Quand un groupe se réclame d’un Progressif extrême, j’ai toujours tendance à me méfier. D’autant plus lorsqu’il se sent obligé d’ajouter que ses inclinaisons Post Metal sont volontaires. Dans le premier cas, je m’attends toujours à un Djent roboratif au possible, ennuyeux sur la durée et prétentieux dans les ambitions. Dans le second cas, je crains des débordements contemplatifs rébarbatifs, de longues complaintes solitaires en pleurnicheries utopistes, et des mélodies étirées à l’infini pour dissimuler un manque de créativité. Alors, lorsque les deux composantes sont réunies, mon appréhension n’en est que plus grande. Mais connaissant l’art des BINARY CODE, il n’y a pas de place pour les doutes ou les craintes. Les américains ont prouvé depuis longtemps qu’ils étaient capables d’échapper aux figures les plus imposées pour imprimer leur patte unique à une musique hors du temps et des modes. Fondé en 2004, ce collectif créatif a d’abord pris son temps pour modeler son approche, au travers de cinq démos successives avant d’oser se lancer dans le grand bain du longue-durée. Leur premier effort professionnel a vu le jour en 2009, cinq ans après leur émergence, et Suspension of Disbelief a vite montré les capacités de musiciens se réclamant d’horizons divers, mais de philosophies convergentes. Sans se précipiter après ce départ, les américains ont privilégié quelques formats courts en lâchant deux EP’s en cinq ans, avant de revenir par la grande porte avec Moonsblood. Ce second chapitre montrait des signes d’évolution et de progression, le style de la formation s’affinant avec le temps, et après quatre années de silence, BINARY CODE passe donc le cap crucial du troisième album avec un panache incroyable, nous offrant la diversité de ce Memento Mori comme cadeau de retour. Memento Mori, artefact destiné à se souvenir des morts est un titre assez ironique pour un groupe qui n’a jamais semblé aussi vivant. Sans renier leur passé, les musiciens ont choisi de se tourner vers un avenir futuriste, qu’on serait tenté de percevoir comme une dystopie au regard des tonalités sombres de l’album, mais qui dégage un espoir assez utopique dans les faits, en acceptant la lumière mélodique qui s’en dégage.
Citant sans honte une bordée d’influences qui balisent le terrain couvert (KATATONIA, GOJIRA, SEPTICFLESH, PARADISE LOST, EXTOL, MUDVAYNE, MESHUGGAH, DEVIN TOWNSEND, STRAPPING YOUNG LAD, PINK FLOYD), les BINARY CODE prouve que leur langage est tout sauf binaire est constitué de 1 et de 0. Loin d’une musique machinale et mécanique, leur art repose sur un équilibre parfait entre la brutalité la plus crue et l’harmonie la plus ouverte, ce qu’on ressent à l’écoute de chaque morceau. On pense parfois à l’écoute de certains titres à la référence absolue de TEXTURES, mais le talent naturel des musiciens permet d’éviter les comparaisons les plus évidentes. Première constatation, l’écart séparant les passages les plus violents et les digressions les plus évanescentes est clairement prononcé, avec des écarts d’ambiance frappants. C’est particulièrement notable sue le terrifiant « Unborn » qui utilise une dualité très marquée, évoquant le GOJIRA le plus brutal tout en s’en remettant au Devin TOWNSEND le plus épuré lors des accalmies. Mais là où d’autres groupes semblent forcer le trait lorsqu’ils durcissent le ton, les BINARY CODE réagissent de façon très naturelle et ne font qu’exprimer leur nature profonde pour convaincre les amateurs d’extrême de leur pertinence. En utilisant le clavier comme contrepoint d’ambiance, Memento Mori offre une ambiance vraiment prenante, à la limite de la mystique, qui permet d’apprécier les approches les plus convenues d’un Metal moderne classique, mais toujours efficace (« Those I Sought to Spare »). Les américains s’offrent même le temps d’un solo le talent de Jeff Loomis, venu poser quelques notes apaisées dans la tempête. Loin d’un simple featuring en gadget, cette apparition est une vraie plus-value s’inscrivant totalement dans la démarche d’un album ouvert, aux sonorités multiples. Alors, Extreme Post Metal ou tout autre chose ? Un peu des deux, le flair dont font preuve les musiciens leur permettant d’échapper une fois encore aux étiquettes, proposant une sorte de Metal progressif moderne constamment agressif, mais totalement mélancolique.
Le défaut principal de ce genre de réalisation est souvent sa trop grande unité dans la linéarité, mais l’écueil est brillamment contourné par des astuces de composition très intelligentes. Toujours prompt à lâcher des introductions qui immergent, les américains savent jouer l’agencement et la montre pour ne pas lasser, usant d’arythmies très intelligentes et de petites prouesses techniques délicates. Certes, l’alternance entre la violence et la quiétude est un peu systématique, mais certains segments moins évidents permettent de rétablir l’attention, à l’image du très radiophonique « Even Death May Die ». L’inspiration en appelle aux DEFTONES les plus actuels, qui auraient accepté la concession de claviers discrets, et au fur et à mesure de l’écoute, on prend mesure de l’ampleur de la réussite, lorsqu’on constate que chaque chanson a son identité propre. Louvoyant toujours entre la délicatesse et la brutalité, BINARY CODE nous propose une liberté de ton qui convainc sans peine, la production mettant l’emphase sur l’amplitude lorsque la tension monte d’un cran. Opposant une guitare acoustique claire et pure et des arrangements en volutes à des riffs puissants et concentrés, le quatuor (Oded, Jesse, Connor et Austin) propose une échappatoire Post à un Death Metal expérimental très culotté (« Away With Oneself »), sans trahir l’un ou l’autre des deux camps. Osant même parfois s’éloigner de son schéma pour nous séduire d’une coupure digne d’un PINK FLOYD contemporain (« Fade Into You »), Memento Mori conchie la facilité d’un Post trop évident, et saute du coq à l’âne sans sonner incongru. Ainsi, nous pouvons apprécier la technique affûtée de « Notion of Gravity », un peu Metalcore dans les faits, mais trop précis pour en accepter les facilités.
Tout n’est pas encore parfait dans le meilleur des mondes, mais avec un chanteur maniant avec classe l’art du contrepied chant clair/growls sans tomber dans les clichés, une section rythmique précise et souple, et un ensemble mixé à la perfection, BINARY CODE propose une alternative intéressante, aussi accrocheuse que précieuse, et aussi populaire qu’elle n’est pointue.
Titres de l’album :
01. Filaments Dissolve
02. Into the Maw
03. The Absolute Nothing
04. Unborn
05. Those I Sought to Spare
06. Even Death May Die
07. Embers
08. Away With Oneself
09. Fade Into You
10. Notion of Gravity
11. Let Them in Your World
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30