Voilà un album qui aura coûté très cher à l’un de ses concepteurs, et dont la mise sur le marché tient du petit miracle en soi…Je vous résume l’affaire, nous sommes en 2019, et Relapse s’apprête à sortir le troisième album de TAU CROSS, supergroupe axé autour d’une poignée de musiciens fameux. Mais en jetant un regard plus attentif à la thanklist, le label s’aperçoit de la présence d’un nom particulièrement indésirable, celui de Gerard Menuhin, théoricien complotiste de l’extrême droite connu pour avoir publié un livre négationniste (Tell The Truth And Shame The Devil, publié en 2015). Visiblement, ce nom aurait été mentionné dans le livret à la demande du leader Rob Miller, qui a du regretter amèrement son choix. Choix qui a entraîné le limogeage du groupe de sa maison de disque, la destruction des exemplaires pressés, et le départ de quatre-vingt pour cent du groupe, qui ignorait tout de cette demande un peu douteuse…Et si cet album a fini par voir le jour sur un label beaucoup plus modeste aujourd’hui, il n’en reste pas moins que cette histoire a laissé des traces dans les mémoires, et que les fans du groupe risquent de déserter les rangs de leur ancien chanteur favori. Bien mal en a pris à Rob Miller, l’ex-AMEBIX, qui a méchamment mal calculé son coup, et qui a perdu la confiance et le jeu de ses anciens partenaires, Michel « Away » Langevin en tête de liste, mais aussi Andy Lefton, John Misery et Tom Radio. Aujourd’hui, Rob revient donc sur le devant de la scène flanqué de deux nouveaux sidekicks, plus anonymes, et aux pseudos sympathiques et opaques (The Kurgan - guitare et Talamh - batterie).
Messengers of Deception n’a donc pas les honneurs de Relapse, mais ceux de Heretical Music, subdivision d’Easy Action Records, et ne ressemble absolument plus à ce qu’il était encore en août 2019. Rob a revu et corrigé le tracklisting, réenregistré des morceaux, ajouté des inédits, et il est donc difficile de dire si le résultat est si éloigné que ça de la copie originale. Mais en se basant sur le résultat effectif, il n’est pas vain de dire que Rob a bien fait de presque tout reprendre à zéro, tant ce troisième album exhale une puissance incroyable et balaie tout sur son passage. Très éloigné du Crust d’origine de son groupe AMEBIX, Rob continue d’explorer la croisée des chemins, fricote avec l’Indus, le Thrash, le Post-Rock, le Post-Punk, le Metal le plus dur, au point de parfois avoir de faux airs d’enfant illégitime de KILLING JOKE et MINISTRY (« Burn with Me »). Et il le fait en disposant d’un son énorme, qui en appelle au Metal Indus le plus biaisé, bien qu’une fois encore l’orientation soit plus ou moins floue et se réclame tout autant des SISTERS OF MERCY que d’ALICE IN CHAINS ou même de THERAPY ? pourquoi pas. Si la guitare est toujours épaisse et le chant raclé et revendicatif, l’ambiance générale est plus personnelle, et surtout, assez éloignée des deux premiers LPs du groupe. Pas étonnant, puisqu’il a été enregistré par d’autres musiciens, et uniquement supervisé par Rob.
Alors certes, la controverse reste d’actualité, et on a du mal à pardonner au chanteur son fâcheux écart de position. Et si cet album avait été franchement planté, les banderilles étaient déjà prêtes et la mise à mort annoncée. Mais il faut bien se rendre à l’évidence, Messengers of Deception est une réussite totale, aussi empreint de Sludge et de Doom light que de Metal plus traditionnel et parfois mélancolique, sans oublier ce Post-Rock dont le vocaliste est friand, et qui anime le break central du surprenant « VOTL ». Et ce troisième longue-durée pourrait même faire honneur à la discographie la plus récente de Jaz Coleman, ou bien s’affilier à l’un de ses projets parallèles, tant les ressemblances entre les deux groupes se sont accentuées. On note des fragrances de lourdeur et d’oppression sur le martial « Babylonian Death Cult », mais aussi une volonté de se rendre plus accessible sur « Hollow Earth », qui peut être un bon point d’entrée pour qui ne connaît pas encore le concept. Album diversifié à outrance mais lié par une production en fil rouge, Messengers of Deception n’a donc rien de cet album mort-né qu’il aurait dû être si Rob ne s’était pas battu pour le faire vivre, quitte à le transformer presque complètement pour parvenir à ses fins et le rendre viable.
Le choix de la variété des tempi garde presque secrète cette linéarité des riffs qui agit comme un mantra d’arrière-plan, tandis que la voix unique de Rob passe par toutes les nuances pour envouter l’auditeur. On sent même parfois une basse fantôme louvoyer au premier plan, comme un serpent prêt à mordre (« Drowning the God »), et on se laisse volontiers happer par le bourbier gigantesque de « Three Tides (Or the Triale of Pyrat John Bellamie and Seawytch Annabel Green) », qui de sa houle et de son vent nous entraine vers d’autres paysages. Instruments d’appoint, acoustique bienvenue, atmosphère de légende racontée à la lueur d’une bougie, ce morceau représente l’acmé que l’on est en droit d’attendre d’une œuvre pareille, qui touche presque au mystique, tout en restant musicalement très réaliste.
Bien pensé, bien équilibré, réorganisé pour sonner comme un album frais et non un rafistolage de dernière minute, Messengers of Deception se permet même un épilogue fragile et usé, emmené par un piano au dernier souffle, avec ce « Sorrow Draws the Plough » que Shane MacGowan ou Justin Sullivan auraient pu chanter dans un rade. Superbe conclusion que cet instant d’émotion, qui permet à ce troisième album de relever la tête, et d’affronter le jugement des critiques et des fans avec la satisfaction du travail bien fait. Œuvre à part dans la discographie de TAU CROSS, ce longue-durée à la naissance aux forceps incarne plus un nouveau départ qu’une continuité. Attendons de voir si l’imprévisible Miller ne va pas commettre de nouvel impair à l’avenir.
Titres de l’album:
01. Yaldabaoth
02. Hollow Earth
03. Burn with Me
04. Black Cadillac
05. VOTL
06. Messengers of Deception
07. Babylonian Death Cult
08. Drowning the God
09. Three Tides (Or the Triale of Pyrat John Bellamie and Seawytch Annabel Green)
10. Sorrow Draws the Plough
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