Des noms connus, des groupes plus que connus, et pourtant, les conclusions pouvant être tirées de cette implication sont beaucoup moins simples que prévu. S’il est de notoriété publique que les musiciens jouant dans un contexte particulier en premier lieu ne sont pas forcément rattachés au genre pratiqué, il est toujours assez surprenant de constater l’écart qui sépare un emploi fixe d’un projet annexe, qui finalement, devient un projet principal avec les années. C’est ainsi qu’en découvrant il y a deux ans le premier album du concept LILLAKE, nous fumes tous tentés de rapprocher le dit concept des entités s’y affiliant, faisant ainsi fausse toute et affrontant une déconvenue de facilité critique qui apparaissait pourtant inévitable. Il faut dire qu’avec à la barre du navire des vieux loups aguerris de la trempe de Nico Santora (guitare/chant, ex-SUICIDAL TENDENCIES, ex-THE FACELESS), et Eric Moore (batterie, ex-SUICIDAL aussi, et ex-INFECTIOUS GROOVES), nous avions de quoi espérer un maximum de groove et de Crossover, ce qui rendit l’étonnement encore plus grand lors de l’écoute du premier LP en question. Become, publié en 2016 attira donc grandement l’attention, et personne ne fut déçu de constater que l’évidence avait été laissée de côté au profit d’une musique moins facile d’accès, mais Ô combien plus riche et déstabilisante. Et depuis, des tournées en support de MEGADETH et en partenariat avec MESHUGGAH ont confirmé le potentiel énorme d’un ensemble qui décidément ne voit pas le Metal du même bout de la lorgnette que ses contemporains, à tel point que deux ans plus tard, personne n’est vraiment capable de définir avec acuité la direction artistique des LILLAKE. D’ailleurs, les sites parlant de ces musiciens ont bien du mal aussi à les enfermer dans de petites cases, à tel point qu’on préfère de loin les caler dans le créneau de l’expérimental, approche vague destinée à cacher le manque d’informations…Certains sont même allé parler de Doom, en s’appuyant sur une lourdeur générique beaucoup plus complexe pourtant que de sempiternelles litanies emphatiques.
Alors, 2019, LILLAKE est-il devenu plus facile d’accès ? Que nenni, et Memory Lies de compliquer encore un peu les choses tout en suivant une trame claire depuis les origines. Si les deux leaders sont toujours là, ainsi qu’Alex Vasquez à la basse (ABIOTIC), ils se retrouvent secondés aujourd’hui du second guitariste Bill Pogan pour un second chapitre aux pages aussi noircies que celles de son prédécesseur. Les mélodies sont toujours aussi présentes, les à-coups rythmiques aussi, et la pluralité toujours aussi dense, ce qui produit un effet hypnotique de perdition toujours aussi agréable, un peu comme une pièce aux dimensions variables et aux volumes mouvants dans laquelle on a du mal à évoluer pour cause de manque d’équilibre. Et ne comptez pas sur moi pour vous donner les repères nécessaires à une progression à l’aveugle, puisque l’intérêt même de ce groupe est de ne ressembler à aucun autre, tout en rappelant des références établies, au second degré évidemment. Si certains soli ne sont pas sans rappeler la patte de Rocky George des SUICIDAL, si certaines ambiances de spleen nous ramènent à l’époque des premiers DEFTONES, si la complexité ambiante et l’approche arty ne sont pas sans évoquer la magie inextricable des TOOL, le tout additionné à de méchantes allures d’auberge espagnole, accueillant chaleureusement toux ceux voulant bien en franchir la porte, pour ensuite former une famille soudée aux buts communs. Difficile aussi de ne pas voir aussi dans ce second album un bel hommage rendu à la scène des années 90, cette scène qui poussait les meubles pour agrandir le champ de vision, et qui ne pouvait plus se contenter du label Metal pour satisfaire ses exigences artistiques. Et à l’écoute de certaines pièces musicales, certains se souviendront avec nostalgie de leur adolescence placée sous l’égide de la pluralité, regardant avec émotion de vieilles photos jaunies dans les magazines qui laissaient alors tomber la mode des 80’s pour se tourner vers un avenir plus créatif.
Et sous une sublime pochette pouvant suggérer des envies de Thrash old-school, se cache l’un des messages les plus francs de la musique moderne. Méfiez-vous des masques, ils cachent souvent une personnalité que la lumière du jour illumine sans fard, et ne croyez-pas bêtement les apparences non plus. Car sous des atours de douceur, se cache sans doute l’un des groupes les plus fondamentalement violent et biaisé de sa génération, génération presque entièrement vouée au recyclage de vieilles idées par facilité. Ici, on recycle aussi, mais inconsciemment, et presque par défaut, puisque les thèmes utilisés trouvent leurs racines dans une époque où la linéarité n’avait plus droit de cité, et ou le Rock pouvait être à la fois classique et alternatif. Et entre des riffs pleins, des soli déliés, des couches vocales en strates oniriques, et une rythmique souple épousant toutes les formes souhaitées, le résultat n’en est que plus ardu à identifier, et pourtant si facile à apprécier. Mais concrètement, et en se basant sur les mélanges opérés par les américains, Memory Lies pourrait bien être le meilleur album de ce premier trimestre 2019. Parce qu’il en a les chansons, parce qu’il en a la créativité, la fougue, et surtout, l’imagination et le culot. Il en faut d’ailleurs pour mélanger des influences aussi disparates que FAITH NO MORE, THE FACELESS, ALICE IN CHAINS, LIFE OF AGONY, CYNIC, mais aussi quelques traces de Néo-Death suédois, très subtiles, en arrière-plan pour ne pas prendre trop de place. Et très sincèrement, un épilogue de la trempe de « Going Away », aux contretemps à faire sourire les PERYPHERY et Mike Mangini, aux ponts aériens à décontracter Jerry Cantrell, aux riffs en cocotte à rendre les DEFTONES fiers de leur engeance indirecte, et à l’ambiance générale cotonneuse mais terriblement prenante à de quoi intriguer, spécialement après avoir digéré les trente première minutes de ce second album qui ont tout fait pour préparer le terrain.
Car sous des atours plus ou moins opaques, les LILLAKE jouent plus ou moins franc jeu. Ils n’hésitent pas à fricoter avec la vague Metalcore, tout en se distanciant d’une technique beaucoup trop précise, pour accoucher d’œuvres qui prônent la délicatesse et la violence, la résilience et la vitesse, osant des blasts incongrus et des refrains hurlés sur tapis de basse gentiment slappée (« Kma »). On sent dès cette entame que les choses vont être différentes, beaucoup moins accessibles que prévu, d’autant que les arrangements techniques d’une précision infinie viennent souvent enrichir des textures sonores pleines. La multiplicité du chant, naviguant des hurlements stridents aux volutes légères (trademark Paul Masvidal), les envies d’ailleurs de guitares qui refusent de jouer le jeu du riff immédiat et qui pourtant restent d’une efficacité terrifiante (le riff de « Waste » est un modèle du genre, à cheval entre Post Hardcore, Techno-Thrash et Hardcore), et la percée en avant d’une section rythmique dont tous les détails sont à vue (fait assez rare pour être souligné) font de Memory Lies un labyrinthe étrange, aux couloirs se resserrant, encombrés de miroirs renvoyant une image multiple (« Wait For You », 90’s jusqu’à la mort, mais au son de batterie plus contemporain qu’un inédit de THE HARDKISS). Et au bout d’un moment, après avoir compris que chaque piste s’éloignait un peu plus de la précédente, on réalise que ce mélange taille king size est certainement le plus accompli de ce nouveau siècle, inventant presque son style à base d’impulsions Core, de contemplation Post-nineties, de technique héritée des RUSH, et de compromis synthétiques tout sauf fâcheux. Un accomplissement en soi, et surtout, la confirmation d’une singularité, que le temps ne pourra pas effacer. Et après deux albums seulement, les LILLAKE se bombardent chefs de file d’un mouvement qui n’existe pas. Ce qui est toujours l’apanage des plus grands.
Titres de l'album :
1.Intro
2.KMA
3.Visceral Disillusion
4.Waste
5.I'm Saved
6.Mask
7.Wait for You
8.Bed of Lies
9.Erased
10.Going Away
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