Metal Church

Metal Church

 

Elektra Records, Ground Zero

La saison estivale, le championnat d’Europe de football, le Tour de France, les jeux olympiques de Paris, l’attentat manqué sur Donald Trump, la situation en Israël et en Ukraine, beaucoup de choses nous détournent de l’essentiel en cet étrange mois de juillet 2024. La parution il y a exactement quarante ans d’un des plus grands albums de Heavy Metal de l’histoire, de ceux qui changent la donne et qui laissent une trace indélébile dans les mémoires de ceux ayant vécu l’évènement en temps et en heure. Ainsi, METAL CHURCH, l’éternel maudit, le sempiternel mal rangé, le mal-aimé et mal vendu s’est fendu un beau jour de juillet 1984 d’un pamphlet définitif, qu’aujourd’hui encore nous découvrons sous différents angles, admiratifs de cette puissance et de cette finesse que les médias auraient bien aimé résumer d’un seul mot, plus vendeur que les autres :

Thrash.

Sauf que METAL CHURCH n’a jamais été un  groupe de Thrash. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter Kill Em’All, Killing is my Business, ou encore Fistful of Metal et d’enchaîner immédiatement avec Metal Church. J’en conviens, si certains morceaux font illusion, notamment le monstrueux instrumental « Merciless Onslaught », le reste du répertoire s’inscrit dans cette nouvelle tradition HM américaine, front mené par les ARMORED SAINT, FATES WARNING, HEIR APPARENT et autres QUEENSRYCHE ou CRIMSON GLORY. Certes, les liens unissant le quintet de Seattle avec l’autre quatuor de San Francisco sont ténus, et pas seulement parce qu’un jour Lars Ulrich a auditionné pour faire partie de l’église. Mais la musique proposée sur Metal Church est à des lieues de celle jouée par METALLICA sur son premier album, et beaucoup plus proche d’une version encore plus léchée et perfectionnée de Ride The Lightning.

Mais avant d’aborder de plein fouet le contenu artistique de ce premier chef d’œuvre, un peu d’histoire.


Basé à San Francisco, Kurdt Vanderhoof a formé le groupe en 1980. En 1981, la démo instrumentale Red Skies sort et propose trois titres sur cassette, avec outre Vanderhoof, le guitariste Rick Condrin, le bassiste Steve Hott et le batteur Aaron Zimpel. Mais Kurdt retourne dans sa ville natale d'Aberdeen en 1981 et fonde un nouveau groupe, SHRAPNEL avec Craig Wells, Duke Erickson, le batteur Tom Weber et le chanteur Mike Murphy. Murphy quitte le groupe avant la sortie de la nouvelle démo instrumentale, et Weber lui emboîte le pas peu de temps après. L'arrivée de Kirk Arrington et de David Wayne permettent d’assembler ce qui incarnera le line-up historique du groupe, qui en profitera pour lâcher la démo Four Hymns. La formation passe son temps à jouer sur scène et à composer, se rebaptisant au passage METAL CHURCH en 1983. Ils en profiteront pour graver le titre « Death Wish » sur la légendaire compilation Northwest Metalfest. 


Voilà pour le contexte, nous pouvons maintenant nous plonger dans les méandres d’un disque révolutionnaire à bien des égards, que beaucoup ont choisi d’incorporer à un mouvement dont il ne faisait absolument pas partie.

Admettons-le une bonne fois pour toutes, devant témoins s’il le faut, mais METAL CHURCH n’a jamais été un groupe de Thrash. Certes, la puissance de certains de ses titres, l’énergie développée et la hargne d’une paire de guitaristes biberonnés à JUDAS PRIEST et la NWOBHM peuvent éventuellement aiguiller sur la piste de la Bay-Area et de ses héros agressifs, mais le rendu et le niveau technique des musiciens s’apparente bien plus à la NWOAHM, telle que popularisée par les groupes déjà cités, et bien d’autres.


D’ailleurs, « Beyond The Black » met les choses au clair en six minutes. Alors que Kill Em’All, et tous les premiers albums de Thrash n’auraient jamais débuté autrement que par un killer bien véloce, Metal Church, l’album, entame sa course contre la montre avec la sérénité et la préciosité des artisans aimant le travail bien fait. Imaginez un court instant Killing is my Business ou Bonded by Blood entamés par ce titre épique et doomy, et mesurez la distance qui sépare les originaires d’Aberdeen de leurs confrères californiens. En un seul morceau, METAL CHURCH se démarque, cite BLACK SABBATH, MERCYFUL FATE et DEEP PURPLE (qu’on retrouvera plus tard…), ose un son clair inenvisageable à l’époque, des déviations multiples et mélodiques, et révèle au monde médusé l’un des chanteurs les plus talentueux de sa génération, David Wayne.

David Wayne était en quelque sorte le croisement ultime entre la fougue théâtrale et satanique de King Diamond, et l’acier râpeux à l’allemande d’Udo. D’ailleurs, ses acolytes eurent tôt fait de le surnommer « la sorcière », eu égard à l’altitude des notes qu’il était capable d’atteindre. En redécouvrant son timbre de voix et l’écart de ses octaves, on se prend à penser au futur Warrel Dane, dont le SANCTUARY s’inspirera largement de ce premier album pour composer le sien, allant jusqu’à copier cette ambiance quasiment mystique, qu’une pochette bricolée confirmera de sa Gibson Explorer gothique et violette.

Alors que la plupart des groupes US les plus véhéménts se laissent encore aller à leur fougue de jeunesse, METAL CHURCH est déjà mature pour son âge, et son image est parfaitement retranscrite par ces huit morceaux originaux. Bien plus structuré et ambitieux que la production d’époque, caractéristique de ce son de Seattle qui deviendra une référence décennie après décennie, Metal Church intriguera le public Metal, qui y a vu une autre alternative, plus accessible que le Thrash, mais plus virile et puissante que le Heavy, et surtout, autre chose que ce faux Metal californien des années RATT, MÖTLEY CRÜE et autres hirsutes déguisés pour Halloween.

« Metal Church », le titre, insiste sur la même piste, et prend l’auditeur à témoin d’un potentiel technique largement au-dessus de la moyenne. D’une finesse rare à ce stade d’un Heavy vraiment costaud et épais, ce title-track merveilleux résume toutes les options prises par le groupe, et sa partie de batterie ne fera que conforter les supporters de DEEP PURPLE quant à l’influence de leur groupe fétiche sur les américains. Il y a du Ian Paice dans ces coups de baguettes millimétrés, dans ces caresses de cymbale et ces petits fills, et Kirk Arrington se place d’emblée sous le chapiteau des percussionnistes les plus doués. Ce qu’il confirme d’ailleurs très rapidement sur l’instrumental dont nous avons déjà parlé, et qui ose même un rythme aussi échevelé qu’un gang Thrashcore.


Il est alors clair que le quintet ne fait pas partie de la même famille, ou au mieux, n’incarne qu’un cousin éloigné de la scène brutale californienne. Là où METALLICA attendra son deuxième album pour céder à la séduction d’une mélodie prononcée sur « Fade to Black », METAL CHURCH prépare déjà le terrain pour FLOTSAM & JETSAM, HEATHEN, en lâchant l’imposant « Gods Of Wrath », traduction américaine de la sensibilité anglaise de Rob Halford et ses troupes.

Ceci étant dit, lorsque le groupe passe la cinquième, la gégène tourne à plein régime. On ne parle pas encore de Power Metal, mais « Hitman » annonce d’ores et déjà The Dark, avec son tempo échevelé et son ambiance à la « Ton of Bricks ». La spécificité de David, Kirk, Duke, Kurdt et Craig, outre leur pratique sans aspérité, réside dans ce soin apporté au moindre détail, sans perdre en sauvagerie. « (My Favorite) Nightmare » en est sans conteste le plus bel exemple, avec ses heurts rythmiques que Dave Mustaine saura utiliser tout au long de sa carrière, mais aussi ces interventions en solo qui placent la doublette Vanderhoof/Wells sur le piédestal qu’ils ne quitteront jamais.

A la lisière d’un Heavy progressif avec lequel ils continueront de flirter, les METAL CHURCH ne s’en lâchent pas moins sur « Battalions », le titre le plus violent mais aussi le plus dispensable du lot, qui ne tombera pas dans l’oreille ANNIHILATOR sourde d’un Jeff Waters. La surprise la plus conséquente de l’album, outre ses morceaux tous plus indispensables les uns que les autres, est cette reprise totalement logique du « Highway Star » de DEEP PURPLE, l’une des plus grosses influences du groupe. Passé à la sauce Metal, ce classique devient un nouveau cheval de bataille pour la génération 80, et achève d’intégrer METAL CHURCH dans le who’s who du Heavy Metal international. La parenté des voix de Ian Gillan et David Wayne n’en est que plus évidente sur cette appropriation, et la prestation du chanteur en laissera plus d’un sur le carreau, les note suraigües tombant comme des mouches.


METAL CHURCH, le nom lui-même était très clair. METAL CHURCH en 1984 était un groupe de pur Heavy Metal, sans doute plus puissant et véloce que la moyenne, mais très loin de ce que la Bay-Area produisait de plus sophistiqué. Les accointances entre le quintet et METALLICA expliquent sans doute le virage pris par James et Lars sur Ride the Lightning, et la finesse de cette musique brutale a poussé Elektra à sortir le chéquier pour signer le groupe en vue de futurs albums. Et si The Dark reste un monument à honorer de son vivant, rien de plus parfait que Metal Church ne viendra décorer la cheminée de ses membres.

La perfection n’existe p….oh wait !      

                

Titres de l’album :

01. Beyond The Black

02. Metal Church

03. Merciless Onslaught

04. Gods Of Wrath

05. Hitman

06. In The Blood

07. (My Favorite) Nightmare

08. Battalions

09. Highway Star (DEEP PURPLE cover)


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par mortne2001 le 14/07/2024 à 19:36
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Humungus
membre enregistré
18/07/2024, 13:39:34

Monument.

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