Il en va des artistes comme des gens de tous les jours. Comme des amis par exemple. Certains d’entre eux sont des gens parfaitement à l’aise dans la normalité de leur routine, acceptant la répétition d’une vie basée sur les habitudes, les cérémonials, les petits tics, et ne vous décevront jamais en vous ouvrant leurs portes, mais ne vous surprendront jamais non plus. Seulement, vous les aimez parce que vous savez qu’en cas de problème, vous pouvez les appeler sans qu’ils ne trouvent une excuse pitoyable pour refuser une main tendue. D’autres au contraire, sont fantasques, imprévisibles, mais admirables de culot et d’audace. Ils peuvent annuler un rendez-vous au dernier moment sans excuse, disparaître sans donner de nouvelles pendant des mois, et revenir un jour, des souvenirs incroyables à raconter et vous faire sentir en confiance totale, en osmose parfaite. Un genre d’expérience humaine en immersion, occultant le matérialisme ambiant, et se basant sur une profondeur d’émotions incroyable. On craint ces amis-là, parce qu’on ne peut anticiper leur comportement, ils fonctionnent parfois comme des autistes amicaux, répétant les mêmes gestes et paroles pour se rassurer, et soudain, lancent une idée incroyable sur le tapis qui ouvre des perspectives qu’on n’imaginait même pas quelques instants auparavant. La qualité d’une vie se base sur l’équilibre entre ces deux options : vous avez le choix. Artistiquement parlant, la métaphore est viable, vous pouvez préférer le confort d’un artiste qui répète ses formules ad vitam aeternam, ou au contraire chérir les génies capricieux qui osent vous sortir de votre zone de…confort. Je n’ai jamais choisi de camp, ou plutôt celui en juste milieu que je viens de décrire. Ainsi, j’aime tout autant les RAMONES et NEUROSIS que Mike Patton, Zappa et CAPTAIN BEEFHEART. En extrême, il en va de même. NAPALM DEATH trouve place dans mon giron affectif tout autant que DEDECAHEDRON. Alors, les finlandais d’ORANSSI PAZUZU font depuis très longtemps partie de mon cercle d’intimes, ceux à qui je dévoile mes peurs, mes attentes, mais aussi mes absences. Et celle des finlandais est toujours trop longue.
Quatre ans depuis la mystique de Värähtelijä, qui avait laissé tout le monde estourbi de surprise. Quatre ans certes comblés par les projets annexes, parfois tellement ambitieux qu’ils en devenaient incroyables. Ainsi, les membres du groupe ont proposé à leur public le concept WASTE OF SPACE ORCHESTRA monté en collaboration avec les proches de DARK BUDDHA RISING, tandis que Jun-His se répandait en violence au sein de THREE POUND TRIGGER. Cette expérience acquise a permis aux musiciens de comprendre qu’une fois encore, il fallait qu’ils se trouvent là où personne ne les attendait, ou presque. Les fans ne se faisaient pas d’illusions, et savaient très bien au regard de la carrière passée que leur groupe fétiche n’allait pas oser la resucée pure et simple. Ils savaient que le quintet allait encore une fois repousser ses propres limites, mais aussi celle d’un extrême qui sans eux, paraitrait bien fade. Au départ, les choses étaient claires, et dans la continuité de l’ancien vestige KUOLLEET INTIAANIT. Un Black psychédélique, délicatement expérimental, mais moins obscur dans les intentions. Aujourd’hui, onze ans après le premier jet Muukalainen Puhuu, tout est beaucoup plus opaque, caché derrière un écran de fumée qui ne dissimule pas les effets de manche et le manque d’inspiration. Car l’inspiration est toujours là, malgré un glissement des esthètes de Svart Records à la grosse usine Nuclear Blast. Cette signature n’a pas entamé la personnalité des musiciens impliqués, à contrario, elle leur a donné encore plus d’assurance. Et dans les faits, Mestarin Kynsi pourrait être leur œuvre la moins accessible et pourtant la plus valorisante artistiquement parlant. Et le pari n’est pas facile quand on base ses expérimentations sur le hasard de répétitions en mantra.
A l’image d’un OPETH ayant petit à petit éclairci son ciel au point de lui faire transpercer les étoiles, ORANSSI PAZUZU s’est offert une marge de manœuvre conséquente, mais surtout une production énorme et claire. Ce cinquième LP, et le premier avec Ikon à la guitare (DOMOVOYD, WASTE OF SPACE ORCHESTRA) est en quelque sorte un oignon qu’on épluche couche par couche pour n’en garder que l’essence même. Un ensemble qui se découpe en plusieurs couches, une expérience sensorielle qui redonne ses lettres de noblesse à l’expérimentation et au psychédélisme. Il n’y a d’ailleurs plus vraiment d’optique foncièrement psychédélique sur ce LP, juste des essais sonores qui occupent l’espace et dessinent des horizons différents, toujours terriblement sombres, mais aussi fascinants de tonalités étranges et nuancées. Parfois, les détails se font à la note près, à l’arrangement millimétré. Ainsi, le final de l’interminable « Uusi Teknokratia » nous plonge dans l’infini d’un espace brillant, aux possibilités incroyables, à l’apaisement presque concret. En refusant la facilité de longues digressions uniques ou au contraire polluées de trop d’idées, les finlandais continuent le travail entrepris sur leurs quatre premiers albums, mais leur offrent un miroir déformant fantastique. On reconnaît le groupe dès les premières secondes, mais on le sait transfiguré, presque en paix avec lui-même. Dès les premières notes de « Ilmestys », la surprise est faussée par l’anticipation d’un changement plus que probable. En ayant épuré sa musique au maximum, ORANSSI PAZUZU se repose désormais sur de longues itérations, fonctionnant à un niveau chamanique, reprenant à son compte et de façon plus personnelle les recettes de NEUROSIS et TERRA TENEBROSA, tout en y insufflant des éléments plus mouvant, plus vivants. Travaillant leur son pour s’offrir le maximum de possibilités, le groupe joue sur les montées et baisses de niveau, impose le silence sur fond de murmures inquiétants et d’arrangements grouillant, imposant un crescendo fourbe de sept minutes s’achevant dans une explosion de haine sombre.
Du psychédélisme, les musiciens n’ont gardé que la liberté de ton, et la souplesse de création. L’entame spatiale de « Tyhjyyden Sakramentti » le démontre avec ses guitares acides et son arythmie souple en hypnose. Et une fois encore, il faut attendre de longues minutes avant que la progression ne se métamorphose en transe de percussions avec toujours ces loops qui font tourner la tête à la façon d’un PINK FLOYD de 71 pris dans un délire Krautrock. Mais la force du groupe, cette façon de justifier sans le faire chaque élément employé est toujours là, cette envie de s’extirper d’un carcan extrême pour oser des bandes inversées, et « Kuulen Ääniä Maan Alta » de s’aventurer bien loin de la galaxie Metal pour oser le synthétisme en vogue dans les pays nordiques. Certes, les riffs sont bien présents, et distordus au possible, comme la basse, mais l’ambiance générale, presque dansante, créé un décalage incroyable entre la méchanceté des intentions et l’accessibilité de la forme. A l’inverse, le final « Taivaan Portti » retrouve la crudité de BATHORY, et la transpose dans un univers Noisy underground finlandais. Une façon de confronter le lo-fi et le symphonique sans utiliser les poncifs de l’un ou l’autre des styles, et de prolonger l’expérience pour tirer le meilleur parti des sens. Nous pousser à bout, tester notre résistance à la douleur et au plaisir. En signant sur Nuclear Blast, ORANSSI PAZUZU n’a pas vendu son âme au diable, ne s’est pas corrompu, et n’a même rien changé à sa philosophie. Il a juste choisi de propager son message à plus grande échelle, histoire de se faire de nouveaux amis. Des amis qui n’attendront pas de lui une présence de tous les instants, ou des mots rassurants, mais une vérité ponctuelle extatique faisant apparaître le monde tel qu’il est, avec son lot d’espoirs déçus et de délivrance cathartique.
Titres de l’album :
01. Ilmestys
02. Tyhjyyden Sakramentti
03. Uusi Teknokratia
04. Oikeamielisten Sali
05. Kuulen Ääniä Maan Alta
06. Taivaan Portti
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26/03/2025, 20:47
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