Avec un nom pareil, on pouvait s’attendre à un énième délire à la DEFICIT DES ANNEES ANTERIEURES, THE POWERS OF DARKNESS SHALL RAIN BLOOD UPON THIS CITY FOR 500 YEARS, ou même un truc à la THE NUMBER TWELVE LOOKS LIKE YOU. S’il est vrai que les bayonnais ont fait fort avec leur très scrabble LA FIN DE LA SOCIETE TELLE QUE NOUS LA CONNAISSONS, ils n’en sont pas pour autant des trublions agités incapables de composer un morceau cohérent.
Loin de là.
LA FIN DE LA SOCIETE TELLE QUE NOUS LA CONNAISSONS, le groupe qui fait gagner quelques signes quand on l’emploie n’est pas né d’hier, ni du dernier dictionnaire jeté au hasard. Le quintet existe depuis le début des années 2000, et a publié de façon erratique quatre albums. Sauf que les dits albums ont été méchamment espacés, et divisés en deux périodes. Ce qui nous a donné le temps de les oublier…sauf que non. Et lorsque le troisième album éponyme a vu le jour, nous avons tous retrouvé la lumière. Mais 2017, c’est loin, et il était temps de remettre les notes et les mots dans le bon sens.
Le leur.
Avec Melancolia, le groupe se met plus volontiers à la colle avec le Lars Von Trier du même film, qu’avec la famille gothique/Doom à laquelle il n’appartient pas. Cinq musiciens (Mika - basse, Adri - batterie, Fanny - violoncelle électrique/samples, Kris - guitare/samples/chant et Mathieu - guitare/chant) qui connaissent leur partition, et qui la lisent dans le sens qui leur chante. Ce qui nous donne une sorte de Metal extrême qui n’en est pas, et qui mélange les accents sombres du mouvement RIO, le Zeuhl de notre cher Christian, mais aussi l’approche de cordes des APOCALYPTICA.
Sacré mélange, mais qui dans les faits est retranscrit par une musique libre, riche, fouillée, iconoclaste mais précise et…mélancolique. D’où ce titre, très adapté, et qui nous promet un voyage inoubliable, aussi académique que fou, mais résonnant des accords mineurs d’un orchestre majeur au sommet de ses capacités créatives. Si le schéma est assez clair dès le départ, si les intonations automnales sont plus présentes que les charges électriques, il ne faut pas non plus prendre le groupe pour un quintet tzigane traînant son spleen de foires en aurores. LA FIN DE LA SOCIETE TELLE QUE NOUS LA CONNAISSONS est en quelque sorte cet invité surprise d’une fête de la musique improvisée, qui se sent capable de nous divertir, de nous charmer, de nous émouvoir, mais aussi de nous écraser les tympans avec des passages aussi violents qu’un proto-Doom romantique (« Crescendown », superbe et crépusculaire).
Entre un Kusturica en rupture de bans et un UNEXPECT plus sobre et poli, le groupe ose des harmonies pastorales, des teintes orangées, et un cachet vintage qui finalement, l’éloigne de toute datation trop précise. Ces chansons, la plupart du temps dénuées de chant pourraient avoir été composées dans les années 70 (les références à la scène Progressive française sont légion pour qui sait les écouter), les nineties ou même les fifties, si votre imagination fonctionne encore à plein régime.
On ne peut évidemment s’empêcher de penser aux électrons les plus libres de la scène frenchy, les CARNIVAL IN COAL, 6:33, RUFUS BELLEFLEUR, mais ce name-dropping n’a d’autre effet que de nous éloigner de la réalité des faits. Si tous ces artistes revendiquent leur légitimité dans l’originalité, ils ont tous leur monde, leur approche, leur optique, et leur résultat propre. Et celui de Melancolia est immaculé, d’une beauté saisissante, mais d’une simplicité désarmante. Nous sommes entre gens simples, et pas entre techniciens du solfège qui débâtent de l’intérêt d’une septième ou d’une neuvième augmentée, et le seul but avoué de cet orchestre familial n’est autre que de vous offrir quarante minutes de plaisir, quelque part entre la beauté de Bayonne et les merveilles de la Gironde.
Pour apprécier ce petit chef d’œuvre, il faut savoir se laisser aller. Les nuances peuvent sembler imperceptibles, mais sont bien là, et lorsque le groupe abandonne ses réflexes pour s’adonner aux joies d’un Metal métissé et syncopé, on retrouve l’esprit ludique et festif de DIABLO SWING ORCHESTRA, sur le très dansant et catchy « Hikki ».
« Last Star » vous réserve une autre jolie surprise avec son ambiance Grungy Classical, des cordes toujours en contradiction, avec un violoncelle un peu jauni et une guitare qui assombrit, avant que le final « Highway 21 » ne s’emballe soudainement comme un tube de PRODIGY passé à la moulinette ATARI TEENAGE RIOT, électronique en avant, violence dans le vent, et agression des sens.
Avec une première moitié homogène et une seconde plus éclectique, Melancolia se hisse au rang des œuvres les plus originales de son temps, sans chercher justement à sonner comme tel. Le quintet se rappelle à notre bon souvenir avec les bonnes compositions, et les sensations procurées sont toujours aussi précieuses. De l’artisanat de haute volée, pour amateurs de beaux bois et de belles cordes, et un salut de la main qui fait chaud au cœur.
Titres de l’album :
01. Crashline
02. Cutoff
03. Asphalt
04. Dark Inception
05. Crescendown
06. Attraction
07. Hikki
08. Melancolia
09. Last Star
10. Highway 21
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