Les mecs se connaissent depuis vingt ans et sortent à peine leur troisième album ? Considérant en sus que le premier accuse aujourd’hui douze ans d’existence et que le second date de 2016, il y a de quoi se demander comment ces messieurs occupent leurs journées et surtout, comment gagnent-ils leur vie ? C’est justement le nœud du problème, puisque ces quatre américains équilibristes sont en temps normal pédagogues et session-men recherchés. Donc, entre l’enseignement et le studio, ils n’ont guère l’occasion de composer beaucoup de musique ensemble, et il est donc inutile de leur en vouloir. Mais un peu quand même, car lorsqu’ils composent ensemble, on en reste comme deux ronds de flan.
THE GORGE est un collectif constitué d’esthètes et d’acrobates du manche et des baguettes. Un quatuor de jazzmen passionnés par la culture Metal, et qui se cherchaient un exutoire à la mesure de leur énorme talent. Et quel meilleur créneau que le Metal Extreme Progressif pour se décharger du fardeau quotidien tout en assumant son bagage technique ?
Fraîchement signés sur Pelagic Records, label à la réputation irréprochable, les THE GORGE ont pu se laisser aller à la dérive de leur inspiration, entre Metal extrême, Progressif aplatissant, Mathcore poussé dans les orties, et Djent modéré. Mais la modération ne concerne que le dosage des éléments. Le reste est déraisonnable au possible, mais aussi, d’un sens de l’équilibre à tomber par terre. Mais avec des décennies passées à flatter les instincts Jazz le plus élitistes de la planète, il n’est guère étonnant que ces mathématiciens musicaux soient capables d’un tel prodige rythmique et mélodique.
Leur label les compare à une sorte de fusion entre BOTCH et MASTODON, mais cite quand même les mastodontes de MESHUGGAH pour faire bonne mesure. Et celles brisées de cet album donnent le tournis, alors que la puissance décoiffe salement. Disons pour mettre tout le monde d’accord que Mechanical Fiction sonne comme le mélange des cultures décrit par les trois nominations précédentes, et qu’il frappe en plein cœur de la cible les énamourés de la folie musicale carrée.
Et carré, ce troisième album l’est. Le fameux « de la maturité » en fait preuve évidemment, mais garde aussi en poche quelques grains de folie pour éviter de sombrer dans la complication excessive et les équations insolubles par le grand public. Et la frontière piétinée par les musiciens se situe justement entre le clinic de studio et la claque de compo, cinquante minutes de défouloir magnifique qui relègue la concurrence à des millénaires.
ARCHITECTS, ANIMALS AS LEADERS, DILLINGER ESCAPE PLAN, DREAM THEATER, la liste pourrait être longue, même si THE GORGE n’a guère besoin de comparaisons flatteuses. La musique du groupe de St Louis, Missouri, est aussi inextricable que limpide, comme une énorme corde à nœud emberlificotée, mais selon un principe logique. D’où, des plans incroyables, une tension permanente, qui trouve son pinacle en première partie d’album sur le miraculeux « Beneath the Crust ». Mais justement, que trouve-t-on sous la croute de cet album ? Des idées abondantes, quelques harmonies pour aérer les plans les plus serrés, des harmoniques roublarde, une basse en circonvolution, et surtout, une osmose globale qui fait sentir à l’auditeur que ces animaux se fréquentent depuis un bon bout de temps et se connaissent par cœur.
Toujours assez, mais jamais trop. Tel pourrait être le leitmotiv de nos lapins qui n’ont pas peur des phares de voiture. Tapping, mesures impaires, structure Jazz pour expurgation Metal, tel est le menu de ce troisième long, qui l’est juste assez. Presque Death parfois tant la violence se tasse, limite Thrash progressif quand l’horizon s’assombrit, mais appréhendable par les fans d’une musique qui sait le rester, Mechanical Fiction est un petit miracle qui ne vulgarise pas le propos, mais qui sait rester à la hauteur des néophytes de l’outrance instrumentale. Qui apprécieront sans aucun doute la chaleur de « A Decision Was Made », inédit de DEP joué par MESHUGGAH et MASTODON sur deux scènes différentes, et qui se délecteront de « Earthly Decay », qu’on croirait né d’un projet parallèle des poulains de l’écurie Magna Carta (pensez à du LIQUID TENSION EXPERIMENT vraiment plus méchant et…chanté).
THE GORGE nous propose même un superbe intermède entre TRIBAL TECH et Herbie Hancock (« Mechanical Fiction »), avant de nous la faire à l’endroit avec un épilogue de plus de huit minutes.
Qu’espérer d’un final dantesque de la part d’un groupe généreux et béni des dieux ?
Exactement ça justement, un déluge de violence qui synthétise des années d’extrême, tout en y ajoutant une audace propre aux musiciens de studio capés et réclamés. Lancé d’une lenteur pachydermique à boucher les alambics Sludge, « Wraith » est éprouvant, pesant, tiré vers le bas par un riff incroyablement redondant et doomy, et par un chant qui vomit ses tripes comme après une cuite de sextolets.
« Wraith » prend donc le contrepied en citant le NEUROSIS le plus insistant, avant de tout casser avec césure à l’hémistiche, pour mieux reprendre le thème et l’étirer d’une progression infernale, martyrisant les enceintes, et mettant les tympans à feu et à sang. Quel culot de terminer un exercice aussi périlleux que précis par un titre aussi sale et boueux, mais tel est l’apanage des créatifs qui vont toujours là où ne les attend pas forcément.
Il aura fallu patienter sept années pour retrouver les calculateurs de dérivées et autres fonctions, mais le silence en valait la peine. Il est comblé par un cri du cœur, et par un énorme coup de tonnerre dans le petit monde du Progressif. Aussi décadent que mesuré, THE GORGE enserre la nôtre et ne relâche jamais la pression.
Et la main laisse de sales traces dans le coup.
Titres de l'album :
01. Synapse Misfire
02. Remnants of Grief
03. Presence
04. Beneath the Crust
05. A Decision Was Made
06. Earthly Decay
07. Mechanical Fiction
08. Wraith
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