Imaginez un peu un monde où une chanson pourrait voir son instrumental signé par Billly Corgan et son chant incarné par Mikael Nilsson de SILENCER. Ça peut sembler un peu onirique comme ça, même légèrement cauchemardesque, et c’est pourtant ce que vous proposent les NATURE MORTE avec leur entame « Only Shallowness ». Alors, de là, j’entends déjà un concert de voix qui s’élèvent, dans une cacophonie assourdissante, raillant déjà l’optique Post Black choisie par le groupe. Mais oublions un instant que cette option soit la seule, ou même qu’elle soit cruciale : le second LP des parisiens est d’importance, et n’a cure des querelles de style, genre « Le Post quoi-que-ce-soit, c’est pour les bobos nourris au quinoa », ou « avec un nom pareil, autant faire de la peinture, pas de la musique ». Fondé en 2015, le trio (Chris Richard - basse/chant, Vincent Bemer - batterie et Stevan Vasiljevic - guitare) a déjà fait ses preuves sur un premier album, NM1, publié il y a trois ans. Depuis, ils ont rejoint l’écurie d’un jeune label aux ambitions prononcées (Source Atone Records), sont promu par une agence de passionnés (Agence Singularités), et se présentent à nous avec le travail le plus abouti de leur jeune carrière. Six ans de parcours seulement, une démo, un split en compagnie de HEGEMON, deux albums, largement de quoi établir une réputation et faire des envieux.
Sauf que la complexité et la beauté de la musique de Messe Basse sont aussi difficiles à décrire que sa pochette est limpide. Un baptême, probablement des années 70 au vu des vêtements et de la moustache, des sourires de convenance, une image fugace d’une vie simple qui rejaillit dans des chansons faussement complexes qui en appelleront à la sensibilité de chacun. Le genre de disque qui donne envie d’écrire aux lecteurs « écoutez, ça suffira pour vous faire un avis », et de mettre un point final à cette chronique, complètement inutile puisqu’elle ne convaincra pas les détracteurs qui pensent encore que le Post, le Shoegaze et le Black n’ont rien à foutre ensemble, et que DEAFHEAVEN est le groupe le plus chiant de l’univers. Je ne me fatiguerai pas à vous convaincre, le résultat est là, et libre à vous d’arrêter la lecture de cet article pour passer à autre chose ; les autres, sachez juste une chose, ou deux : l’album est long, mélodique, concentrique, hypnotique, aussi Black qu’il ne l’est pas, mais vous laissera avec des images plein la tête qui dépendront de votre imaginaire personnel.
Enregistré, mixé et masterisé par Edgar Chevallier au Lower Tones Place Studio (DEMANDE A LA POUSSIERE, 6:33, DREADFUL SILENCE), Messe Basse en est une quelque part, tout du moins un secret que l’on se transmet entre initiés capables d’apprécier des mélodies pastorales sur fond de hurlements cryptiques et acides. En sept chapitres seulement, le trio développe des arguments qu’il maintient pendant plus de cinquante minutes, et qui provoqueront un schisme entre les pro et les anti. Musicalement, l’affaire tient évidemment la route de bout en bout, en s’appuyant sur le contraste entre cette guitare automnale et ce chant exhorté à pleins poumons. La technique est connue depuis les débuts du Post et du Blackgaze, mais appliquée ici avec plus de poésie que d’opportunisme. L’album suit une ligne conductrice assez simple, les morceaux se fondant les uns dans les autres, avec des harmonies servant de fil rouge que Chris prend un malin plaisir à ruiner de ses intonations sataniques venues du fond des temps. C’est assez complexe dans la forme, mais limpide dans le fond. Et lorsque l’emphatique « Knife » résonne, on se demande si les deux écoles nineties ne s’affrontent pas dans un duel mortel à la plume, tant cette composition sonne comme une bataille rangée entre le Post-Grunge et le Black Metal nordique des années 95/98. Les longues plages faussement contemplatives succèdent aux périodes instrumentales mélodiques amères, et le cheminement prend tout son sens, puisque le groupe sait très bien où il va : où il veut.
J’ai personnellement trouvé ça très beau et très pertinent à la fois, comme si NATURE MORTE, au lieu de peindre un paysage quelconque ou une corbeille de fruits s’ingéniait à dépeindre le monde qui l’entoure dans toute sa dualité et son horreur dans la beauté. Les percussions de « T.S.O.C », loin de créer une tension agissent comme un mantra que le riff très distordu peine à troubler. La gravité est omniprésente, mais toujours allégée d’un arrangement de clavier, ou de quelques notes cristallines dispersées par Stevan. Le silence est judicieusement utilisé, et ne sert pas à combler les trous, mais bien à aménager des espaces de respiration pour que l’auditeur n’étouffe pas dans cette étuve ambiante. Les crescendos sont classiques, mais toujours efficaces, et portés par cette voix écorchée unique qui aurait pu fut un temps incarner toute la vilénie de la Norvège ou se poser en étendard de l’USBM.
Mais alors, en fin de compte, qu’est ce qui ne va pas dans cet album ? Fondamentalement, rien, et c’est justement ça le problème, puisque la démarche adoptée par le groupe depuis ses débuts lui impose des limites qu’il va bien falloir respecter un jour. Si Messe Basse est terriblement proche de la perfection, cela implique que les trois parisiens disposent d’une marge de progression très réduite. Ils peuvent certes encore jouer sur les limites, accentuer la puissance assourdissante des parties purement Black, trouver des harmonies encore plus pures, mais le système restera le même. Je crois qu’à l’image de « Beautiful Loss », il ne faut pas se poser de questions inutiles, et laisser nos émotions nous porter sur le flot de cette tranche de vie. Evidemment, la quiétude initiale de « Night’s Silence », qui évolue petit à petit vers un cauchemar bruitiste sans fin nous oblige à spéculer, mais attendons la suite, et pour le moment, savourons cette victoire du trio qui rejette toutes les étiquettes pour se concentrer sur sa propre liberté de ton.
Un monde différent, qui ne séduira pas tout le monde, loin de là. Pas une utopie, juste une solution alternative à la sagesse générale qui préfère rester dans les balises de sécurité pour attendre la fin en toute tranquillité. Sauf que la fin est déjà là, et que la plupart des gens le savent.
Titres de l’album:
01. Only Shallowness
02. White Goat, Dark Hoof
03. Knife
04. T.S.O.C
05. Beautiful Loss
06. Night’s Silence
07. Messe Basse
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