Bon, plantons un peu le décor. Imaginez-vous à Eindhoven, dans le pit. L’affiche est nettement Thrash, et les groupes se succèdent. Mettons un poil de l’arrière-garde radicale, quelques noms en devenir, et de solides têtes d’affiche.
Un panel genre EXODUS, ASSASSIN, TESTAMENT, KREATOR, HOLY MOSES, VIO-LENCE et ACCUSER. Vous êtes là, votre veste à patches sur le dos, la chevelure habile et souple, et le headbanging professionnel, ondulant sous les coups de boutoir de combos qui lâchent la vapeur et donnent tout ce qu’ils ont dans le bide.
Les premiers rangs deviennent plus compacts, vous vous sentez à l’étroit, vous transpirez, vos cheveux collent au front, mais hors de question pour vous d’essayer de vous dégager. Parce que vous êtes Thrash des pellicules aux baskets, et que l’essentiel est de capter le moment, peu importe le confort. L’énergie, le feeling, la vélocité, et puis, cette communion entre initiés qui vous donne le sentiment de faire partie du cénacle. Il fait trente-cinq degrés, l’atmosphère est étouffante, mais malgré cela, vous êtes heureux comme un pape que les NUCLEAR ASSAULT s’apprêtent à pendre.
Vous visualisez le truc ? Vous ressentez les vibrations de ce good friendly violent fun ? Parfait, sauf que vous n’êtes pas dans le pit à Eindhoven. Vous êtes chez vous, en train d’écouter le premier album des ASSAULTER. Et qu’importe après tout, puisque les deux expériences produisent le même résultat. Vous exultez. Et c’est normal, puisque Meat Grinder est le genre de disque direct qui vous replonge dans votre adolescence de bourrin de fosse en pleine crise de croissance.
Neither pity, nor remorse, le Thrash se respire, s’exhorte, se hurle et se renforce au contact des passionnés. C’est ainsi, et ce, depuis sa création, puisqu’il est un des rares genres aussi fédérateur qu’une distribution de chèques-cadeaux en entreprise. Sauf qu’ici, le cadeau, c’est la musique et la passion. Et que ça, c’est priceless. Et killer par la même occasion.
Les ASSAULTER ne sont pas les plus connus des nouveaux-venus sur la scène Revival Thrash, mais ne vont pas tarder à voir leur nom écrit en lettres de sang sur le front de tous les affolés du riff saccadé. Les trublions nous en viennent de Taranto, Italie, existent depuis 2007, et traînent leur lacets défaits et leurs t-shirts bariolés sur les routes locales depuis des plombes, mais n’ont réussi à sortir un EP qu’en 2011, sous la forme d’un six titres à l’intitulé explicite, Crushed By Raging Mosh.
Depuis, le travail de restauration des œuvres Thrash d’origine a continué, s’est peaufiné, et a atteint son apogée (ou presque) sur ce premier longue durée distribué par EBM Records, label mexicain spécialisé dans l’extrême de qualité (et éditeur d’une superbe collection Thrash Is Back, forte de quarante-six pièces à collectionner). Et de la pochette aux morceaux, de l’interprétation à la rage de bargeots, tout sonne casher sur ce LP qui exsude le Thrash par tous les porcs, et qui nous ramène derechef à l’époque bénie ou les ASSASSIN assassinaient, ou les TANKARD t’encartaient, et où les EXODUS tentaient l’exode Thrashback dans les mid 00’s. Du fun, de l’outrance, mais aussi de l’intelligence dans le radicalisme, pour un des albums les plus marquants de ces derniers mois, qui ne tourne décidément pas autour du vinyle de The Legacy comme autour d’un fût de bière tiède et moisie.
Et pour adopter une posture aussi franche que ce quatuor (Enzo – chant/basse, Paolo – guitare, GG – guitare, Rodolfo – batterie), disons que leur Meat Grinder a les qualités de son titre et découpe à vif tout ce qui dépasse, tout en proposant parfois de fines tranches de Thrash implacable.
Tout y passe, du faux mid tempo qui déclenche des crises de Mosh incontrôlables, à la soudaine accélération en coup du lapin qui vous jette dans le ravin, en passant par ces fameuses syncopes sèches et nettes qui vous plaquent au sol de la salle, les guiboles en l’air et l’air hilare de pervers Thrash sévère.
Simple.
Dix morceaux, une grosse demi-heure de tango brutal et viscéral, et au final, rien à jeter puisque chaque intervention a été affinée pour viser l’efficacité optimale si prisée.
Aussi radical qu’il ne peut être fin dans les coins, ce premier album fait preuve d’une maturité impressionnante dans la folie, et rappelle les plus belles heures de la fièvre folie Allemande, quand ASSASSIN et KREATOR se tiraient la bourre devant les faciès éclairés des HOLY MOSES effarés, tandis que les cousins Américains de VIO-LENCE rivalisaient d’intensité avec des GAMMACIDE déjà bien allumés.
C’est rapide, précis, vif et tout sauf indécis, et si ça galope pile devant en évitant les arbres, ça ne néglige pas les pauses pour autant, histoire de vous laisse reprendre votre souffle quelques secondes durant.
En gros, l’archétype de l’album parfait de bout en bout qui s’avale comme une Lucky Lager fraîche un après-midi de concert.
En outre, les lascars ont joué la diversité temporelle coûte que coûte, en passant au gré de leur inspiration débridée de saillies instantanées et purement Thrashcore (« L.M.T », genre de mélange entre « Hang The Pope » et « A Message To Survive » d’ASSASSIN), a de plus longues digressions ou le Thrash se veut félon et le Heavy pilon (« Terror World » atmosphère pesante pour riffs en pleine démence, « After The Countdown », on ne sait pas ce qui nous attend, mais c’est lourd et pesant, puis tout en hystérie de contretemps).
Mais les jets de bile Thrash à l’impact indélébile font loi, et entre le détonateur « Assaulter » qui dès le départ étale ses cartes Thrash sur la table, et ce final coup de poing dans le bide «Bestial Vomit » qui ne ménage pas les effets sonores imposés avant de se vautrer dans un Crossover endiablé (une belle gigue menée par Sabina Classen et Dan Lilker), vous passerez dans l’essoreuse « Pay To Play » et ses lyrics revanchards, et dans la broyeuse « Meat Grinder » et ses mâchoires réglées sur des BMP démentiels de foire à la bidoche.
ASSAULTER avec Meat Grinder propose la première machine à broyer studio qui vous recrache en live tout de go. Doté d’une production plus ‘88 qu’un riff de Scott Ian, avec des guitares à l’attaque matte et une rythmique en coup de batte, ce premier album est d’une urgence palpable, et parvient à recréer des sensations éprouvées en concert il y a bien des années.
Le genre de truc qui s’écoute d’un trait, l’œil malicieux et le front noyé sous les cheveux, en pleine séance d’air-guitar comme si vous n’étiez jamais devenu vieux. Mais avec des groupes de cet acabit, la maison de retraite n’est pas pour demain. Ils nous gardent jeunes et fiers, et le slam malin. Meat Grinder est un festival Thrash à lui tout seul. Mais invitez quand même des potes pour l’écouter. Le Metal fonceur, c’est comme le sexe, c’est meilleur à plusieurs.
Titres de l'album:
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