et quelques. Tempo de marche funèbre, ambiance d’enterrement global de seconde classe, pas lourds qui s’enfoncent dans un charnier, pour une relecture des cauchemars les plus sombres d’AUTOPSY par un psy SLUDGEHAMMER aux yeux éteints à la conclusion résignée.
« The Great Hoax » tente pourtant de le réveiller de son Grind tétanisant, reléguant même les FULL OF HELL au rang de simple attraction Freudienne, immédiatement suivi par l’aveu « Trauma », qui ne cache rien de ses desseins condescendants et appuyés d’un trait grossier et sans complaisance…
Mais c’est évidemment la chute vertigineuse de « Eternal Void », qui de son titre et de ses onze longues minutes vous laisse sur une impression de malaise. En avançant prudemment mais sans hésiter à s’enfoncer dans la boue d’arrangements baroques et bruyants, cet ultime pamphlet joue le nauséabond jusqu’au bout, se permettant même un drop avant les quatre minutes fatidiques, pour vous laisser seuls face à un mantra bourdonnant qui pourrait se concevoir comme seule conclusion possible en forme de point final qui s’évanouit dans une syntaxe de mort…
Mass Graves est plus qu’un album de musique extrême, c’est un regard de biais et mauvais sur une civilisation à l’agonie, qui ne trouvera le salut que dans le néant. En refusant de choisir clairement son camp, et en privilégiant une brutalité glauque, les Italiens s’affirment comme les leaders d’un nihilisme musical glaçant, empruntant autant aux vocables du Death, du Hardcore, du Grind et du Crustcore leurs arguments.
Pas le plus beau Noël de votre vie, mais il n’est pas interdit de célébrer la nativité en ayant conscience de la mort lente de notre humanité.
Une sorte de dernière fête avant l’apocalypse. Glauque, plombée, mais explosive. On se demande juste quelle sera la prochaine étape d’un parcours qui semble s’enfoncer de plus en plus dans la noirceur et le pessimisme.
Ah. Et joyeux Noël à vous. Non, je déconne.
Titres de l'album:
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